Sondage Senergis - Le Devoir

Québec n'a convaincu que 20 % des Québécois

60 % de la population juge «nécessaire» un moratoire sur le gaz de schiste

Gaz de schiste


Alexandre Shields - Les beaux discours du gouvernement Charest et des entreprises gazières n'y ont rien changé. À peine un Québécois sur cinq est «favorable» à l'exploitation des gaz de schiste. Preuve des vives inquiétudes quant aux impacts de cette filière, 60 % de la population estime qu'un moratoire sur cette industrie est «nécessaire», selon ce qui ressort d'un sondage Senergis-Le Devoir réalisé à la mi-décembre.
Si les chiffres n'ont pratiquement pas changé depuis le coup de sonde réalisé à la mi-octobre, ils témoignent néanmoins des craintes au sein de la population quant à la perspective de voir le Québec se lancer dans l'exploitation de cette source d'énergie fossile. Ainsi, seuls 20 % des citoyens de la province se disent «favorables» à l'exploitation du gaz de schiste. Un total de 49 % y sont quant à eux «défavorables», contre 35 % en septembre.
Le scepticisme demeure donc très grand, malgré les audiences tenues par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) et les propos se voulant rassurants de la part des ministres libéraux Nathalie Normandeau ou Pierre Arcand. Même le passage très remarqué du premier ministre Jean Charest à Tout le monde en parle, où le sujet a été amplement abordé, n'a pas atténué les inquiétudes. Sur le plateau de l'émission phare de Radio-Canada, il avait répété qu'il n'y aurait pas de moratoire ni d'exploitation avant l'adoption d'une loi propre aux hydrocarbures, en plus de rejeter toute idée de nationalisation.

«Le gouvernement et l'industrie n'ont pas rassuré [la population], résume Daniel Lemieux, associé à la firme de recherche Senergis. Beaucoup de questions demeurent sans réponse. Est-ce que les conclusions du BAPE rassureront la population et feront augmenter les appuis à l'exploitation du gaz de schiste? C'est difficile à dire. Mais je crois que la population a besoin d'un geste très fort de la part du gouvernement. Je crois que ce geste, c'est un moratoire. Les gens ont besoin d'informations crédibles, d'analyses rigoureuses.»

Sur la question du moratoire, maintes fois rejeté par le gouvernement Charest, les résultats du sondage sont d'ailleurs on ne peut plus clairs. Un total de 74 % des répondants — un chiffre qui équivaut à 58 % de la population, selon la méthodologie de Senergis — jugent qu'une telle mesure est «nécessaire», dont 45 % qui considèrent qu'un holà aux activités d'exploration est «absolument nécessaire» afin que «des études rigoureuses et indépendantes évaluent les impacts environnementaux dus à l'extraction». Aucune étude du genre n'a été réalisée au Québec.

Ce souhait de la population s'est aussi exprimé dans deux pétitions qui ont connu un grand succès au cours des dernières semaines. En date d'hier, plus de 113 000 personnes avaient signé celle réclamant que Québec «ordonne un moratoire complet sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste» et lancée par le député Amir Khadir. Quant à celle exigeant la démission de Jean Charest, elle avait recueilli un peu plus de 246 000 signatures. Elle se base notamment sur le fait que «le premier ministre du Québec, député de Sherbrooke, et le gouvernement libéral refusent d'accéder à la demande populaire et des différents partis de l'opposition concernant la mise sur pied d'un moratoire sur les gaz de schiste».
Fait à noter, seulement 6 % des répondants se sont rangés du côté de la position défendue par le gouvernement et l'industrie, soit qu'un moratoire n'est «absolument pas nécessaire». Au total, 19 % des répondants sont contre l'idée d'un moratoire.
Le gouvernement a donc tout à gagner à stopper temporairement les activités de l'industrie, selon M. Lemieux. «Si des études rigoureuses et indépendantes concluaient qu'il est possible d'exploiter le gaz en prenant des mesures sérieuses d'encadrement, il serait possible d'aller chercher davantage d'appuis», explique-t-il. Selon les résultats du sondage, «si certaines conditions étaient réunies», les appuis à l'exploitation du gaz de schiste pourraient effectuer un bond marqué, passant de 20 % à 52 %.
Donnée plutôt étonnante, 22 % des répondants ont dit ne pas connaître le sujet ou ne pas avoir entendu parler du débat qui fait rage depuis maintenant six mois au Québec. Des chiffres qui ne surprennent pas le sondeur, qui estime que ce taux est similaire aux résultats obtenus dans le cadre d'autres études, notamment celles portant sur le développement de la filière éolienne.
Ce sondage exclusif au Devoir a été réalisé sur Internet entre le 17 et le 19 décembre 2010. Un total de 1000 personnes ont répondu au questionnaire. La marge d'erreur est de 3,1 %, 19 fois sur 20.


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