Plan Marois et nouvelles possibilités

Chronique d'André Savard

Il y a quinze ans déjà, Claude Morin écrivait un livre qui s’intitulait Les Choses comme elles étaient. L’usage de l’imparfait porte à croire que le livre traitera du passé. Malheureusement, on voit plutôt que l’échiquier politique a conservé beaucoup de ses barrières et que le politicien d’aujourd’hui rencontrera les mêmes difficultés que celui d’hier.
Par rapport à la diplomatie internationale Claude Morin écrit : « Un coup d’œil sur le globe terrestre, un survol de l’évolution du monde contemporain et l’étude des statistiques montraient que le Québec, sans être à cet égard insignifiant, n’était pas pour la plupart des pays, une composante majeure de leur géostratégie. Que la souveraineté du Québec dérange peu l’équilibre international constituait, à la rigueur, un argument utile (je m’en servais pour rassurer les représentants étrangers), mais, en contrepartie, il n’incitait pas beaucoup de pays à croire profitable de se compromettre gratuitement à son sujet. »
Claude Morin dépeint l’avantage que détenait le Fédéral au chapitre de la diplomatie internationale, un terrain qu’il domine puisque la représentation à l’étranger revient de droit au seul État national du Canada soit le gouvernement d’Ottawa. Depuis, le Québec est devenue de plus en plus une province principalement occupée à la gestion de deux gros postes budgétaires, celui de la santé et de l’éducation. S’il investit des sous ailleurs que dans ses secteurs, n’importe quel premier ministre du Québec risque tellement de se faire accuser d’être responsable des morts dans les hôpitaux qu’il y repensera une deuxième fois avant de lever le pouce dans la mauvaise direction.
En fait, les diplomates canadiens ont tout intérêt à faire croire que l’indépendance du Québec entraînera des perturbations en chaîne. Et Claude Morin décrit à propos de leur argument une carte que les politiciens canadiens ont fait bien retomber sur la table de poker depuis la rédaction de ce livre : « Dans maint cas d’ailleurs, la souveraineté québécoise donnerait un mauvais exemple à ces peuples, ethnies et tribus dont tant de pays combattaient les desseins autonomistes à l’intérieur de leurs propres frontières. Souvent par les armes. »
Comme au temps de Claude Morin, le Québec ne peut pas faire contrepoids à l’immense réseau des ambassades et des activistes canadiens à travers le monde. Toutefois quelques éléments ont changé légèrement la donne. D’abord, comme on sait, le Québec se dissocie de la politique énergétique canadienne. Bernard Drainville propose d’aller plus loin en nationalisant les éoliennes. Autant de mesures qui peuvent passer un message à l’étranger : la nation québécoise gère son pays différemment et la politique étrangère canadienne ne traduit pas toujours adéquatement les volontés du peuple québécois.
Une des intuitions du plan Marois vise à ce que le Québec se contente de moins en moins de la vie épaisse, secrète et sans éclat d’une province qui espère juste influencer et aiguiller les politiques nationales du Canada. Il s’agit de donner du relief à l’identité québécoise et non plus de se présenter comme le verso français de la politique canadienne. Bref, le Québec doit valoriser ce qu’il a fait à faire valoir et s’il le faut, ne pas attendre le grand jour de la déclaration de l’indépendance pour mener ses propres politiques.
On se souvient de l’argument de Jean Chrétien qui accusait les indépendantistes québécois de vouloir l’indépendance pour avoir le drapeau sur leur limousine. On se souvient d’Ignatieff qui écrivait qu’il n’y avait pas de différence entre le Québec et le Massachussetts. Pourquoi le Québec parlerait s’il figure comme une partie du collier de la Reine, une perle du collier de la Couronne?
Ainsi le Québec s’endort et finit par penser qu’il a déjà son pays, le Canada, un pays qui lui fournit sa politique étrangère, sa politique linguistique, sa politique énergétique. Le Québec finit pas penser qu’il n’y pas de voie dissidente, pas d’institutions à créer puisque le Canada lui fournit des hommes graves, des femmes compétentes, des magistrats sérieux qui ont bien le droit d’avoir le dernier mot puisqu’ils se sont penchés sur ses affaires aux frais du gouvernement canadien.


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