Pour une Charte des droits collectifs

Laïcité — débat québécois

Pour une charte des droits collectifs.
Si on se donnait la peine de respecter le bien collectif, qu’on appelait autrefois le bien commun, on comprendrait que dans l’ordre des choses celui-ci est supérieur au bien individuel. Par voie de conséquence, l’État, premier responsable du bien commun, peut commander une conduite civique uniforme malgré la reconnaissance de la liberté de conscience. Dans cette logique il devient évident qu’il faut une séparation nette et précise entre le domaine de l’État et le domaine des croyances religieuses et des particularismes culturels de chacun.
Sans nier les droits individuels, qui sont reconnus depuis l’Époque des lumières, nous devons redonner à la collectivité la plénitude de ses droits comme nous devons rendre obligatoires des devoirs communs. Le balancier de l’Histoire a basculé du côté de la personne pour combattre l’autoritarisme exagéré des monarques, ce qui a amoindri le poids de l’avantage du groupe. Il faut revenir à l’équilibre et rétablir l’idéal démocratique d’égalité, de fraternité et de liberté, et cela dans cet ordre. Il faut se rappeler que ma liberté trouve sa limite dans le respect de celle des autres.
Au Québec, nous vivons encore les effets d’un pouvoir civil et religieux abusifs, c’est pourquoi une partie de nos intellectuels s’enlisent dans la magnification de la liberté individuelle sur le plan culturel et de la liberté de conscience ce sur le plan religieux. Cela les amène à réduire le domaine étatique au dépend du bien commun. Cette approche s’appelle le multiculturalisme ou, si on veut, l’interculturalisme, deux mots pour une même réalité qui accorde droit de cité à des communautés refermées sur elles-mêmes. Nous connaissons de ces communautés qui vivent en marge de notre société et qui se construisent des ghettos pour mieux défendre leurs particularismes. Quand ces communautés grossissent et se multiplient, quand chacun vit seulement dans son groupe culturel et religieux, quand le laxisme de la majorité s’étend, laisser-faire qu’on ne peut appeler tolérance, il y a dissolution de l’identité nationale.
Nos bien-pensants, qui se prétendent de la gauche éclairées, appellent leur façon de voir ouverture sur les autres, largeur d’esprit et compréhension de la condition humaine, comme si ces belles vertus ne pouvaient pas exister sans s’attaquer à l’identité de toute la nation. Les personnes qui partagent un même territoire, qui sont soumis à des lois communes et qui ont la volonté de vivre ensemble, peuvent aussi faire preuve d’humanisme, d’acceptation de l’autre et de solidarité. Il n’est pas nécessaire que ses citoyens acceptent de morceler leur société pour être des gens de bonne volonté. Les intellectuels du manifeste de la tolérance à tous crins ne voient pas qu’en se faisant les apôtres de la morale dite universelle ils coupent les liens de solidarité à la base de la fraternité et ils nient le droit à l’égalité dans notre propre collectivité. En optant pour le communautérisme, ils optent pour une liberté individuelle qui va souvent à l’encontre des valeurs nationales.
Je tiens à mes valeurs parce que ce sont elles qui nous donnent la dimension d’une nation et qui supportent notre développement. C’est d’ailleurs ce qui nous permet d’accueillir ces gens d’ailleurs qui veulent une amélioration de leur sort. De plus, ces valeurs m’ont octroyé une identité dont je suis fier. C’est pourquoi je veux que tous sur notre coin de terre parlent une langue commune, respectent les mêmes lois, accomplissent les mêmes devoirs civiques et acceptent que l’État n’ait pas à tenir compte dans ses décisions des croyances et des traditions des diverses religions. Les particularismes culturels doivent rester du domaine privé et ne pas interférer avec la vie publique. L’accommodement qui seul s’impose est celui de respecter les choix de chacun dans sa propre demeure et dans le secret de son cœur, mais pas ceux qui s’expriment en public et qui contraignent les autres dans la cité.
Or, un État qui refuse son devoir de laïcité complète refuse de reconnaître l’égalité de tous ses citoyens et ceux qui l’invitent dans cette voie se prononcent contre le bien commun. Des nouveaux arrivants qui militent pour conserver leur façon de vivre et qui luttent pour se différencier empêchent la nation d’atteindre ses objectifs et de se développer comme entité propre. Loin de s’assimiler à leur nouvelle collectivité, une nouvelle société qu’ils ont choisie librement, ceux qui réclament un statut particulier au nom de liberté de conscience contribuent à l’affaiblir. En effet, un rassemblement de cultures différentes et des façons de vivre distincts ne font pas une nation, mais un lieu d’affrontement et de chicane. Il y a déjà assez de raisons de cloisonnement entre nous pour ne pas en créer d’autres. Les arrangements irritants pour l’ensemble sont une source inévitable de division.
Mon exigence comme citoyen qui accueille des ressortissants d’autres pays est une acceptation inconditionnelle de la part de ceux-ci d’une égalité de tous face aux droits et devoirs imposés par l’autorité civile. Cela ne peut arriver que par une laïcité qui ne fait aucun compromis et qui s’annonce clairement dans une déclaration officielle des droits de la collectivité.
Gilles Néron
Québec


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2013

    Vous avez raison. La Commission des droits de la personne erre totalement dans sa position contre la Charte des valeurs. Prétendre que le fondement des droits est l'individu uniquement ferait de toute société un amalgame d'individus sans lien entre eux. Or toute société a une culture et des règles de fonctionnement. Les droits collectifs sont une réalité et ils doivent être protégés au même titre que les droits individuels sinon ça n'aurait aucun sens.