Ras-le-bol des médecins contre Barrette

Les propos du ministre, perçus comme du mépris et de l’intimidation, ont assez duré, affirme la FMOQ

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Le torchon brûle là aussi

Affirmations jugées méprisantes, déclarations perçues comme des menaces, les propos du ministre de la Santé Gaétan Barrette, tant dans les médias traditionnels que sociaux, ont dépassé les bornes, jugent les médecins de famille, excédés.

Cette fin de semaine, les affirmations du ministre sur son intention de retirer certains actes médicaux aux médecins, tout comme le ton de ses réponses sur Twitter, ont irrité au plus haut point certains médecins et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

Pour son président, Louis Godin, le ministre se livre à un « règlement de comptes envers les médecins de famille et les jeunes omnipraticiennes ». « Il sort une nouvelle déclaration farfelue chaque semaine, les médecins commencent à en avoir assez. »
Aux médecins qui l’interpellent ou le critiquent sur Twitter, Gaétan Barrette peut demander à répétition « combien » de patients ils voient. En réponse à un médecin qui déplorait, en
anglais, que le gouvernement ne
lui permette pas d’engager une infirmière, le ministre a eu cette courte réponse : « BS ». Ajoutant un peu plus tard : « Si vous n’êtes pas heureux en CLSC, allez ailleurs et libérez-vous. »

Réseaux sociaux

Le ministre a affirmé lundi que, contrairement à ce que certains ont cru au départ, le terme « BS » ne constituait pas une insulte faisant allusion aux personnes bénéficiaires de l’aide sociale. Ce serait plutôt l’abréviation de « bullshit ». « La personne à qui je répondais était anglophone », dit le ministre.
Le langage du ministre est franc sur les réseaux sociaux. « Petit comique » ou « vous dites n’importe quoi », sont des expressions qu’on peut lire dans ses réponses. Un style qui n’est pas apprécié par tous.

« Tu ne peux pas insulter les médecins sans arrêt. Ce n’est pas un jeu. Ça va avoir des conséquences », déplore le Dr Godin.

Si les discussions avec Québec s’enlisent, le Dr Godin évoque la possibilité d’interpeller le premier ministre. « On espère convaincre le ministère et le ministre qu’il faut mettre de l’avant des solutions qui vont vraiment donner des résultats pour les patients. Mais si ça ne bouge pas, on va aller cogner un étage plus haut ».

Actes délégués : menace ?

Avancée pour les infirmières et les patients ou menaces envers les médecins de famille ? Le ministre veut obliger les médecins à déléguer certains actes aux infirmières. « Je peux très bien arriver demain matin et dire le PAP test n’est plus payable aux médecins, par exemple », a-t-il déclaré sur les ondes de TVA en fin de semaine. Le test PAP permet le dépistage du cancer du col de l’utérus, et c’est un test de routine chez les femmes.

Aux journalistes lundi, le ministre a précisé que cette décision ne serait pas « unilatérale », mais découlerait de discussions avec les médecins. Toutefois, affirme-t-il, les lois pour agir existent. Et cela permettrait d’économiser, car « pour un acte donné, une infirmière pourrait coûter jusqu’à quatre fois moins cher ». Selon le ministre, des « dizaines » d’actes pourraient être délégués. « Tous les actes qui tiennent du suivi, les patients diabétiques, hypertendus, ce sont des choses qui demandent des conseils, un suivi », fait-il valoir.

Les infirmières attendent depuis longtemps plus d’ouverture pour que les outils qui existent déjà, comme les ordonnances collectives, puissent être utilisés efficacement pour élargir leur rôle.

Le Collège des médecins a appris dans les médias que le ministre songeait à déléguer certains actes médicaux aux infirmières. « Il ne peut pas empêcher les médecins de poser des actes médicaux adéquats, dit la responsable des communications Leslie Labranche. Des actes sont nécessaires, par exemple le PAP test, en fonction des lignes directrices, et il ne peut empêcher les médecins de les poser. » Par contre, le Collège précise que si Québec veut revoir la tarification des actes, c’est une question qui doit être réglée avec les fédérations médicales.

« Dire qu’on fait des PAP tests à la chaîne montre la méconnaissance totale du ministre pour la médecine de famille », s’indigne le Dr Louis Godin. Le PAP test est un élément de l’examen gynécologique complet, et n’est pas rémunéré en tant que tel. « Si j’étais une patiente, je ne voudrais pas subir deux examens, un pour le PAP test avec l’infirmière et un second pour l’examen entier par le médecin. Le ministre part d’une légende urbaine pour faire croire que nous gagnons notre vie avec ça, c’est farfelu ! », s’exclame le Dr Godin.

Des médecins ont indiqué qu’ils étaient tentés de porter plainte au Collège des médecins (CMQ), car les propos du ministre envers les médecins de famille, alors qu’il est aussi membre actif de cet ordre professionnel, dépasseraient le cadre prévu par le code de déontologie. Ils évoquent l’article 88, qui stipule que « le médecin qui s’adresse au public doit communiquer une information factuelle, exacte et vérifiable. Cette information ne doit contenir aucune déclaration de nature comparative ou superlative dépréciant ou dénigrant un service ou un bien dispensé par un autre médecin ou d’autres professionnels ».

Le CMQ ne peut confirmer si une plainte a été reçue, car cette information reste confidentielle tant qu’une plainte n’est pas retenue et déposée par le conseil de discipline devant le syndic de l’ordre.

Une omnipraticienne qui ne veut pas que son identité soit révélée a confié au Devoir que le ministre lui inspirait une telle crainte qu’elle n’oserait jamais déposer une plainte, même si elle estime que ce serait justifié. Elle considère que le ministre a une attitude « méprisante et intrusive » sur Twitter et dans certaines déclarations publiques. « Il est bien plus puissant que moi. J’ai trop peur de cet homme. C’est pourquoi je n’ai pas fait de plainte officielle au CMQ », confie-t-elle.


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