Se sortir de la misère: Lucien et Gérard Bouchard se racontent

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Les deux frères Bouchard, Lucien "Brutus Diplodocus" et Gérard "Thomas Diafoirus"

(Québec) Réunis sur la scène du Palais Montcalm à l'occasion d'une soirée pour célébrer le 75e anniversaire de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval, Lucien et Gérard Bouchard ont montré une facette peu connue du public, celle de deux frères complices, extrêmement drôles et très empreints de leur jeunesse.
«On est quand même un peu stressés ce soir, les frères Ford ont mis la barre haute cette semaine...», ont-ils lancé à la foule, ce qui a donné le ton à la soirée accompagnée de la musique des Violons du Roy.
Si les frères Bouchard ont trimé dur à l'école, c'est pour éviter la trajectoire de leurs parents, des gens «opprimés» qui vivaient le malheur «de ne pas être ce qu'ils auraient voulu être».
Affirmant qu'il ne pouvait pas y avoir de frères plus complices qu'eux, Lucien et Gérard Bouchard ont longuement raconté leur enfance à Jonquière. Des récits teintés de beaucoup d'humour mais également de tristesse et de compassion envers leurs parents qui ont beaucoup souffert puisque catapultés à l'âge adulte en plein coeur d'une crise économique.
«Leur rêve était que leurs enfants soient mieux équipés pour être plus heureux. On était imprégnés de cela», a raconté le sociologue et petit dernier de la famille. «Il fallait s'instruire le plus longtemps possible», souligne celui qui se remémore «avec beaucoup de douleurs» l'anecdote où son père, camionneur, tentait en vain d'écrire à ses fils partis étudier en France. «Mon père, c'était quelqu'un de démuni», tranche-t-il, ajoutant que l'homme «tendre» et à l'âme d'artiste vivait le malheur de ne pas avoir été à la hauteur de ses ambitions.
«Ma mère aurait pu diriger General Motors mais elle nous a dirigés à la place», a renchéri à la blague Lucien Bouchard, l'aîné «autoritaire» des cinq enfants. «On était d'une ville très modeste, Jonquière, et de la partie plus modeste de la ville modeste», a expliqué l'ex-premier ministre du Québec, se disant très reconnaissant envers les oblats du coin sans qui son frère et lui n'auraient pas pu suivre leur cours classique.
Les deux hommes ont aussi raconté leur arrivée dans la «grande ville de Québec» où ils ont vécu l'effervescence de la Révolution tranquille alors qu'ils fréquentaient la faculté des sciences sociales de l'Université Laval, qui avait toujours pignon sur rue dans le coeur de la cité. «C'était une époque où l'on admirait les politiciens», a lancé Lucien Bouchard, disant déplorer le traitement qu'on réserve aujourd'hui à ce métier.
Le Québec en manque d'inspiration
S'ils se chamaillent sur beaucoup de sujets, les frères Bouchard s'entendent sur une chose : le Québec traverse une mauvaise période.
«On n'a pas d'inspiration! Pas de projet porteur», s'enflamme l'ex-premier ministre, la seule fois de la soirée où son ton se durcit. «C'est pas demain la veille où on pourra se réanimer pour faire un référendum. On fait quoi en attendant? On attend le grand soir? Il y a des choses qu'on peut faire!» renchérit Lucien Bouchard, expliquant que le Québec dispose pourtant de tous les outils pour avancer. Il s'emporte également contre une «poignée d'individus» qui, selon lui, bloquent tous les projets.
Quant à Gérard Bouchard, c'est le projet de charte encadrant la laïcité de l'État qui l'inquiète. Selon lui, sa facture «sera lourde à payer» pour les générations à venir. Le sociologue croit que le Québec avait pourtant réussi à trouver un modèle porteur, celui de l'interculturalisme.
«Là, on coalise les minorités et les dresse vers la majorité [francophone]. Ça va prendre des décennies à défaire ça», déplore-t-il.


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