Québec cède le contrôle à Ottawa

Régie par le Conseil du trésor du Canada, l'organisation du Sommet de la francophonie n'a pas à respecter la Charte de la langue française

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008



Dutrisac, Robert - Québec - Le site Internet du Sommet de la Francophonie qui aura lieu en octobre à Québec est bilingue. Les offres d'emploi ainsi que les appels d'offres pour cet événement sont produits dans les deux langues officielles du Canada.
Cette situation s'explique par le fait que l'organisation du Sommet de la Francophonie à Québec est régie par les règles du Conseil du trésor du Canada. Elle est donc soumise à la Loi sur les langues officielles du Canada et n'a pas à respecter la Charte de la langue française.
L'organisation du Sommet, qui est chapeautée par un secrétariat basé à Québec, est pourtant une affaire conjointe entre le gouvernement fédéral et celui du Québec. Chaque ordre de gouvernement y contribue 16 millions. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui a un statut de gouvernement participant au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au même titre que le Québec, fait partie de l'entente et débourse de son côté 750 000 $.
Si le gouvernement québécois, par l'entremise de son Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes (SAIC), bataille pour que la Charte de la langue française soit respectée dans les programmes à frais partagés entre Ottawa et Québec - on n'a qu'à penser au programme d'infrastructures auquel Ottawa contribue en sol québécois -, il en va tout autrement quand il est question de relations internationales. «C'est un monde à part parce qu'il y a une dimension internationale. C'est pourquoi on retrouve des clauses plus canadiennes», a-t-on expliqué au SAIC.
Selon l'annexe A du Protocole d'entente «concernant l'organisation, le déroulement et les modalités administratives et financières relativement au XIIe Sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage», le secrétariat de l'événement «sera géré conformément aux politiques et directives du Conseil du trésor du Canada», que ce soit pour les ressources humaines ou pour les appels d'offres. La Charte de la langue française ne s'applique pas.
Pour l'organisation des Fêtes marquant le 400e anniversaire de la ville de Québec, les trois ordres de gouvernement avaient convenu de créer un organisme sans but lucratif (OSBL), la Société du 400e, pour se charger de la tenue des événements tout au long de 2008. La Société du 400e a signé un protocole d'entente avec le gouvernement du Québec, un autre avec le gouvernement fédéral et, enfin, un autre avec la Ville de Québec, tous trois bâilleurs de fonds. Le SAIC avait obtenu du gouvernement fédéral qu'il s'engage à respecter la Charte de la langue française.
Au ministère des Relations internationales (MRI), on a indiqué qu'il avait été question de créer un OSBL pour organiser le prochain Sommet de la Francophonie. Mais pour des raisons de simplicité administrative, on a jugé bon d'en faire une organisation soumise aux règles fédérales uniquement.
En principe, pour se conformer à la Loi sur les langues officielles, certaines fonctions au sein de l'organisation du Sommet, comme celle d'une téléphoniste qui traite avec le public, doivent être occupées par des employés bilingues. De même, l'affichage public doit être bilingue.
«On fonctionne dans le cadre des règles fédérales. Mais dans la réalité, ça ne change rien», assure le directeur général du secrétariat du Sommet, Denis Ricard. «Dans les faits, ici, on travaille carrément en français. Nous n'avons pas d'obligation d'embauche de gens bilingues.»
Si les offres d'emploi sont rédigées dans les deux langues, on exige pour tous les postes une connaissance du français. En outre, il n'y aura pas de traduction dans l'affichage public. «Tout sera en français», soutient M. Ricard. Quant au site Internet, il est en français et en anglais. Le message du premier ministre du Québec, Jean Charest, n'est toutefois pas traduit en anglais.
Les appels d'offres figurent dans les deux langues sur le site fédéral MERX destiné aux fournisseurs du gouvernement fédéral. Selon les règles qui découlent de la Loi sur les langues officielles, les contrats peuvent être en anglais ou en français, selon le voeu du fournisseur. Or les contrats signés par le secrétariat du Sommet sont rédigés en français bien qu'il soit possible d'en obtenir une traduction en anglais, a précisé M. Ricard.
En congé de son poste de directeur général de l'Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) depuis mars 2007, Denis Ricard travaillera pour le Sommet jusqu'en décembre 2008, après la remise du rapport d'activités. Ce fonctionnaire de carrière a une vaste expérience de l'organisation de sommets internationaux. C'est lui qui a dirigé l'organisation, pour le compte du gouvernement fédéral, du Sommet des Amériques qui a eu lieu à Québec en 2001. Il a travaillé à des Sommets de la Terre et à d'autres Sommets de la Francophonie, dont celui qui a eu lieu à Québec en 1987.
Tenir un Sommet de la Francophonie en 2008 afin de souligner le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec, c'est une idée de Jean Charest lancée alors qu'il était chef de l'opposition officielle. Il ne faut pas en déduire que c'est le gouvernement du Québec qui invite. Ce privilège est réservé au gouvernement du Canada.
Le protocole d'entente ainsi que l'entente qu'ont signée Jean Charest et Paul Martin en 2005 en vue de la tenue du Sommet de la Francophonie à Québec en 2008 ne sont pas différents des ententes similaires qui balisent la participation du Canada et du Québec aux Sommets de la Francophonie. Ils découlent de l'entente intervenue en 1985 entre Brian Mulroney et Pierre Marc Johnson et ne s'éloignent pas de l'entente subséquente liée à la tenue du Sommet de la Francophonie à Québec en 1987.
Le Canada est «la puissance invitante». Le Canada et le Québec sont les «gouvernements hôtes». Ainsi, le Canada fait parvenir «une lettre d'invitation à chacun des chefs d'État et de gouvernement des pays membres, gouvernements participants, membres associés et observateurs composant le Sommet». Puis, après avoir consulté le gouvernement du Québec et le secrétaire général de l'OIF, Abdou Diouf, le Canada adressera aux invités de marque non membres de la Francophonie une invitation. «Le Québec enverra sa lettre d'invitation aux mêmes participants et invités après celle du gouvernement du Canada», précise l'entente.
Pour l'organisation du Sommet, on a formé un comité présidé par le sherpa du premier ministre canadien, en l'occurrence Jacques Bilodeau, épaulé par le directeur des affaires de la Francophonie au ministère des Affaires étrangères, Philippe Beaulieu. Le Québec désigne le vice-président du comité, soit Gaston Harvey, sous-ministre adjoint au MRI, et un deuxième représentant, Wilfrid-Guy Licari, le délégué général du Québec à Paris. Le Nouveau-Brunswick a droit à un membre et c'est la sous-ministre des Affaires intergouvernementales, Mireille Cyr, qui a été nommée. Le directeur général, Denis Ricard, a été nommé par le Québec avec l'accord du Canada, conformément à l'entente.


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