Quelle place pour les peuples autochtones dans l'histoire enseignée au Québec?

Coalition pour l’histoire




En réaction au texte «L'attitude face à l'éducation: le véritable problème du système scolaire québécois» de Mme Claudia Chauvette et M. Rémi Bastarache
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Dans cet article d'opinion diffusé sur Cyberpresse, une étudiante au baccalauréat en droit (Université Laval) a formulé d'intéressantes critiques à l'endroit de l'attitude des élèves eux-mêmes. Elle suggérait quelques pistes pour remédier aux maux de notre système d'éducation, dont le développement d'une attitude positive des étudiants à l'égard de l'enseignement, la valorisation du désir de réussite et la lutte contre le nivellement des attentes pédagogiques par le bas. Ses propres arguments prônant plus de rigueur dans l'enseignement, nous souhaiterions apporter quelques précisions à ses allégations relatives à l'enseignement de l'histoire des peuples amérindiens au Québec.
Histoire ou enseignement «stérile»?
Dans son article, l'auteure avance que le programme d'histoire au Québec s'attarde trop longuement «à la stérile histoire des Amérindiens», plutôt qu'à «l'étude de phénomènes dynamiques qui façonnent notre quotidien». Or, l'histoire, et plus précisément les histoires et les perspectives historiques des peuples amérindiens et autochtones en général, sont loin d'être «stériles». Elles sont dynamiques, essentielles pour comprendre les relations sociales contemporaines, mais restent relativement méconnues - ce qu'illustre parfaitement le paragraphe de l'auteure (ainsi que la photographie illustrant l'article) et les préjugés qu'ils relayent.
En quoi l'enseignement de l'histoire des peuples fondateurs du Québec et du Canada serait-il donc «stérile»? Le principal problème de cet enseignement relève de la qualité et des méthodes qui le caractérisent. Il fixe les sociétés et les cultures amérindiennes dans une image passéiste, souvent inexacte et construite selon une perspective unique (non-autochtone). Ces préjugés coloniaux vont du simple mépris au racisme parfois criant - comme l'ont très bien démontré parmi d'autres les anthropologues Sylvie Vincent et Bernard Arcand. Ce n'est donc certainement pas «l'histoire amérindienne» qui se révèle stérile, mais bien l'enseignement des histoires autochtones dont la qualité, le contenu et les méthodes devraient être sérieusement révisés.
Perspectives sur l'histoire officielle...
L'histoire des peuples autochtones ne se résume pas à l'enseignement qui en est fait au secondaire et au Cégep. L'histoire nationale officielle, telle qu'enseignée au Québec aujourd'hui, a été écrite sans les points de vue autochtones. De nombreuses initiatives amérindiennes, inuit et métisses visent aujourd'hui à réintégrer ces points de vue fondamentaux, comme le font la Société d'histoire atikamekw Nehirowisiw kitci atisokan, l'historien wendat Georges E. Sioui avec la notion d' «auto-histoire amérindienne» ou encore l'historienne métisse Olive P. Dickason. Intégrer ces voix à l'histoire serait sans doute à même de combattre en partie la «stérilité» de l'enseignement à laquelle l'auteure fait référence.
Une telle redéfinition de l'histoire officielle permettrait par ailleurs de comprendre la complexité des dynamiques sociales contemporaines qui, n'en déplaise à l'auteure, relève toujours d'une situation coloniale à l'encontre des peuples autochtones. Son enseignement contribuerait à reconnaître la présence contemporaine des peuples autochtones qui façonne ce que l'auteure définit comme «le quotidien» de la société québécoise et canadienne.
«Dans chaque cours d'histoire, on s'étendait sur ces premiers habitants devenus une minorité», affirme l'auteure, «on leur accordait une telle importance que l'apprentissage de l'histoire contemporaine (...) se faisait chaque fois brièvement et en surface». Mais qu'est-ce qu'une «minorité» dans la société québécoise contemporaine, et comment cette catégorie est-elle pensée aujourd'hui? Oublions-nous qu'à l'image des peuples autochtones au Québec, les Québécois sont minoritaires au Canada? Sous ce prétexte, les Québécois accepteraient-ils que l'enseignement de l'histoire québécoise soit déformé, voire proscrit des établissements canadiens? L'article de cette étudiante avait le mérite de démontrer et d'illustrer, d'une façon qu'elle n'avait peut-être pas imaginée, le caractère profondément lacunaire de l'enseignement de l'histoire des peuples autochtones au Québec. Mais plutôt que d'être remplacé, ou un peu plus tronqué encore, nous croyons qu'il devrait être complètement redéfini et véritablement réintégré au sein de l'enseignement québécois.
Ont signé cet article (par ordre alphabétique):
Les membres étudiants du Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones (CIÉRA, Université Laval):
Paul Bénézet, Édouard-Julien Blanchet Caroline Braën Boucher, Florence Dupré, Marise Lachapelle, Aurélie Maire, Jean-Philippe Miller Tremblay, Florence Roy-Allard.


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