Sale temps pour la liberté d’expression

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Les journalistes doivent cesser de feindre la surprise en apprenant que l'extrême gauche est totalitaire



La conférence que devait prononcer Mathieu Bock-Côté, le 9 mai, dans une librairie montréalaise est donc annulée.




Il aura suffi de quelques imbéciles qui menaçaient de s’en prendre à lui pour que la librairie hisse le drapeau blanc.




C’est le dernier cas en date d’une longue série, ici comme ailleurs.




C’est devenu si fréquent que nous sommes en face d’un danger inimaginable il y a peu : s’habituer à la censure et la banaliser, un peu comme on a fini par se dire que le terrorisme faisait désormais partie de nos vies.




On se dira : « tiens, encore... », et on passera à autre chose... jusqu’au cas suivant.




Folle




Dans le cas de Bock-Côté, comme dans ceux d’Alain Finkielkraut, de Jordan Peterson et de tant d’autres, c’est un intellectuel étiqueté « de droite » qui est dans le viseur de militants étiquetés « de gauche ».




Dans une démocratie occidentale, pas dans une dictature militaire, à quand remonte la dernière fois qu’un intellectuel de gauche n’a pu prendre la parole parce qu’il subissait des pressions de gens « de droite » ?




Pensez-y, des gens qui disent défendre la diversité ethnique et religieuse sont totalement allergiques à la diversité intellectuelle : il faut penser comme eux, sinon...




Une partie de la gauche est vraiment devenue folle.




Cette nouvelle censure s’explique par la montée d’une conception de l’être humain réduite à son identité personnelle.




Dès lors, des gens associent la critique de leurs idées à une critique de leur personne : critiquer l’islam, c’est critiquer les musulmans, et critiquer le féminisme, c’est critiquer les femmes.




Les médias, eux, devraient questionner beaucoup plus la légitimité de ces gueulards : vous êtes combien et pour qui vous vous prenez au juste ?




On aurait immensément tort de minimiser ces affaires, car elles ont au moins deux conséquences gravissimes.




La première est qu’elles risquent d’éloigner de la sphère publique des gens qui auraient des choses intéressantes à dire.




Je vois déjà cette frilosité dans le monde universitaire.




L’arène publique deviendra alors la chasse gardée d’idéologues extrémistes, de provocateurs qui veulent seulement faire parler d’eux, ou de gens qui tiendront des propos aseptisés.




La deuxième conséquence est un affaiblissement de la démocratie.




Nos sociétés sont fondées sur la délibération : en gros, les idées circulent, on en discute, on les confronte et on choisit.




S’il y a moins d’idées en circulation parce qu’on fait taire celles qui déplaisent, c’est la démocratie que vous affaiblissez.




Universités




Ceux qui objectent que la liberté d’expression n’est pas absolue oublient commodément qu’elle est déjà balisée par un droit interdisant l’appel à la violence ou à la haine raciale.




Mais il ne saurait exister un quelconque droit de ne pas être choqué par un propos qui vous déplaît.




On peut comprendre, sans l’approuver, qu’une minuscule librairie, sans grands moyens, craigne la tourmente.




Il est infiniment plus troublant de voir ces cas de censure se multiplier dans des universités qui ont les moyens de défendre la liberté d’expression, et dont on oublie qu’elles furent créées justement pour cela.