Devant la commission Bouchard-Taylor lors de son passage en Outaouais, un immigrant originaire d'Afrique a tenu des propos que je fais miens. Sauf sur un point. Contrairement à lui, je refuse de dire que les habitants du Québec d'aujourd'hui sont tous des immigrants. Sans doute y avait-il une bonne intention chez ce Québécois d'adoption. S'il veut dire que nous sommes tous citoyens à part entière peu importe notre lieu de naissance, s'il veut signifier par là que nous avons tous les mêmes droits, d'accord. Mais pourquoi le dire ainsi, pourquoi vider le mot migrant de son sens ?
Mes quatre grands-parents ont migré de villages agricoles pour s'installer dans une ville de Montréal en pleine expansion, en phase d'urbanisation. Ils ont dû se déraciner pour s'intégrer le mieux possible dans l'anonymat d'une ville où la crise économique des années 1930 les a frappés, eux et leurs nombreux enfants. Il aurait été inconcevable pour moi de leur dire 25 ans plus tard que j'ai vécu par procuration leur expérience migratoire avant même que mes parents se rencontrent! Tant qu'à y être, quelle prétention de ma part si j'osais ajouter avoir migré en Amérique au XVIIe siècle avec mon premier ancêtre Léonard venu construire des moulins en Nouvelle-France!
L'effet pervers de cette idée voulant que, dans les Amériques, nous soyons tous des immigrants -- y compris les Autochtones quand on y pense bien -- est d'effacer autant le vécu particulier des personnes que l'histoire des sociétés avec leurs mythes, leurs cultures, leurs traditions, leurs symboles, leurs patrimoines, leurs héritages identitaires, etc. Voilà où mène, sur fond de multiculturalisme, le mince concept de la nation civique basée sur des chartes, des lois, des règlements et des... accommodements.
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Michel Paillé, Québec
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