Résister à la tentation

Le gouvernement libéral doit cependant résister à la tentation de faire porter plus lourdement sur les épaules des employés de l'État le poids du retour à l'équilibre budgétaire.

Budget Québec 2010



(Québec) En gelant les salaires des infirmières, des fonctionnaires et du personnel des écoles, Québec pourrait bien sûr économiser gros, ce qui l'aiderait à renflouer ses coffres. Le gouvernement libéral doit cependant résister à la tentation de faire porter plus lourdement sur les épaules des employés de l'État le poids du retour à l'équilibre budgétaire.
Non pas parce qu'il s'attirerait les foudres de la population. Si demain matin le gouvernement Charest décidait de mettre ses employés au régime sec, plusieurs approuveraient sa décision en tablant que s'il fait des économies à ce poste budgétaire, il sera moins enclin à hausser les tarifs d'électricité, à introduire des péages sur les autoroutes ou à augmenter les taxes et les impôts. Utiles lorsqu'il s'agit de faire rouler une économie en crise, les employés du secteur public redeviennent des «gras durs» lorsque pointe la reprise et qu'il faut payer la note.
Ce calcul intéressé est incomplet. Un gel des salaires ne fera pas disparaître 11 milliards $ d'encre rouge par magie. Québec devra inévitablement scruter d'autres éléments de ses dépenses et de ses revenus pour ramener les finances publiques à l'équilibre. Tout le monde devrait être appelé à faire sa part.
Un gouvernement et un employeur responsables doivent aussi évaluer les effets à plus long terme d'un blocage salarial sur le climat social, la qualité des services, les relations de travail, la productivité, la rétention du personnel et l'attractivité du secteur public. Le parti au pouvoir ajoute à son évaluation le prix qu'il aura à payer s'il réalise un coup de force.
Prenons le domaine de la santé. D'ici six ans, de 13 000 à 20 000 personnes devront être recrutées chaque année pour combler les départs à la retraite et répondre à la croissance de la demande de services. Qui voudra travailler dans le réseau public si les salaires ne sont pas compétitifs et si les conditions de travail sont médiocres? La sécurité d'emploi n'efface pas tous les irritants.
Déjà, on voit des infirmières troquer leur hôpital pour une agence privée qui les paie mieux et qui ne leur impose pas de fin de semaine ni de temps supplémentaire. Déjà, des hôpitaux peinent à trouver des pharmaciens parce que le secteur privé offre de meilleures perspectives. Il faudra plus qu'une campagne sur Facebook pour attirer du personnel dans les hôpitaux et les CHSLD.
Écarter le scénario d'un gel salarial ne signifie pas que le gouvernement doive verser 3,2 milliards $ au Front commun qui réclame 11,5 % d'augmentation et de rattrapage sur trois ans pour ses 475 000 membres. Cela signifie qu'il faut négocier une entente satisfaisante pour les deux parties, comme le font des milliers d'entreprises privées qui n'ont pas le pouvoir de recourir à une loi pour imposer leurs vues. Certaines ont déjà prévu des hausses salariales de 3 % en 2011 et 2012.
En 2005, même s'il n'y avait pas de grève illégale, que les services essentiels étaient assurés et que le Québec n'était pas en récession, les libéraux ont imposé les conditions de travail des employés de l'État. Même à ceux dont les contrats ne venaient à échéance qu'en 2007. Il obtenait ainsi un répit jusqu'en avril 2010. Un gouvernement libéral est-il capable de convaincre les syndicats ou ne sait-il qu'user de la méthode forte et abusive?
Les grands syndicats doivent pour leur part démontrer qu'ils ont une utilité. Pourquoi leurs membres continueraient-ils de leur verser des cotisations si, à chaque échéance, leurs contrats de travail sont imposés par le gouvernement, qu'importe si la situation économique est bonne ou mauvaise?
Les deux parties ont exprimé la volonté d'arriver rapidement à une entente. Il est dans leur intérêt, mais aussi dans celui de la population, qu'il en soit ainsi.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé