Dans le monde musulman, la décision provoque une réprobation générale… Le Hamas et le Hezbollah parlent de « rage », appellent les Palestiniens à un soulèvement général, à une « troisième intifada ». La Turquie, l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite — pourtant des alliés des États-Unis — s’opposent, condamnent, avertissent que le feu couve, que Jérusalem est une « ligne rouge » (le Turc Erdogan)…
Au Conseil de sécurité, entre Français, Britanniques, Russes et Chinois, Washington se retrouve isolé… le temps d’une réunion.
Symbole de l’alignement inconditionnel de Washington sur le gouvernement d’extrême droite israélien, la déclaration de Donald Trump sur Jérusalem, au-delà de son ignorance inconsciente, peut-elle aujourd’hui vraiment mobiliser l’ensemble du monde musulman ?
Malheureusement pour les Palestiniens, on peut en douter. Les Palestiniens, ce sont historiquement ceux dont on se réclame pour faire un bon discours, pour exprimer une indignation, pour vilipender Israël… mais qu’on oublie vite. La liste des trahisons arabes face à la cause palestinienne est longue, et la nouvelle donne géopolitique du XXIe siècle, malheureusement riche en opportunités de ce côté.
Le monde arabe ne parle pas d’une seule voix… et Washington — malgré l’atroce invasion de l’Irak, malgré la diplomatie destructrice de Donald Trump — y compte encore des amis et des alliés qui ne vont pas sacrifier leurs affaires, leurs investissements, leurs réseaux… pour la cause palestinienne.
Des pays comme l’Arabie saoudite et l’Égypte, qui avaient vécu un refroidissement avec le gouvernement Obama, sont en plein processus de « reconvergence » avec les États-Unis… Ils se rapprochent même d’Israël, l’ennemi longtemps honni. Avec l’Iran comme nouveau démon absolu : en 2017, le gouvernement Trump a pratiquement retiré son appui à l’accord de l’été 2015 sur la limitation et le contrôle international de son programme nucléaire.
Face à l’Iran, qui respecte scrupuleusement cet accord, contrairement à ce que prétend Washington, un Iran qui a bien des torts mais pas celui-là, trois pays hurlent au loup et semblent déterminés à pousser l’hostilité, peut-être même jusqu’à la guerre : Israël, les États-Unis et l’Arabie saoudite communient ensemble à la détestation et à la peur de Téhéran.
Les Saoudiens partagent même désormais, a-t-on appris officiellement cet automne, des renseignements stratégiques avec les services secrets israéliens !
Du côté de l’Égypte, le président putschiste Al-Sissi a besoin de la généreuse aide économique américaine. Il demeure l’obligé de Washington et coopère avec Israël, par exemple sur la question des accès à la bande de Gaza. L’antiterrorisme unit tout ce beau monde.
Résultat ? La cause palestinienne est oubliée, reléguée au troisième plan.
Depuis 25 ans, la question israélo-palestinienne a perdu sa « centralité » dans la géopolitique mondiale. Il y a un quart de siècle, quand il fallait nommer deux ou trois grandes questions figurant en tête de liste des relations internationales, le conflit israélo-arabe, et en particulier la question palestinienne, en faisait forcément partie.
Aujourd’hui, c’est un autre monde… Terrorisme islamiste, crise de la démocratie occidentale, migrations, environnement, conflits d’Irak et de Syrie, émergence de la Chine, retour de la Russie, guerres informatiques… Avant d’arriver à la question israélo-palestinienne… vous en aurez bien nommé dix autres !
Le caractère moribond, voire inexistant, de ce qui s’appelait « le processus de paix israélo-palestinien » est un corollaire — tragique pour les Palestiniens — de cet état de fait. La « crise » — qui pourrait bien faire « pschitt » — autour de Jérusalem, en est le signe immanquable.
Pas étonnant que, dans le petit journal israélien de gauche Haaretz, l’excellent analyste stratégique Zvi Bar’el ait écrit la semaine dernière, commentant cette ultime provocation du président américain : « Trump n’a pas tué le processus de paix ; il a simplement constaté et déclaré sa mort. »
> Lire la suite sur Le Devoir.