Les questions soulevées par Gilles Bousquet à mon article intitulé [« Rester au Canada envers et contre nous, ou partir »->27769] sont tellement représentatives de la méconnaissance générale de certaines données de base sur la question de l’indépendance que je crois utile de les sortir de leur contexte pour les mettre en relief pour nous pénétrer de la dialectique qui les anime et des arguments à employer pour la réfuter.
Comme l’était avant lui M. Paquet, M. Bousquet semble très préoccupé par la perspective que les Québécois soient appelés à court terme à se prononcer sur la question de l’indépendance du Québec. Il nous ressort en vrac tous les arguments traditionnels perçus comme autant d’obstacles à notre émancipation nationale : « Messieurs Le Hir et Tellier sont pour les solutions claires et extrêmes : Le fédéralisme actuel ou la séparation du Québec d’avec le ROC sans négociation, le peuple québécois déclare l’indépendance du Québec…point.
Ça semble clair mais, c’est quoi qui arrive avec la monnaie québécoise, les frontières, les douanes, la langue anglaise, McGill, les annonces en anglais, Westmount, dans un Québec séparé ? Des écoles anglaises contre des écoles françaises pour les Acadiens ? On se sépare et après on verra ? Est-ce qu’on se sépare avec 50,5 % de OUI ou un parti politique souverainiste majoritaire qui a gagné le pouvoir avec 45 % des votes ?
M. Lévesque s’en était douté, les Québécois, avec notre fédération mal nommée confédération, ont encore de la difficulté à faire la différence entre une fédération de provinces dépendantes et une confédération d’États souverains en charge d’un organisme central.
En plus, notre Cour suprême a déclaré en 1998 : Une majorité claire votant sur une question claire sur la sécession du Québec entraînerait une obligation constitutionnelle de négocier des autres acteurs de la fédération canadienne. De plus, selon le droit international, le Québec n’a pas de droit unilatéral à la sécession. »
Comme on le voit, M. Bousquet ne fait pas dans le détail et nous « balance toute la sauce », s’imaginant peut-être pouvoir arrêter dans leur élan les plus timorés parmi nous.
Il se trouve toutefois que ces arguments sont assez faciles à réfuter, ce que je me suis appliqué à faire dans ma première réponse : « M. Bousquet,
Les problèmes que vous soulevez sont loin d’être les plus difficiles à régler et ont déjà fait l’objet de nombreuses études et commentaires.
Pour ce qui est de la monnaie, en 1995, M. Parizeau avait choisi de s’accrocher au dollar canadien uniquement par stratégie, pour effaroucher l’électorat le moins possible, une stratégie discutable à mon avis. La seule réponse valable à donner est que la question demeure prématurée tant que nous ne savons pas quelle sera la réaction du Canada. Si les choses se passent bien et qu’il est dans notre intérêt de le faire nous pourrons continuer à utiliser le dollar canadien. Si les choses ne se passent pas bien, rien ne nous empêchera d’utiliser le dollar américain, si c’est dans notre intérêt, ou même de créer notre propre monnaie si cela devait être plus avantageux. Il faut se souvenir que c’est sous le même Jean Chrétien qui se moquait d’un dollar québécois à « 62 cennes » que le dollar canadien a justement atteint ce niveau par rapport au dollar américain. Et personne n’en est mort, sauf de rire devant une telle ironie.
Pour ce qui est des frontières, leur tracé existe déjà. La seule pomme de discorde, c’est le Labrador, et des négociations devront avoir lieu à ce sujet. La langue anglaise continuera d’être ce qu’elle est, et je continuerai à rappeler à mes enfants toute l’importance qu’il y a pour eux de bien la maîtriser. Cependant, la langue commune au Québec sera le français. Quant aux droits historiques de la minorité anglophone au Québec sur leurs institutions d’enseignement et de santé, ils demeureront ce qu’ils sont. Westmount ne glissera pas sur la carte en banlieue d’Ottawa, même si certains de ses habitants préfèrent s’en aller que de rester. Mais il est clair que dans une conjoncture où les perspectives économiques de nos voisins ne promettent pas d’être meilleures que les nôtres, et pourraient même être pires comme l’indiquent déjà les statistiques sur le chômage, les départs seront peu nombreux.
