Pipeline Trans Mountain: le Sénat ressuscite le pouvoir fédéral d’expropriation

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Dangereux précédent pour le Québec : le Sénat ressort une vieille loi permettant à Ottawa d'imposer un projet au détriment de la volonté d'une province

Le pipeline Trans Mountain doit être construit à tout prix, pense le Sénat, qui exhorte le gouvernement fédéral à utiliser son pouvoir « déclaratoire », pourtant passé en désuétude, pour imposer le projet à la récalcitrante Colombie-Britannique. Les sénateurs québécois André Pratte et Serge Joyal craignent le précédent constitutionnel que ce geste établit.


Le pouvoir déclaratoire permet à Ottawa de « déclarer » qu’un ouvrage, bien qu’entièrement situé sur le territoire d’une province, est « à l’avantage général du Canada » et relève donc de la compétence législative du fédéral. C’est une forme d’expropriation d’une province de sa juridiction pour un projet donné.


Ce pouvoir a été utilisé 472 fois dans l’histoire, mais surtout avant 1911, et surtout pour des projets ferroviaires (84 %). La dernière utilisation remonte à 1987, bien que le pouvoir ait été invoqué à quelques occasions récemment pour réitérer — et non imposer — le pouvoir fédéral, notamment en 2014 pour la construction du nouveau pont Champlain.


Or, cette semaine, le Sénat a adopté le projet de loi S-245 qui déclare que l’oléoduc Trans Mountain et les ouvrages connexes sont d’intérêt général.


« Le pouvoir déclaratoire est un outil extrêmement centralisateur », rappelle M. Pratte, qui tient à dire qu’il est favorable au projet Trans Mountain. « Avant d’en arriver là, si on croit à un fédéralisme coopératif, il faut faire l’impossible pour essayer de travailler en coopération avec la province pour faire le projet en collaboration avec elle. »


M. Pratte rappelle que le rôle du Sénat est « d’être la voix des régions ». « Notre rôle n’est pas de dire au fédéral de mettre le poing sur la table et de dicter aux régions quoi faire. […] Si on applique cette vision un peu simpliste et brutale du fédéralisme à un autre projet, comme Énergie Est au Québec, on aura de joyeux problèmes. »


Les tenants de ce projet de loi ont souligné à quel point cet oléoduc sera important pour l’économie canadienne parce qu’il permettra de maximiser les revenus tirés de la ressource. Claude Carignan, par exemple, dit avoir voté pour le S-245 parce que « le projet est déjà approuvé. On est dans un État de droit, ça prend une certaine stabilité si on veut des investisseurs ».


Ce sont des « arguments expéditifs » qui n’ont pas de poids aux yeux de Serge Joyal. Ce n’était pas la raison d’être de ce « pouvoir exceptionnel », analyse-t-il. Il y a une différence fondamentale, à son avis, entre construire un chemin de fer permettant la circulation des citoyens dans un pays naissant et construire une infrastructure commerciale privée.


« Je suis du Québec. Rappelez-vous le débat entre Terre-Neuve et le Québec pour l’acheminement de l’électricité jusqu’au marché américain. Si on avait utilisé ce pouvoir de la manière qui est suggérée aujourd’hui », dit-il, le Québec se serait fait imposer par Ottawa des lignes de transmission électrique.


Le libéral du Québec Dennis Dawson, favorable au projet de loi, estime que « le précédent est assez limité dans ce cas, parce qu’il y avait eu entente avec le gouvernement provincial antérieur ».


Craint-il de créer un précédent au Québec ?


« Je traiterai les cas un par un. Si ça venait sur le Québec, j’analyserais le cas réel et non un cas hypothétique. »


Le projet de loi a été adopté par 54 voix pour, 15 voix contre et 6 abstentions. Du côté des sénateurs du Québec, 10 ont voté pour, 6 contre et 2 se sont abstenus de voter.


> La suite sur Le Devoir.



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