Pierre Falardeau, l’homme au grand cœur

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« Pierre était l’homme de toutes les audaces, même les plus discrètes. »


Il y a dix ans, aujourd’hui même, Pierre Falardeau nous quittait. À 62 ans, le cancer l’avait emporté loin des siens. Grand cinéaste, brillant auteur et redoutable polémiste, il brassait toutes les cages. Derrière son personnage de «grande gueule» se cachaient un esprit fin, un courage d’irréductible et un très grand cœur. 


Des Québécois de toutes origines l’aimaient parce qu’il était vrai. Sa soif d’indépendance, pour son peuple et les gagne-petit, suintait d’une intense sincérité. Sa liberté de dire et de créer lui était précieuse. Dans une société bardée de chartes des droits, toute sa vie il a pourtant dû se battre pour la sienne. 


Pierre était un homme droit, cultivé, curieux, drôle, passionné et bon. D’où l’entièreté de son œuvre et de ses combats épiques pour l’indépendance, ou encore contre les poltrons de Téléfilm Canada entêtés à tout faire pour l’empêcher de tourner ses films trop «dérangeants». 


Conversations animées 


Pierre, pour moi, c’était l’homme des longues conversations animées. Que ce soit sur l’avenue Mont-Royal — auquel cas, plein de gens se joignaient à la discussion parce que Pierre, c’était Pierre —, ou dans des soupers amicaux chez ses potes. 


Pierre, c’est celui qui, apprenant mon diagnostic de cancer, m’avait appelée pour me dire : «Écoute, Josée, tu vas être fatiguée pendant tes traitements. Faque, si t’as besoin que je vienne laver tes planchers, tes fenêtres, n’importe quoi, je vais le faire!». Pierre, toujours le cœur prêt, toujours terre-à-terre. 


Pierre était l’homme de toutes les audaces, même les plus discrètes. Un exemple parmi d’autres. Une fois par semaine, j’allais prendre un martini au Ritz avec un ami. Un moment donné, j’invite Pierre à venir prendre le thé au Ritz. «Es-tu folle?», qu’il m’a lancé. Après quelques minutes, il s’est ravisé : «OK! On va aller manger des p’tits sandwichs pas de croûtes au concombre.» 


Notre après-midi au Ritz 


Ce que nous fîmes. Je ne vous dis pas l’effet bœuf de son entrée dans le chic salon du Ritz. Les serveurs nous ont offert la meilleure table. Et vous savez quoi? Parmi eux se trouvaient de grands fans de Pierre. Eh oui, au Ritz. Ils nous ont apporté un superbe service de thé, y compris de délicieux petits sandwichs au concombre. 


On a mangé. On a refait le monde. Sur notre départ, deux dames se sont avancées vers nous : «Êtes-vous Pierre Falardeau?» Une fois la chose confirmée, elles lui ont dit toute leur admiration et demandé son autographe. Peu après, interloqué par toute l’expérience, Pierre m’a demandé : «Coudonc, as-tu arrangé tout ça avec le gars des vues?» «Eh non, que je lui ai dit, le monde t’aime. C’est tout.» Pas besoin de vous dire qu’on en a reparlé souvent. 


Pour ses funérailles, on m’avait demandé d’être analyste pour la cérémonie diffusée sur LCN. La journée fut éprouvante. Je pensais à ses enfants, ses amis, son amour et complice de toujours, Manon, de même qu’à mes moments privilégiés avec Pierre. 


Depuis, le relire, revoir ses films et ses documentaires, c’est le garder vivant pour mieux s’abreuver de son courage. Bonne éternité, cher Pierre.




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