L’attaque perpétrée par un homme enragé, le soir de la victoire de madame Pauline Marois au Métropolis cette semaine, ne doit pas servir à alimenter la haine qui pousse comme une mauvaise herbe quand l’incompréhension remplace la bonne volonté dans un débat. Son message, hurlé à quelques reprises et qui ressemblait beaucoup à quelque chose comme « les Anglais se réveillent, les Anglais se réveillent ! », nous oblige à une réflexion sur l’ampleur du fossé qui s’est creusé entre nos deux communautés depuis des années et que nous ne pouvons pas laisser se creuser davantage, car aucune des deux communautés ne mérite un tel problème.
La formidable trouvaille des libéraux de Pierre Elliott Trudeau dans les années 80, qui a permis au parti d’empocher une victoire du Non contre le Oui, a surtout été la diabolisation du référendum lui-même, alors que celui de 1980 était parfaitement respectueux des règles démocratiques, que la question avait été débattue et votée à l’Assemblée nationale du Québec et que les deux options pouvaient s’exprimer librement à la grandeur du territoire.
Le fait même de faire un référendum pour demander l’opinion de la population entière du Québec, sans égard à la langue, a été présenté par les adversaires d’Ottawa comme une démarche machiavélique destinée à priver les citoyens anglophones de leurs droits. Trudeau lui-même, dans un célèbre discours, a pris l’engagement de revoir le fonctionnement de la Constitution pour donner aux Québécois une part plus juste du grand melting-pot canadien. Nous y avons cru suffisamment pour permettre au Non de l’emporter sur le Oui.
Le mépris de la démarche référendaire, qui reste partout à travers le monde l’un des plus beaux outils de la démocratie, était semé. Par la suite, l’idée même d’un autre référendum (qui aurait dû permettre de sonder les citoyens sans ces mensonges, menaces ou promesses ayant entaché le premier) était sitôt évoquée que la guerre ouverte reprenait aussitôt pour empêcher que cela ait lieu.
Il finit pourtant par se tenir en 1995. L’opposition fut aussi forte que la première fois. Ottawa et les défenseurs du Non finirent par avoir raison, sans se sentir soumis aux règles imposant une limite de dépenses ou sans non plus se soucier de la progression d’un sentiment haineux encouragé entre les communautés par des déclarations qui n’ont jamais cessé de jeter de l’huile sur le feu. Le scandale des commandites découvert par la suite allait confirmer les abus de toutes sortes qui avaient empêché une victoire du Oui, qui paraissait tout à fait possible.
Le ton haineux des propos du côté du Non, le ton excédé des propos du côté du Oui, ont aidé à creuser le fossé entre les francophones et les anglophones, pourtant tous Québécois. Le ton a fini par être à la chicane presque tout le temps. Méprisés et houspillés par Ottawa, les francophones se rebiffent. Déboussolés et se croyant abandonnés par Ottawa, les anglophones ont peur.
Pendant toute la campagne qui vient de se terminer, Jean Charest et François Legault ont brandi le spectre d’un référendum comme s’il s’agissait de la peste, nous menaçant pratiquement de mort certaine si cela devait se produire. La tactique est connue. Il s’agit de faire peur au monde, car ça permet de ramasser des votes. La performance du Parti libéral en est la preuve flagrante. Cinquante sièges, on croit rêver. La moitié de ces sièges s’expliquent par la peur cultivée précieusement par les libéraux, qui n’ont jamais cessé de décrier la possibilité d’un autre référendum.
Il est urgent de rétablir des lieux de discussions avec nos concitoyens d’origine anglophone. Ils ont terriblement besoin d’être informés « from the horse’s mouth » des intentions de madame Marois. Il faut qu’ils sachent exactement les raisons de chacune des décisions de ce nouveau gouvernement. Il faut calmer leur peur, pas par des mensonges, mais en leur disant la vérité, rien que la vérité. Il est évident qu’ils sont fragilisés. Il suffit de lire le journal The Gazette, toujours en vie justement parce qu’il ne cesse d’entretenir la peur chez ses lecteurs, qui croient ainsi que le journal défend leurs intérêts.
Il faut leur expliquer que notre désir de sauver le français en Amérique du Nord n’est pas une entreprise contre eux, mais pour nous, eux compris. Ils peuvent parler de LEUR Céline Dion ou de LEUR Cirque du Soleil, et ils peuvent se réjouir que LEUR Québec prenne doucement sa place à travers le mode. Ils peuvent même nous aider à le faire en cessant de nous tourner le dos et de nous prendre pour des ennemis.
Je suis de l’école Marois. Je pense que le dialogue mène davantage aux solutions que les fusils. Et pour mes concitoyens anglo-québécois, je suis même prête à le faire en anglais.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé