Si la Saint-Jean m'était contée...

Notre Fête nationale, lointain écho des fêtes païennes du solstice d'été, tombe au moment de l'année où les jours sont longs et les nuits, très courtes.

Fête nationale 2007 - « À nous le monde ! »


Alexandre Vigneault - Notre Fête nationale, lointain écho des fêtes païennes du solstice d'été, tombe au moment de l'année où les jours sont longs et les nuits, très courtes.



Est-ce parce que la noirceur ne dure pas assez longtemps pour donner asile au mystère que notre folklore ne retient aucune fantastique légende campée à l'orée de l'été? Il faudrait demander à ce diable de violoneux ce qu'il en pense lors du prochain mardi gras... Puisqu'un feu de camp demeure quand même l'endroit tout désigné pour se raconter des histoires, Alexandre Vigneault a demandé à deux grands conteurs de nous en raconter une qu'ils jugent appropriée à la nuit de la Saint-Jean.
Jocelyn Bérubé, conteur
La magie de la Saint-Jean, pour le conteur Jocelyn Bérubé, c'était les feux de grève en Gaspésie. Un feu, c'est chaud, c'est rassembleur. «Rencontrer une fille qu'on entrevoyait dans la pénombre, c'était magique ça!» se rappelle-t-il.
Dans son répertoire, il a un conte traditionnel - auquel il a ajouté son grain de sel - qu'il aime bien raconter les soirs de Saint-Jean. Il s'intitule L'oiseau couleur du temps et figure justement sur Le retour du Nil, qui regroupe ses disques Nil en ville et La bonne aventure. Ce n'est pas un conte politique, sauf que...
«L'histoire se passe au temps où les pays avaient des rois. Une petite princesse qui se relève d'une longue maladie va voir son père. Elle a rêvé d'un petit oiseau, qui était le plus rapide au monde, et elle demande à son père le roi de lui trouver ça, résume le conteur. Lui, les oiseaux, il se méfie de ça. Ç'a des plumes. Et si on le chatouille en dessous des pieds avec une seule plume, il pourrait mourir de rire et perdre sa place dans l'histoire.»
Le roi décide quand même d'organiser un concours auquel son conviées toutes les espèces d'oiseaux. «Dans la course, il y a aussi l'aigle, l'oiseau qui vole le plus vite et le plus haut, poursuit le conteur. Mais ce n'est pas lui que la princesse a vu dans son rêve. Juste comme l'aigle arrive près de ligne d'arrivée et qu'il est certain de gagner, un petit oiseau qui s'était caché dans les plumes de son cou lui passe par-dessus la tête et franchit la ligne d'arrivée avant lui!»
«La petite fille est contente. L'aigle, lui, a tellement honte que la tête lui blanchit d'un coup. Il se retire dans les hautes montagnes pour cacher son déshonneur, mais son pays se dépêche quand même de le proclamer emblème de la puissance invincible!» La petite princesse, elle, se réjouit de recevoir la visite de l'oiseau-couleur-du-temps chaque printemps. Ce conte joliment ironique, Jocelyn Bérubé a l'habitude de l'accompagner d'un reel originaire des États-Unis appelé L'oiseau moqueur...
Fred Pellerin, conteur
Notre Fête nationale, lointain écho des fêtes païennes du solstice d'été, tombe au moment de l'année où les jours sont longs et les nuits, très courtes. Est-ce parce que la noirceur ne dure pas assez longtemps pour donner asile au mystère que notre folklore ne retient aucune fantastique légende campée à l'orée de l'été?
Il faudrait demander à ce diable de violoneux ce qu'il en pense lors du prochain mardi gras... Puisqu'un feu de camp demeure quand même l'endroit tout désigné pour se raconter des histoires, Alexandre Vigneault a demandé à deux grands conteurs de nous en raconter une qu'ils jugent appropriée à la nuit de la Saint-Jean.
La seule histoire que Fred Pellerin a en tête et qui tourne autour de la Saint-Jean, c'est celle qu'il peaufine actuellement et qu'il va raconter demain, au parc Maisonneuve, à l'occasion du spectacle de la Fête nationale. «Je ne vais quand même pas me scooper», dit-il, à l'autre bout du fil. Fouillant un à un les tiroirs de sa mémoire, il a fini par dénicher deux histoires de... boisson. On a choisi la deuxième, qui parle des origines de notre devise officielle. Elle ne va peut-être pas exciter notre fierté nationale, mais bon: si on ne vaut pas une risée...
«On est tous là à prétendre Je me souviens, mais personne ne se souvient d'où ça vient cette phrase-là. Il y a des histoires qui disent que c'est un bonhomme qui prenait un coup et qui embarquait tout le monde dans la beuverie. À un moment donné, tout le monde au village buvait et il y avait de moins en moins de monde à la messe. Le curé s'est dit: faut que ça slaque. Il a essayé différentes affaires: il a prêché pour la tempérance, il a introduit un ordre de la tempérance au village, il a fait des sermons sur le slaquage de boire pis toutte...»
«Pis, il a fini par se dire que la meilleure façon, c'était de taper dans l'orgueil du monde, de leur taper dans le grelot de l'humiliation. Il a mis une loi sur papier - on dit que c'est gardé des archives, mais j'ai jamais fouillé - qui obligeait le monde à écrire sur leur voiture, leur buggie ou leur cheval où ils allaient et ce qu'ils allaient y faire. Il prétendait que le monde n'oserait pas écrire «je pars sur la brosse» sur son cheval. Tout le monde a arrêté de boire à cause de ça. Plus personne ne voulait traverser le village en se disant ivrogne.»
«Un bon soir, il y en a un qui ne pouvait plus s'en empêcher, fait qu'il a levé la queue de son cheval et lui a écrit sur les fesses: je me saoule et je reviens. Quand il a baissé la queue du cheval, il a coupé le milieu de la phrase et ça faisait: je me saouviens. Lui, il ne se souvient plus de rien, parce qu'il en a viré une bonne ce soir-là!»
Du conte qu'il prépare pour demain, Fred Pellerin ne souffle pas mot. Il annonce seulement qu'il veut entraîner le monde dans un délire encore «plus pété» que cette petite histoire de brosse. «Je vais essayer de frôler le ciel plus que de lever le coude!»


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