« Tout ça n'empêche pas, Nicolas, qu'la commune n'est pas more »
(Refrain d'une chanson communarde)
Au printemps 2018, on soulignait les cinquante ans du « mouvement de mai 1968» et, ce printemps , il y aura cent cinquante ans, du 18 mars au 28 mai 1871, ce fut « La Commune de Paris». Il est difficile de ne pas voir un certain « air de famille» entre ces deux événements qui ont menacé, voire ébranlé l'ordre établi, mais « la pensée 68», malgré son côté contestataire et utopique évident, n'a jamais eut la radicalité politique mise de l'avant, et souvent aussi mise en pratique, par les communardes et les communards de Paris. Pour illustrer cette radicalité, il suffit de rappeler la figure emblématique de Louise Michel et la participation pleine et entière des femmes à l'insurrection parisienne. On peut aussi mentionner l'instauration de la démocratie directe dans les prises de décision, et la responsabilité et la révocabilité de toute personne élue ou nommée.
La Commune de Paris proclama la séparation de l'Église et de l'État, ainsi que la laïcisation et la gratuité de l'enseignement. L'insurrection parisienne dura seulement 72 jours – le « temps des cerises » – et, malgré la pression des troupes « versaillaises» de M. Thiers et la présence des troupes d'occupation allemandes aux portes de Paris, elle fut, quand même, fidèle à son projet de république sociale. Elle organisa les chômeurs, règlementa le travail de nuit et mis en pratique une forme d'autogestion. Une autre et triste façon de souligner la radicalité de son projet politique est de se remémorer la répression féroce et exemplaire qui frappa les insurgé.e.s. Les communardes ne furent pas épargnées et la « La Semaine sanglante» – rouge comme les cerises – mis fin à la Commune de Paris le 28 mai 1871, 30 000 communardes et communards seront tué.e.s.
À l'évocation de tout événement historique important, comme le fut la Commune de Paris, on peut se poser la question: est-il devenu un simple jalon dans le temps révolu de l'Histoire, ou est-il aussi un événement qui nous parle encore?
Depuis la disparition presque totale des « socialismes réels», le modèle néo-libéral dominant est présenté comme seul porteur de progrès, c'est-à-dire d'un bonheur assis sur une prospérité matérielle et sur l'argent. Cette réalité politique rend de plus en plus irrecevable tout projet de contestation sociale global. De plus, pour la plupart de nos dirigeants, il ne semble même plus y avoir de question sociale et, dans le camp progressiste, les questions "sociétales", comme on le dit, laissent trop souvent dans l'ombre les questions sociales. Liberté, égalité, fraternité semble avoir fait place à liberté, égalité, identités. Alors, de quoi la Commune de Paris pourrait-elle encore nous parler?
Encore en pleine pandémie, les nouvelles au sujet de la Covid occupent plutôt nos esprits. Cependant cette pandémie va bien finir un jour, il faut donc s'attendre à un retour à la normale ou, plutôt, à « l'anormale», comme l'écrivait le sociologue Pierre Bourdieu. Aussi, si nous voulons en finir un jour avec le néo libéralisme dominant, système mortifère pour nous et pour notre vie sur la Terre, il nous faut un projet ou des projets globaux, alternatifs et émancipateurs. Actuellement, nous n'en avons pas, c'est le moins qu'on puisse dire! Les prétendues « améliorations possibles» du système actuel ou les îlots « alternatifs», à côté du même système mais dépendants de lui, et aussi nombreux soient-ils, ne peuvent combler ce manque. Mais, plus grave encore, tout laisse à penser que, dans notre imaginaire, ne figure même plus la possibilité de penser à une alternative vraiment émancipatrice grâce à laquelle de tels projets pourraient voir le jour. Nous, ainsi que notre vie sur la planète, allons droit dans un mur. Ce mur est de plus en plus visible, proche de nous, et bientôt nous ne verrons plus que ce mur.
Alors? Bien entendu, l'histoire de ce que fut la Commune de Paris de 1871 ne nous fournira pas cet imaginaire dont nous avons tant besoin, mais si, plus modestement, son souvenir ou même sa simple évocation, nous rappelait que pour changer le monde, il faut d'abord, dans sa tête, avoir l'idée et l'envie de le changer, alors, comme le dit le refrain d'une chanson moins connue du communard Eugène Potier: « Tout ça n'empêche pas, Nicolas, qu'la Commune n'est pas morte».
(photo: carte postale “Barricade de la Commune”)
Pierre Leyraud
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé