Police - Qui doit financer Éclipse?

Les effets pervers des fiducies à durée déterminée

Il y a cinq ans, le gouvernement Harper annonçait dans son budget 2008-2009 qu’il allait placer 400 millions de dollars dans une fiducie à la disposition des provinces pour embaucher des policiers. Malheureusement, l’aide comportait une réserve : elle ne valait que pour cinq ans. Malheureusement aussi, les provinces n’ont rien prévu pour la suite.
En choisissant de verser en une seule fois la somme de 400 millions de dollars dans un Fonds de recrutement de policiers, en février 2008, le gouvernement minoritaire de Stephen Harper, qui nageait dans les excédents, se préparait aussi à faire de la loi et de l’ordre l’un des thèmes clés d’une campagne électorale qui s’annonçait difficile.
De leur côté, les provinces savaient que l’aide fédérale ne serait disponible que temporairement. De toute façon, avec cette somme, on ne pourrait pas embaucher 2500 policiers supplémentaires à raison de 150 000 $ par tête, comme le prétendait Ottawa, mais tout au plus 500 pour l’ensemble du pays, et seulement pendant cinq ans. « Qu’est-ce qu’on va faire après cinq ans ? Les mettre à pied ? », s’était d’ailleurs inquiété le président de l’Association des policiers municipaux, Denis Côté, sans obtenir de réponse.
Si les provinces ont accepté de jouer le jeu, le ministre libéral québécois Jacques Dupuis y allant même d’éloges à la « collaboration » fédérale-provinciale, c’est qu’elles ont toujours eu besoin des millions fédéraux, même de ceux qui sortent du chapeau d’un magicien.
Puisque l’argent devait servir à l’embauche de policiers, le ministre Dupuis a donc décidé de consacrer la presque totalité des 18 millions annuels supplémentaires consentis au Québec à la lutte contre les gangs de rue, la drogue et la cybercriminalité, trois champs d’intervention jugés prioritaires.
Toutes les régions ont reçu leur part du gâteau, qu’elles ont choisi d’affecter à la création d’une escouade spécialisée, telle Éclipse et ses 60 policiers à Montréal, ou d’escouades régionales mixtes comme à Québec, à Sherbrooke et à Gatineau.
Cinq ans plus tard, le Fonds est épuisé, et Ottawa, qui est aux prises avec un important déficit, refuse de le renflouer. Or, comme les provinces n’ont pas plus d’argent qu’en 2008, Montréal parle de démanteler son escouade Éclipse.
À Québec, le nouveau ministre péquiste de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, joue de toute la démagogie dont il est capable en affirmant que son gouvernement « n’a pas l’intention de remplacer Ottawa ». Ah bon ! La lutte contre les gangs de rue serait-elle devenue compétence fédérale depuis les dernières élections ? Bien sûr, il s’agissait des libéraux, mais la nuance ne semble pas faire partie de l’équation.
Cet incident nous rappelle surtout les effets pervers de ces fameuses fiducies à durée déterminée dont l’idée remonte aux libéraux de Jean Chrétien qui ne voulaient surtout pas créer de nouveaux programmes permanents avec leurs surplus budgétaires. Si certaines de ces fiducies ont pu favoriser le renouvellement d’équipements spécialisés en santé, par exemple, d’autres, comme ce Fonds pour l’embauche de policiers, constituent une très mauvaise façon de s’attaquer à des problèmes récurrents, telle la lutte contre le crime. De la part d’un gouvernement conservateur qui fait de la criminalité une priorité, on aurait dû s’attendre à plus sérieux. Voilà le type de gestion à court terme qui mérite une gifle du Vérificateur général !


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