Le Canada au G8

S'isoler

On est très à contre-courant du reste de l'Occident, très loin des Casques bleus et très proche de l'obsession.

Nouvel Ordre mondial


Le premier ministre Stephen Harper est en voie de se faire une spécialité des minorités de blocage quand il agit sur la scène internationale. Sauf s'il s'agit de sortir l'arsenal militaire, auquel cas il répond «présent» sans mettre de bâtons dans les roues. Le sommet du G8 en a été la plus éloquente démonstration.
Nous connaissions déjà les manoeuvres conservatrices pour bousiller les consensus en environnement lors des grandes conférences internationales. Le Devoir a déjà publié des documents confidentiels qui faisaient voir les stratégies gouvernementales pour diviser les Européens et saboter les négociations en matière de changements climatiques. La même méthode s'est appliquée à Deauville. Cette fois, c'est M. Harper lui-même qui est intervenu pour empêcher que le communiqué final du sommet, dans sa partie consacrée au conflit israélo-palestinien, évoque les frontières d'Israël de 1967, comme le souhaitaient les autres leaders du G8.
Les pressions canadiennes ont même été fortes, ont fait valoir, sous couvert de l'anonymat, les membres d'autres délégations, déçus de cette attitude qui a édulcoré le communiqué final. Accroché à la ligne dure israélienne, le gouvernement conservateur n'avait aucune intention de faire des compromis, dut-il pour ce faire s'isoler de ses alliés traditionnels.
M. Harper a de même choisi de faire bande à part quant à l'aide à verser aux pays qui, dans la foulée du printemps arabe, cheminent vers la démocratie. Et ce n'est pas parce qu'il s'inquiète de la pertinence ou de l'impact réel d'une assistance financière — ce qui au moins ne manquerait pas d'intérêt. Ni, comme il l'a prétendu jeudi, parce que le Canada fournit déjà 12 milliards à trois banques oeuvrant auprès des pays en développement — en fait, il s'agit de garanties de prêts qui ne nous ont pas encore coûté un sou.
La vraie raison, et M. Harper l'a dit clairement hier, c'est que le Canada contribue déjà en Afrique du Nord... grâce à son engagement militaire en Libye. La mission canadienne y sera d'ailleurs prolongée, et les 1300 bombes à 100 000 $ chacune à larguer sont déjà commandées, comme l'explique Le Devoir aujourd'hui. Voilà qui suscite l'enthousiasme de notre gouvernement!
Le Canada en est donc là: île isolée du reste du monde, qui ne se soucie ni des ponts à construire ni d'une participation quelconque aux grands débats de l'heure (ainsi, l'originalité du sommet du G8 organisé par la France fut de le faire précéder d'un «e-G8» consacré à Internet; l'originalité du sommet du G8 tenu l'an dernier au Canada fut de gaspiller des millions de dollars en lac bidon et rénovation de trottoirs).
Le Canada ne se réveille que s'il est question de dégainer.
L'annonce cette semaine de la création d'un exceptionnel comité ministériel sur la sécurité nationale qui va cibler large et qui sera présidé par M. Harper lui-même, ce qui est inusité, en donne un signal clair, qu'a parfaitement résumé le néodémocrate Jack Harris: «Toute la vision du Canada à l'étranger va maintenant passer par la lorgnette de la défense et non pas de la diplomatie.»
On est très à contre-courant du reste de l'Occident, très loin des Casques bleus et très proche de l'obsession.


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