L’installation de tentes par des militaires pour loger les migrants haïtiens qui affluent à la frontière a matérialisé l’image qui émergeait de mes pensées conséquemment à la manifestation de quelques centaines de personnes les appuyant et affirmant que nous étions tous des immigrants. Faisant fi du temps d’occupation du territoire, nous serions, pour ces manifestants, tous des nomades qui s’installent plus ou moins longtemps pour y camper selon la conjoncture du moment. Faut-il se surprendre qu’avec une telle vision nous ayons peine à définir notre identité et que la quête de sens du vivre ensemble soit devenue laborieuse?
Le traitement d’un tel sujet est toujours délicat et les anathèmes fusent de toutes parts, les uns accusant les autres d’inhumanité et de racisme, pendant que les autres réprouvent l’inconscience et l’irresponsabilité des uns. Ces débats stériles poussent chacun des camps dans des visions simplistes qui font défaut de nuances et d’appréciation de la complexité des questions qui sont en jeu. Pour certains les portes sont grandes ouvertes et peuvent venir tous ceux qui en ont envie pendant que plusieurs rêveraient d’ériger un mur à la Trump pour ne laisser entrer que les étrangers profitables économiquement.
La réflexion impose que nous soyons plus circonspects dans la description des concepts qui ont trait aux déplacements de population. À ce sujet, un texte de l’avocat François Côté publié dans Le Devoir se révèle particulièrement éclairant. La tendance à fondre dans le terme migrant tous les nouveaux arrivants est réductrice et fait abstraction de cadres juridiques bien définis concernant le traitement des réfugiés, des immigrants et des illégaux qui aspirent à vivre sur notre territoire. Hors de tout doute, notre sens humanitaire et les traités internationaux commandent un accueil sans réserve aux réfugiés qui fuient la persécution ou la mort en demeurant dans leur pays. L’immigration légale doit répondre à certaines considérations en étant régi par des objectifs d’État qui ne sont pas dénués d’humanité tout en prenant en compte les conditions économiques. Quant aux intrusions illégales, il appartient aux autorités de les refouler.
Dans l’afflux actuel de personnes d’origine haïtienne, il y a fort probablement très peu de véritables réfugiés, mais beaucoup plus de gens craintifs d’être refoulés en Haïti par le gouvernement américain qui s’apprêterait à mettre fin à leur autorisation temporaire de résidence octroyée à la suite du tremblement de terre de 2010. Leur recherche de meilleures conditions de vie les poussent vers le Canada à défaut de pouvoir s’établir aux États-Unis. Bien que leur désir soit légitime, leur passage à la frontière n’en serait pas moins illégal et devrait inciter les autorités canadiennes à réagir avec célérité pour éviter de retrouver avec un problème épineux sur les bras en éternisant leur séjour en sol canadien.
Nous sommes loin d’une crise de migrants à l’européenne, mais la situation ne nous dispense pas d’une approche rationnelle où il incombe d’appliquer les lois afférentes à l’immigration et d’éventuellement de voir à plus long terme, si le pays désire augmenter le ratio d’immigrants. Avant même cet afflux extraordinaire d’Haïtiens, le Québec et le Canada ne pouvaient se targuer d’une intégration réussie avec un contrat social renouvelé. En faisant preuve de laxisme face à la situation, les problèmes sociaux ne pourront qu’en être décuplés.
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