Québec, une nation ethnique à la Trudeau ou une nation civique à la Lévesque ?

Tribune libre



La Chambre des communes à Ottawa a reconnu le 27 novembre dernier « que les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni », alors que cette même Chambre a désuni le Canada, il y aura 25 ans le 2 décembre prochain, par l'adoption du projet de Trudeau pour modifier la constitution du Canada, malgré l'opposition du Québec.
Quelle signification le Canada donnera-t-il à la nation québécoise ? Pour Michael Chong, le ministre fédéral démissionnaire, « reconnaître les Québécois comme une nation, même à l'intérieur d'un Canada uni, implique la reconnaissance d'un nationalisme ethnique ». (Le Devoir, 28 novembre). On reconnaît là la pensée de Trudeau pour qui Québécois voulaient dire Canadiens français "en particulier", d'après un texte publié en 1970 dans lequel il voyait le parti libéral comme « un moyen d'action qui peut permettre aux Québécois en particulier et aux Canadiens français en général de s'affirmer et de jouer dans l'avenir du Canada un rôle de premier plan. » (Trudeau en direct, p. 103) Trudeau a continué jusqu'à sa mort à ne pas faire de distinction entre l'ethnie canadienne-française et la collectivité territoriale québécoise.
Mais quelques mois après le référendum québécois de 1980, Trudeau a fait, bien involontairement, la démonstration que le Québec est une nation pluraliste et inclusive, tout comme le Canada, et non pas une nation ethnique: « Quand je dis qu'on peut à la rigueur parler de nation québécoise à condition de marginaliser un million d'anglophones, il me semble que l'argument veut dire justement qu'on ne peut pas parler de nation québécoise, au sens ethnique ou au sens linguistique et culturel parce que le Québec, que certains voudraient définir comme une nation, est exactement une nation au sens où le Canada est une nation, où il y a une grande majorité d'anglophones et une minorité de francophones. » (Le Devoir, 17 juillet 1980, p. 12)
Oui, le Québec et le Canada sont deux nations pluralistes et inclusives; la principale différence, c'est que la majorité linguistique n'est pas la même dans les deux cas. Même Stéphane Dion, l'ex-ministre fédéral et aspirant à la succession de Trudeau, l'a déjà reconnu en 1995 : « Comme l'ont fait remarquer des auteurs comme Brendan O'Leary et Bill Kissane, le nationalisme des peuples sans État est facilement qualifié d'ethnique, alors que les nationalismes des États libéraux sont généralement considérés comme civiques. La plupart des porte-parole du séparatisme québécois me semblent sincères quand ils affirment promouvoir un nationalisme civique plutôt qu'un nationalisme ethnique. Leur but est de créer un pays libéral assez semblable au Canada finalement. La seule différence notable, c'est que ce pays serait majoritairement francophone plutôt qu'anglophone. » (Cité Libre, mars-avril 1995, p. 10)
Quoi qu'en pensait Trudeau et qu'en pensent encore ses disciples, la nation québécoise est bel et bien une nation sociopolitique et inclusive, comme l'a si bien défendue René Lévesque et comme l'a décrite Michel Seymour en ces termes: « La nation québécoise peut donc être considérée comme une communauté politique englobant une majorité nationale de Québécois francophones, une minorité nationale de Québécois anglophones et des individus d'origine nationale italienne, juive, grecque, portugaise, haïtienne, libanaise, latino-américaine, etc., et dont la langue d'usage est autre que le français ou l'anglais. » (Le pari de la démesure - L'intransigeance canadienne face au Québec, L'Hexagone, 2001)
François-Xavier Simard

Auteur du livre Le vrai visage de Pierre Elliott Trudeau (Les intouchables, 2006)

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Auteur du livre {[Le vrai visage de Pierre Elliott Trudeau->http://qc.novopress.info/2860/le-vrai-visage-de-pierre-elliott-trudeau/]} (Les intouchables, 2006)

Originaire du Saguenay, François-Xavier Simard est docteur en médecine. Il est aussi titulaire d’un diplôme en sciences naturelles de l’Université de Paris et de certificats en anthropologie, en paléontologie et en génétique. Il a enseigné à la Faculté de médecine de l’Université Laval, puis il a travaillé à la Régie de l’assurance maladie et au ministère de la Santé du Québec. Il est aujourd’hui retraité.





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