Se faire enfirouaper

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« Peu importe le niveau de scolarité des citoyens, la communication maudite de la politique aujourd’hui est une insulte à notre intelligence. »

Cette expression québécoise me semble mieux cerner la réalité quand il s’agit d’analyser la manière dont les politiciens québécois nous vendent leurs salades que les mots « escroc », ou « voleur », qu’on lance à tort ou à raison à ceux qui nous gouvernent.


Prenons le cas des chiffres qu’on nous balance à tout propos. L’entente avec les médecins spécialistes qui leur permettra de toucher désormais des revenus supérieurs à ceux de leurs collègues de l’Ontario, par exemple, fera économiser trois milliards de dollars à l’État d’ici 2023. La démonstration sur papier de cette promesse exige des connaissances en comptabilité que seuls les spécialistes en la matière peuvent posséder. Le commun des mortels, même les plus informés, doit donc faire un acte de foi.


La complexité administrative d’aujourd’hui nous plonge tous dans la perplexité. Désormais, les partis d’opposition qui n’ont pas d’accès à tous les documents ministériels sont de facto limités dans leur efficacité comme critiques officiels. Une partie des faits leur échappe.


Duo national


Dans ce cas précis, le couple énigmatique que forment les docteurs Philippe Couillard et Gaétan Barrette ne nous escroque pas, il nous enfirouape. Ministres de la Santé tous les deux, et Gaétan Barrette, ex-président de la puissante Fédération des médecins spécialistes, ces deux-là sont imbattables quand ils confrontent des adversaires­­­, politiciens et critiques journalistes.


En éducation, les dernières décennies nous ont la plupart du temps accablés. Le PLQ, comme le PQ, ont été incapables de contrôler l’éléphant immuable qu’est le ministère de l’Éducation. Idem pour les commissions scolaires.


Notes gonflées


L’on apprenait cette semaine que le taux de diplomation au niveau secondaire subit une légère hausse au Québec. Mais que recouvrent les chiffres si on ne donne pas le contexte dans lequel on les obtient ? À savoir la pratique du gonflement des notes qui permet à des élèves en difficulté d’obtenir la note de passage. C’est bien connu, au Québec certains souhaiteraient abolir les notes. Au nom d’une égalité idéologique, l’on devrait refuser de classer les élèves.


Le Devoir d’hier rapportait qu’une enseignante au primaire a noté ses élèves avant de partir en congé de maladie. À son retour, elle a constaté que les élèves qu’elle avait fait échouer en français et en mathématiques avaient reçu la note de passage grâce à une intervention de la direction de l’école. Le ministre de l’Éducation estime que ce ne sont pas des « notes gonflées », mais un « traitement statistique ». Il s’agirait de corriger d’éventuelles erreurs de mesure qui pénaliseraient injustement des élèves, assure le ministre Sébastien Proulx, lui-même un plus jeune « enfirouapeur ».


L’on pourrait faire 10 chroniques sur les chiffres que nous lancent les ministères, et ce, dans des communiqués illisibles, car écrits dans un charabia technocratique où chaque mot est choisi en fonction de son non-sens pour confondre les malins et pour épuiser les plus zélés à la recherche des faits bruts.


La liberté d’être informé est un vœu pieux. Peu importe le niveau de scolarité des citoyens, la communication maudite de la politique aujourd’hui est une insulte à notre intelligence.