On ne pouvait s’attendre à plus fort symbole. La semaine même où le gouvernement Marois dépose un budget résigné, libéraux et caquistes insistent pour maintenir le drapeau canadian dans une enceinte où il n’a pas sa place.
Les politiciens de la province ont fait la démonstration de leur petitesse : aucun sens de l’État, aucune connaissance même des règles élémentaires du pavoisement, aucun respect des symboles nationaux, une mesquinerie de partisans serviles. Ce sont des inconditionnels du Canada et ils vont se prosterner devant le symbole du viol de la démocratie québécoise.
En pleine semaine de dépôt du budget, ils viennent plastronner leur indifférence à payer l’hypothèque sans même que notre signature ne soit au bas du contrat. Ils n’exigent rien d’Ottawa et n’ont que l’automutilation à proposer pour notre gouvernement national. Cela dépasse l’entendement, ils font comme si de rien n’était. Ils font, en fait, les hypocrites. Ils acquiescent à l’ordre imposé. Ils ont mis notre destin au clou, bazardé l’héritage. Ils sont des concierges clandestins dans la demeure de la nation. Ils ont signé la Constitution, mais ne veulent ni le dire ni l’assumer devant le peuple.
Et ces démissionnaires ont fait semblant de s’intéresser aux finances de la province. Ceux-là qui ont laissé la corruption gangrener ce que nous avons de plus précieux, les autres qui ont sucré les copains ont font chorale avec les aspirants portiers en nous brandissant tous les mots valises de la rhétorique managériale.
On les a vus jouer les donneurs de leçons alors que l’encre d’un accablant rapport de Secor-KPMG décrivant une gabegie digne des républiques de bananes n'était pas encore sèche . C’était la médiocrité incarnée que cette opposition a servie. Une médiocrité qui ne sert qu’à jeter de la boucane devant ce que ce budget révélait de plus affligeant : le drapeau canadian y était planté et sa hampe fiscale le traversait de part en part.
Il n’y a plus rien à attendre des partis dont la loyauté va au Canada d’abord. Pour eux les « vraies affaires » se font toujours avec un escompte de cinquante milliards. Il faut arrêter de faire semblant de ne pas le voir. Le simulacre les arrange. Et il n’y a rien à faire avec des plaideurs qui pratiquent la restriction mentale encore mieux qu’ils ne mentent.
Plus que jamais il est apparu évident que le Québec n’a plus aucun horizon dans le Canada que celui du ratatinement. Gouverner la province, c’est voguer de compromis bancal en solution de broche à foin. Le Québec est dans un étau qui le contraint à se gouverner avec les moyens que le Canada lui laisse.
Le budget, c’est évident, visait d’abord à éviter le pire. Mais il y a des limites à ne pas nommer les choses : le statut provincial rend désormais impossible de servir adéquatement l’intérêt national. Au mieux peut-on s’attendre à ce que certains réussissent moins mal que d’autres à limiter les dégâts. Mais c’est une bien mince consolation. Ce n’est en rien une voie d’avenir. Éviter le naufrage n’est pas naviguer.
Le budget Marceau a toutes les allures d’un prix de consolation canadian. Cela faisait mal de l’entendre conclure son discours en évoquant que les perspectives seraient tellement meilleures si le Québec avait tous ses moyens. Il voyait les choses à l’envers, notre ministre.
C’est en introduction qu’il fallait établir ce constat. Et ensuite se mettre à expliquer pourquoi il fallait gérer les ressources qui nous restent non pas pour nous accommoder des compromis qui nous sont enfoncés dans la gorge, mais plutôt pour se relancer par des projets mobilisateurs incarnant notre intérêt national. C’est quand les choses vont mal qu’il faut se donner du champ, qu’il faut s’acharner à faire lever l’horizon. Et l’horizon n’est jamais comptable.
Il fallait un budget raisonnable, c’est-à-dire un budget construit sur le refus des demi-mesures et des compromis imposés par les maîtres-chanteurs.