Quant au vote nécessaire pour faire l’indépendance, si c’est dans le cadre d’un référendum, la règle est de 50 % + 1. Pour le reste, le résultat d’un tel référendum importe surtout pour l’obtention de la reconnaissance internationale. Il est donc clair que plus le résultat sera serré et moins cette reconnaissance aura un caractère automatique. Le fardeau appartient à ceux qui veulent faire l’indépendance de démontrer que le résultat est probant et légitime.
L’obligation de négocier énoncée par la Cour suprême porte sur les conditions de la séparation, et rien d’autre. Et cette obligation ne vise que le gouvernement fédéral, agissant en son nom propre et au nom de toutes les autres provinces. Et personne ne parle de sécession unilatérale, alors pourquoi agitez-vous ce « bonhomme 7 heures » ? »
Mais M. Bousquet est un homme inquiet. Un « pur et dur » n’a-t-il pas évoqué le spectre de la sécession unilatérale dans un commentaire sur mon article ? « M. Le Hir qui écrit : « Et personne ne parle de sécession unilatérale, alors pourquoi agitez-vous ce « bonhomme 7 heures » ? »
Un grand nombre d’intervenants, ici sur Vigile, souhaitent une sécession unilatérale, principalement les pressés purs et durs. Une réaction à votre message de AM me semble aller dans ce sens : La liberté, ça se prend, ça ne se négocie pas !
L’obligation faite au ROC, par la Cour suprême, de négocier avec le Québec de ses désirs constitutionnels clairs et majoritaires me semble une bonne voie à suivre avant la sécession.
C’est la majorité claire à une question claire qui semble faire problème pour l’instant. Si les Québécois ne veulent pas d’une simple séparation sans entente préalable, faut trouver ce qui serait acceptable à une solide majorité avant de tenir le référendum. Moi, je crois comme M. Lévesque et tous ses successeurs au PQ, que ça va prendre une forme d’association ou de partenariat avec le ROC, proche d’une vraie confédération d’États souverains, afin d’aller chercher un OUI assez solide.
Dans le cas de Mme Marois, nous ne savons pas encore si elle envisage, pour un Québec souverain, ce genre d’association avec le ROC. J’imagine qu’elle prendra aussi le pouls des Québécois avant de nous embarquer dans un troisième référendum. »
Encore une fois, de la confusion dans les concepts et la séquence des événements et une très mauvaise compréhension du rapport de force. J’adresse donc la réponse suivante à M. Bousquet, en espérant l’aider à y voir plus clair et soulager ses inquiétudes :
2e réponse à M. Bousquet : « M. Bousquet,
Je répète que vous agitez inutilement un « bonhomme 7 heures » avec cette histoire de sécession unilatérale. La plupart des gens ignorent les tenants et les aboutissants juridiques d’une déclaration d’indépendance, et miser sur la confusion qui peut exister dans certains esprits sur cette question pour agiter des épouvantails relève de la mauvaise foi.
Comme je vous l’ai indiqué dans mon message précédent, la seule chose que nous aurons à négocier avec le gouvernement fédéral une fois que les Québécois se seront prononcés en faveur de l’indépendance lors d’un référendum, ce seront les modalités de séparation.
Je profite de l’occasion que vous me donnez pour préciser que c’est le gouvernement fédéral qui aura intérêt à ce que ces négociations procèdent le plus rapidement possible et en douceur, car, dans une telle situation, ce sera le Canada qui supportera le fardeau de l’incertitude, et non le Québec.
Le Québec devra seulement se préoccuper de l’incertitude s’il choisit d’adopter comme monnaie le dollar canadien. Et si ce n’est pas le cas, il n’aura à le faire qu’à compter du moment où il obtiendra la reconnaissance internationale.
