Québec se prépare à vendre son âme aux industriels!

ACI - Accord sur le commerce intérieur 2009

Texte publié dans Le Soleil du 15 octobre 2009 sous le titre "L'ère du n'importe quoi alimentaire"
L'empressement de Québec à signer les nouvelles dispositions agricoles de l'Accord sur le commerce intérieur (ACI), demain, à Whitehorse, est déconcertant. Le gouvernement possède plusieurs avis lui démontrant qu'il s'apprête à vendre son âme agroalimentaire aux grands industriels canadiens.
Les nouvelles dispositions, identiques à celles refusées par Québec en juillet 2008, laissent à l'abandon toutes les mesures favorisant la spécificité des aliments produits au Québec, les règles d'étiquetage, les normes de composition des aliments, la mise en marché collective et ordonnée, ainsi que la gestion de l'offre. En vertu du projet, toute province ou entreprise souhaitant commercialiser ses produits dans une autre province pourrait dorénavant se plaindre à l'ACI, dès qu'une mesure provinciale ou fédérale entraînerait un coût additionnel ou donnerait l'impression d'entraver ou de restreindre les occasions de commerce.

Hypothèse
À titre d'exemple, une entreprise pourrait contester l'interdiction, au Québec, de retirer de la protéine du lait avant de l'embouteiller, ou l'obligation d'utiliser du lait frais pour fabriquer du yogourt. Une partie pourrait également contester l'interdiction, au Québec, d'utiliser un terme laitier (fromage, lait, crème, cheddar ou mozzarella) ou des images de vaches ou de fermes laitières pour vendre un succédané, par exemple des tranches, boissons ou desserts glacés sans lait. L'approvisionnement prioritaire des abattoirs québécois en porcs du Québec pourrait aussi être contesté en faisant valoir qu'il s'agit d'une entrave au commerce inter-provincial.
Certains soumettent l'hypothèse que le projet permettrait à nos propres entreprises de percer les marchés hors du Québec. Ceux-là font abstraction du fait que rien ne les empêche de le faire actuellement. Les aliments québécois répondent déjà à des normes et des exigences bien supérieures à celles qu'on retrouve ailleurs en Amérique du Nord. Les nouvelles dispositions, quant à elles, permettraient à des aliments hors Québec ne respectant pas les normes québécoises d'apparaître sur nos tablettes d'épicerie. Ce serait l'ère du n'importe quoi alimentaire. Est-ce vraiment le Québec que nous voulons dans notre assiette?
Scénario
En clair, il appartiendrait dorénavant à un panel de l'ACI, constitué de non-élus, de décider de la légitimité de lois votées à l'Assemblée nationale et de règlements adoptés par le gouvernement pour protéger les consommateurs et leur livrer une information exacte sur les aliments qu'ils consomment. L'aberration démocratique qu'un tel scénario suppose est préoccupante en soi.
L'argument du gouvernement, selon lequel un simple communiqué de presse du Conseil de la fédération, diffusé en août dernier, constituerait un consensus historique autour de la gestion de l'offre, et que ce document aurait préséance sur un accord commercial signé de plein gré par l'ensemble des premiers ministres provinciaux et territoriaux, ne tient tout simplement pas la route.
Québec s'apprête à vendre unilatéralement sa capacité de légiférer et de réglementer dans le domaine de l'alimentation, et ce, sans une seule étude d'impact. Ce faisant, et tout en admettant ouvertement qu'il partage la présente analyse lorsqu'il déclare avoir tenté en vain de faire entendre raison aux autres provinces, Québec place les intérêts d'entreprises non-québécoises au dessus de ceux des consommateurs. Il ouvre aussi la porte à une standardisation à la pièce des lois et règles provinciales et fédérales dans le domaine agroalimentaire. Or, nous croyons que les consommateurs québécois, lorsqu'ils se votent des lois et lorsqu'ils se donnent des règlements par le biais de leurs institutions démocratiques, font un choix collectif et qu'il appartient à cette même collectivité d'en décider l'avenir.
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Denis Falardeau, ACEF
Marcel Groleau,

Fédération des producteurs de lait
Christian Lacasse, UPA
François Décary-Gilardeau, Option consommateurs


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