Tout n’est pas mauvais dans ce budget, tant s’en faut. L’ennui c’est que ses meilleures idées n’inspirent guère parce qu’elles restent présentées avec ce qui les leste. Notre intérêt national ne sera pas servi par des mesures déployées à l’échelle provinciale et en acceptant les contraintes de la régression.
Ce budget est prisonnier de l’intendance. Il n’aura guère permis de réaliser des gains politiques significatifs. Le gouvernement aura gagné un peu de temps, mais il ne s’est pas donné l’espace requis pour se soustraire aux manœuvres destructrices et il ne s’est guère équipé davantage pour reprendre l’initiative en mobilisant autour de projets d’envergure. Qui donc fera comprendre que de modestes projets « intéressants » ne feront la preuve de rien, ne donneront des ailes à personne ?
C’est l’audace et la créativité qui mettent les peuples en mouvement. Et quelquefois la colère. Pour l’instant, rien des unes ou de l’autre n’est perceptible sur la scène politique. Et pourtant le temps presse. Le peuple du Québec piaffe d’impatience autant que de morosité.
Il reste peu de temps à ce gouvernement pour se reprendre. Et pour construire l’unité dans le peuple en cessant de pactiser avec les élites démissionnaires. Cette unité, seuls des projets ambitieux qui permettront à la nation de s’éprouver vivante et capable de grandeur sauront la réussir.
Ces projets existent, il faut leur donner forme : réseau national de monorail haute vitesse, une grande corvée d’électrification du transport collectif, un grand réseau de production web et une infrastructure de communication du 21e siècle, un grand programme jeunesse lançant 100 000 jeunes dans les échanges et des tournées du Québec, une offensive majeure de développement des énergies vertes visant une véritable reconversion écologique de l’économie.
La liste pourrait s’allonger. Et l’on y verrait que les facteurs d’échelle sont déterminants : on ne fera pas muter notre modèle de développement avec des mesures servies à doses homéopathiques. Il faut entreprendre grand en se faisant confiance.
Il faut sortir la province de nos esprits. Les forces vives du Québec sont du côté de l’indépendance. On les trouve en partie dans les autres partis indépendantistes, certes, mais surtout dans les couches de la population qui, dans tous les milieux, cherchent à bâtir.
C’est par dizaines voire par centaines de milliers que des citoyens porteurs de pays sortent, de temps à autre dans les rues, dans les rangs, sur les places publiques depuis plus de quinze ans pour dire que le politique n’est plus en phase avec ce que le Québec cherche à faire naître.
Ces forces ne sont pas celles qui bloquent les projets, comme le prétendent les faiseux, ce sont celles qui poussent pour faire sauter l’embâcle. Elles sont disponibles et n’attendent que le signal pour s’investir dans les grands projets qui feront le pays autant qu’ils en donneront le goût. Le Québec fait le pied de grue en attendant d’avoir rendez-vous avec lui-même.
La politique des partis canadian de l’Assemblée Nationale ne tient plus que du boniment des souteneurs. Ils n’ont rien à offrir qu’une agence d’escorte pour détourner le rendez-vous réel en aventure vénale.
Il faut en finir avec la tolérance mollassonne qui nous englue dans un « empois de mort » (Miron). La politique provinciale est plus que jamais une politique de consentement à notre minorisation, un voyage organisé au pays de la déliquescence à petits pas.
La dignité loge désormais d’un seul côté des choses. La politique des quinze dernières années en a fait une démonstration implacable : une question nationale se résout ou elle pourrit tout. Refuser de la résoudre c’est choisir de marcher en aveugle sur la voie de l’humiliation.
Aucun peuple ne régresse dans la sérénité. ♦
L'Action nationale
Réussir l’unité
Éditorial décembre 2012
Il faut sortir la province de nos esprits, les forces vives du Québec sont du côté de l’indépendance
Robert Laplante173 articles
Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.
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