PKP, un héros de légende?

L'épreuve qui grandit

Depuis les flamboyants débuts de sa carrière politique, alors qu’il réclamait un Québec indépendant en brandissant le poing, je suis frappée de voir à quel point Pierre Karl Péladeau s’apparente à un personnage de légende épique. Les aléas de cette dure semaine dans son parti et à l’Assemblée nationale me confortent dans cette idée. Ayant une formation littéraire, je préfère nettement aborder les individus et les événements sous un angle, plus romanesque, mettons… Ce qui ne veut pas dire irréaliste. La réalité dépassant souvent la fiction.
Allons y donc ! Né dans une famille riche et en vue, enfant d’un self made man plus pittoresque que nature et d’une mère au tempérament artistique mélancolique, la tragédie se présente assez tôt dans son histoire personnelle. Une étoffe dont sont souvent faits les héros de fiction. Mortalité, assuétudes, dissensions familiales et drames intimes, la vie n’a pas épargné l’homme. Le frère. Et le fils d’un bâtisseur, d’un homme d’affaires à la fois vénéré par une partie de la population québécoise et snobé par une autre. Pierre Péladeau, l’un des rares canadiens-français aussi riche que Crésus et aussi radin qu’Harpagon, tant qu’à être dans le mythe.
Je me rappelle avoir fait une entrevue avec le père et sa fille Isabelle, il y a bien longtemps alors que je dirigeais un magazine du groupe Publicor. J’avais alors pu constater à quel point, il était viscéralement remonté contre le pouvoir traditionnel et le mépris des puissants anglophones. De même que contre certains de ses compatriotes qui s’étaient vendus à cette élite économique qui dirigeait le Québec depuis si longtemps. Mais surtout, il semblait fier d’être parvenu, – grâce à son entrepreneurship et à son travail acharné – ,à conquérir et à triompher dans le monde des affaires alors totalement dominé par les anglophones.
Quand on reconnaît à la psychologie toute son influence dans la vie des individus, on sait la force des liens qui existent entre les pères et les fils. J’oserais avancer que Pierre Karl, personnage fortement individualisé a été en quelque sorte élu par son père pour en poursuivre l’œuvre au plan des affaires. Mais pas seulement. Sans doute davantage, – bien inconsciemment -, pour le dépasser dans l’histoire du Québec. Sur le même mode combatif !
Porté par une exigence de grandeur, PKP veut peser sur l’ordre du monde. Il possède les qualités du guerrier, l’audace de l’aventurier, l’énergie, l’aptitude au commandement. Son rayonnement personnel le désigne à l’admiration. Comme le personnage épique, il s’appuie sur une certitude intérieure. Peu porté aux tourments de la conscience, il agit en fonction de valeurs qui pour lui ne présentent pas d’ambiguïté. Il combat pour un Québec libre, français et plus prospère.
Dans la littérature, le héros épique accomplit des prouesses à travers des épreuves qui lui permettent de manifester ses qualités. Il est appelé à se dépasser en combattant toutes sortes d’adversaires. Comme cette semaine, alors qu’il a du affronter à la fois un ennemi de l’intérieur, Jean-François Lisée et se confronter à la joute politique partisane avec les opposants libéraux et caquistes qui craignent son avènement à la tête du PQ et éventuellement du Québec, comme la peste. Pour toutes les bonnes raisons. Notoriété, vedettariat, argent, pouvoir. Tout ce qui fait vibrer la foule de nos jours! Malgré la motion anti-Péladeau votée par ses pairs, dans l’opinion publique, il a gagné. Il sort grandi de l’épreuve parce qu’il a été vilement attaqué.
Comme dans les légendes, dans l’adversité, un groupe de compagnons l’a assisté et mis en valeur. Cette semaine la plupart de ses camarades péquistes menés par Stéphane Bédard se sont rangés derrière lui. Nul besoin d’être devin pour penser que Jean-François Lisée doit se tenir le corps raide et mettre son ego sous le bras. Même si son questionnement au sujet de la transparence nécessaire pour être chef de parti est absolument pertinent. Peut-on légitimement posséder un empire médiatique et gouverner un parti politique et éventuellement, un état ? La chose n’est pas de petite importance.
Dans toute histoire épique, le héros doit faire un choix déchirant. Le peuple compte sur cet ultime sacrifice. Dans le cas qui nous occupe, préférer -pour un temps-, le bien commun à l’empire médiatique légué par son père. Cela viendra sans doute en son temps. Qui sait ? À ce stade de l’épopée, PKP a encore à affronter d’autres épreuves qui devront démontrer la force de sa détermination et de ses convictions. Et révéler son talent politique. Qu’à cela ne tienne, le nouveau chef du PQ ne sera élu que dans plusieurs mois et les prochaines élections provinciales ont lieu en 2017. D’ici là, Il en coulera encore de l’eau sous les ponts et de la merde dans les caniveaux de la politique.
Dans une pièce de Bertolt Brecht qui fait la part belle à l’enjeu national, un personnage dit « Malheureux le pays qui n’a pas de héros ! ». Ce à quoi un autre rétorque : « Malheureux le pays qui a besoin de héros. » Ça donne à penser. Les communautés humaines ont tendance à identifier leurs valeurs et leurs aspirations à un individu qui en semble porteur. Elles imposent cet exemple à l’admiration publique et figent le modèle dans une vénération où, elles n’ont plus qu’à manifester leur soumission. Fardeau surhumain pour le héros désigné et triste sort pour les autres ayant abdiqué leur liberté de penser et parfois aussi leur destin collectif au profit d’une idolâtrie facile.
Une histoire à suivre…


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