COVID-19

POUR UNE ÉTHIQUE DU DÉCONFINEMENT

Les aînés sont-ils considérés comme un poids social ?

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Tribune libre

 POUR UNE ÉTHIQUE DU DÉCONFINEMENT 


                Pendant longtemps, on va encore débattre sur le fait de savoir si le port généralisé du masque aurait pu éviter le confinement des populations. C'est un débat dans lequel il est difficile de faire la part des choses entre, des arguments de nature scientifique, des arguments liés à nos habitudes de vie,et les mensonges, les imprévisions, voire les incuries des gouvernements quant à la disponibilité de ces masques. 


               Cela dit, les gouvernements commencent à parler de déconfinement, et le premier ministre Legault n'a pas écarté l'idée de rouvrir les garderies et les écoles avant le 4 mai, date prévue de la fin de la “pause” au Québec. Immédiatement, des parents d'élèves et des enseignants ont réagi pour souligner, avec raison, que cela équivalait à permettre à la Covid-19 de se répandre dans la population, via les enfants, les élèves, les parents, les enseignants. Cette conséquence prévisible est inévitable, le premier ministre Legault le sait très bien, elle est aussi, sans le dire clairement, voulue. En effet, il sait, comme le premier ministre Trudeau, qu'en l'absence de vaccin, la seule manière de faire dépérir la Covid-19 est d'atteindre une immunisation de groupe, ce qui se produit quand de 40% à 60% des membres du groupe ont été infectés par le virus. Une fois le fameux “pic” passé, et en l'absence de vaccin, tous les gouvernements vont se retrouver devant la même situation délicate: permettre à la Covid-19 de se répandre dans la population pour atteindre l'immunisation globale, et contrôler ce processus pour que le système de soins hospitaliers ne risque  pas à nouveau une surcharge. Outre le fait que, lors de ce processus, la question du port généralisé du masque pourrait prendre  un nouvel éclairage, puisque qu'on ne voudra plus, à tout prix, empêcher que la Civid-19 se transmette, dans le même processus, les risques encourus par les personnes, dans les différentes tranches d'âges et selon leurs conditions médicales, ne seront  pas les mêmes selon la manière dont se fera le déconfinement. 


            En effet, si on écarte le choix d'une fin immédiate et complète du confinement pour tous, ce qui reviendrait au "laissez faire' qui fut la première option du gouvernement du Royaume Uni, on peut penser à  deux scénarios types. Un déconfinement assez complet et rapide, qui conduirait à une immunisation globale assez vite atteinte, mais  les personnes au dessus de 70 ans ou à risque resteraient alors confinées de manières strictes, voire  légales, pendant ce temps là. Ou alors, un déconfinement très graduel et long qui conduirait à une immunisation globale très lente, dans ce cas, on recommanderait alors seulement un confinement volontaire aux personnes de plus de 70 ans ou à risque. Dans le premier cas, la majorité de la population retrouve assez rapidement une grande  liberté de vie au détriment de la qualité de vie des personnes de plus de 70 ans ou à risque. Dans le second cas tout le monde mettra plus longtemps à retrouver cette même liberté. Il est fort probable que, dans la plupart des pays, en utilisant aussi des données géographiques, un éventuel "traçage" des personnes. des mises en quarantaine  'ciblées", le type de déconfinement choisi va être entre ces deux situations, qui "protègent" différemment les personnes de plus de 70 ans ou à risque. Les deux scénarios correspondent aussi, de toute évidence, à une reprise économique plus ou moins rapide. 


       Au Québec, certains secteurs de l'économie, le secteur de la construction par exemple, pressent le gouvernement  pour qu'il commence le déconfinement bientôt. La déclaration du 10 avril du premier ministre Legault, au sujet d'une  éventuelle réouverture des écoles et des garderies avant le 4 mai, va dans le même sens.Il est donc clair que des facteurs économiques, mais aussi les effets d'un confinement long sur la vie en société, sur la vie familiale et sur le psychisme des individus entre autres, vont peser sur la mise en oeuvre et sur le type de déconfinement choisi, mais, tout type déconfinement va augmenter particulièrement le taux de mortalité chez les  les personnes de plus de 70 ans . Au risque de le répéter, tout déconfinement est associé à une plus grande présence du virus dans la population, d'où un plus grand risque d'infection, ce qui, uniquement pour les personnes de plus de 70 ans et celles avec une condition médicale précaire, peut se traduire, en cas d'infection, par une issue fatale beaucoup plus probable que pour le  reste de la population.


            Il ne faut pas se le cacher, nous sommes dans une société utilitariste et productiviste, et les aînés, sont, à tort, considérés comme des “inactifs”. Les activités, souvent indispensables, qu'ils accomplissent n'est pas du “vrai” travail puisqu'elles ne produisent pas de valeur économique. Leur vie vaut-elle alors vraiment autant qu'une autre? La sauvegarde de leurs vies justife-t-elle la diminution, même temporaire, de la qualité de vie des autres ? Il est légitime de se demander si, au moment de choisir le type de déconfinement, le gouvernement Legault fera du taux de mortalité chez les personnes de plus de 70 ans, un prérequis ou une conséquence ? Est ce que ce sera un taux raisonnable? Un taux acceptable ?


          Le premier ministre Legault a déclaré récemment: " C'est inacceptable comme on traite nos aînés au Québec". Gageons alors, que le malheureux et récent épisode des lits d'hôpitaux libérés, en transférant de nombreuses  personnes âgées “en fin de soins actifs” en milieu hospitalier vers des CHSLD, soit uniquement un faux pas. Gageons aussi, que les situations  tragiques comme au CHSLD Herron et au CHSLD Yvon Brunet, restent  des cas isolés.  Gageons enfin, que le gouvernement du Québec fasse preuve de transparence sur les principes qui le guideront pour choisir la façon de procéder au déconfinement .


            Dans tous les cas, il ne faudrait pas qu'on nous demande de considérer, la divulgation des données, les résultats statistiques, l'utilisation de modèles prédictifs et la parole des experts, ceux de la Santé publique entre autres, comme des substituts à une position éthique clairement énoncée et, en autant que cela soit  possible, débattue.



Pierre Leyraud




 



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