Pour ce qui est de négocier quoique ce soit avec le ROC avant le référendum, faites-en votre deuil. Le Roc n’a aucun intérêt à le faire. Au contraire la meilleure stratégie pour lui consiste à nous placer au pied du mur dans l’espoir que nous n’oserons pas aller si loin. Et à le voir agir, c’est exactement la stratégie qu’il privilégie. C’est la version politique du jeu de « chicken ». Il est donc tout à fait malhonnête pour qui que ce soit de parler à l’avance d’une quelconque association.
Si association il y a, elle surviendra parce que les deux parties, devant la nouvelle situation créée par un vote des Québécois en faveur de l’indépendance, trouveront qu’il est dans leur intérêt d’en conclure une sur un certain nombre de points limités. Et vous verrez alors que ce sera le gouvernement fédéral qui sera le plus disposé à rechercher les accommodements qu’il nous refuse systématiquement maintenant et depuis cinquante ans, parce que c’est le reste du Canada qui a le plus à perdre si le Québec devient indépendant, et non l’inverse. Il n’y a donc pas de quoi s’inquiéter. »
"Rester au Canada envers et contre nous, ou partir"
Réponses aux questions soulevées par Gilles Bousquet
Chronique de Richard Le Hir
Richard Le Hir673 articles
Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
13 mai 2010Vous comprenez quelque chose à la confédération de Gilles Bousquet? Moi pas. Jamais rien compris à sa patente à gosses. C'est un peu comme Nestor Turcotte. Le gars se dit souverainiste mais il passe son temps à s'en prendre au PQ et au Bloc!
Pour ce qui est de Jean Chrétien, en 1980, les Libéraux avaient imprimé la piasse à René Lévesque qu'ils estimaient à 70 cennes US. «Ca va être épouvantable, on ne pourra plus acheter de chars américains et on ne pourra plus voyager» qu'ils disaient.
Au début du 21e, la piasse à Chrétien est tombée à 62 cennes us. Que voulez-vous?.....
Archives de Vigile Répondre
12 mai 2010La Finlande avait des problèmes analogues avant son indépendance de la Russie en 1917.
La Suède avait des problèmes analogues avant son indépendance du Danemark en 1523.
La Norvège avait des problèmes analogues avant son indépendance de la
Suède en 1905.
L'Irlande avait des problèmes analogues avant son indépendance de l'Angleterre en 1920.
Dois-je continuer? Nous ne serions que des imbéciles, selon ces messieurs doués de la sagesse infuse.
JRMS
Jean-Pierre Plourde Répondre
12 mai 2010Lettre à M. Gilles Duceppe.
Nous savons tous que tous les ministères et la direction des entreprises d'état comme l'Hydro et la Caisse de dépôt sont, au Québec, occupés par des sympathisants fédéralistes.
Vous me connaissez sans doute par mes nombreux écrits contre le traité dit de l'Approche commune.
Les négociations de ce traité sont basées sur la Constitution modifiée unilatéralement en 1982.
Toute négociation basées sur la constitution modifiée de 1982 est donc sans valeur dans notre esprit à nous, ce qui rend les négociations dites de l'approche commune sans valeur sans notre participation.
Aucun gouvernement avant celui de M. Charest n'a accepté de signer cette Constitution en notre nom.
Monsieur Duceppe,
M. Charest nous cache tellement de chose qu'il ne m'étonnerait pas qu'il ait approuvé cette Constitution unilatéralement modifiée dans notre dos sans nous en informer afin de chercher à valider les négociations de l'approche commune en notre nom.
Êtes-vous en mesure de vérifier que ce rapatriement n'a toujours pas été ratifié par M. Charest sans notre consentement?
Même si la réponse va être difficile à obtenir de Harper, il est important de taper sur ce clou et de signifier que si cela a été fait, le Québec va s'opposer et dénoncer ce geste unilatéral.
M. Charest n'a pas de scrupule lorsqu'il est question du Canada. Il nous l'a démontré à plusieurs occasions.
Cette question est très importante pour tous les Québécois.
Merci d'être là.
Jean-Pierre Plourde.
saglacweb.blogspot.com