Relations Canada-Chine: Harper n'aide pas les entreprises du Québec

Le Québec et la Chine


par Le Cours, Rudy
Les efforts déployés par le Québec pour solidifier ses rapports avec la Chine ne sont pas facilités par le gouvernement Harper.
Quinze jours à peine après la conclusion d'une mission de suivi conduite par la ministre des Relations internationales Monique Gagnon-Tremblay, une certaine inquiétude transpirait de ses propos feutrés au cours d'une entrevue accordée hier à La Presse Affaires.
"Il faut que le gouvernement canadien aille en Chine pour aider nos entreprises là-bas, dit-elle. J'ai parlé à des représentants de nos multinationales sur place et c'est ce qu'elles souhaitent. Quant à nous, nous allons continuer de cultiver nos liens avec la Chine comme avant."
La ministre en était à sa troisième visite depuis 2003 dans l'empire du Milieu. De son aveu, la première avait été plutôt froide, la seconde où elle accompagnait le premier ministre Jean Charest avait permis un dégel. Cette fois-ci, elle a pu s'entretenir avec le gouverneur de la province du Shandong qui, comme le Québec, la Bavière, le Cap occidental et la Haute-Autriche, appartient à la Conférence des régions partenaires.
Le Québec vient de décider de porter de trois à sept l'effectif de ses bureaux à Pékin et à Shanghai qui fonctionnent dans le cadre de l'ambassade du Canada, mais n'a pas encore choisi de s'établir dans cette province. Ces efforts restent malgré tout modestes. La Suède, un pays à peine plus populeux que le Québec, anime une délégation de 22 personnes en Chine.
"Les déclarations de M. Harper pourraient changer des choses, mais pas radicalement, croit Chia-Yi Tung, présidente d'Orchimedia, firme qui sert d'intermédiaire entre entreprises canadiennes et chinoises. Pour les Chinois, l'essentiel, c'est de ne jamais faire perdre la face. Ce qui vient d'arriver pourrait toutefois compliquer la vie au ministère québécois du Développement économique, de l'Innovation et des Exportations."
"Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour faire le bilan des déclarations du premier ministre Stephen Harper à propos des droits de l'homme en Chine. Il faut cependant un minimum de style au lieu de se présenter comme un héraut", renchérit pour sa part Zhang Su, professeur de management international à l'Université Laval. Il agit aussi comme consultant pour des entreprises québécoises désireuses de faire affaire en Chine en sous-traitant par exemple une partie des composantes de leurs produits.
Établi au Québec depuis 12 ans. M. Su soutient que le Québec doit établir son positionnement en Chine. La région de Shandong présente de belles occasions d'affaires puisque les coûts d'exploitation y sont moins élevés qu'à Canton, Pékin ou Shanghai. C'est un bassin de près de 100 millions d'habitants, avec fenêtre sur mer.
En ce qui concerne le Canada, M. Su rappelle que, si la Chine est devenue notre second partenaire commercial, elle a des marchés de rechange pour s'approvisionner en ressources. Elle vient ainsi d'organiser un sommet économique avec l'Afrique et un autre avec les nations du Sud-Est asiatique.
La nouvelle stratégie du président Hu Jintao de faire croître la consommation intérieure devrait être exploitée par le Canada et le Québec. "Si on a des relations problématiques avec les autorités, nos entreprises vont être désavantagées", prévient-il.
Le Canada s'est bâti une image très positive en Chine depuis 40 ans. "Ce qu'on reprochait à Ottawa, c'est l'absence de politique commerciale avec la Chine", déplore Pierre Racicot, président de Ligne directe Québec-Chine, boîte conseil de représentation d'entreprises d'ici en Chine. Personne ne connaît l'avenir, mais, là, ça ne va pas dans la bonne direction. M. Harper a peut-être eu raison d'aborder la question des droits de l'Homme, mais ça sort mal. Avant lui, M. Chrétien l'avait fait, mais il avait laissé une bonne impression."
M. Racicot est aussi d'avis que le Québec doit renforcer ses liens avec la province de Shandong. Il propose même la tenue d'un Forum Québec-Shandong. Cela aurait l'avantage de mieux faire connaître les besoins de cet interlocuteur aux entreprises. En outre, on apprendrait comment le Shandong peut contribuer au développement des entreprises du Québec sur leur propre marché et celui des États-Unis.
"Quand je pense aux déclarations de M. Harper, les bras m'en tombent. Il est déjà assez difficile de percer ce marché-là!" laisse tomber Jean-Paul Thiéblot, directeur, Chine et autres pays émergents d'Asie, chez Zins Beauchesne et associés, firme de consultants.
M. Thiéblot préconise la création d'un centre d'expertise sur la Chine. Il s'agirait d'un guichet unique qui aurait pour mandat de prendre en charge les entreprises désireuses d'aborder le marché chinois. "Ce centre serait autonome, mais il agirait en concertation étroite avec les gouvernements."
Le modèle à suivre à ses yeux est le fameux ministère de l'Industrie et du Commerce international (MITI) du Japon qui a fait le succès des entreprises nippones sur les marchés de l'exportation.


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