Perspectives - Contagion

Pendant ce temps, sur le continent de l'austérité, l'activité industrielle chute partout en Europe sous les niveaux signalant l'avènement d'une récession.

Crise de l'euro



Les dirigeants européens découvrent aujourd'hui l'effet de contagion. Un problème au départ isolé, qui ne pesait qu'à peine 3 % du PIB de la zone euro il y a 18 mois, a été multiplié par six depuis, parce que non résolu à l'origine. À trop vouloir faire de la petite politique sur l'une des plus petites économies du groupe...
Avec Dexia devenant la première banque de la zone euro à vaciller, avec ce marché du financement interbancaire en définitive fermé aux institutions européennes depuis l'été, avec ces primes d'assurance pour risque de défaut multipliées par deux depuis, c'est désormais le branle-bas pour sauver les banques de la zone. Un petit problème de 100 milliards à l'origine (le plan d'aide à la Grèce) vient d'être multiplié par trois uniquement pour recapitaliser les grandes banques afin de calmer le jeu. Et pour éviter une spirale infernale, il a été estimé que le Fonds européen de stabilité financière pourrait devoir être doté d'une capacité d'intervention de 3000 milliards. Sans oublier une possible contagion hors de la zone, vu le jeu des vases communicants entre institutions financières, qui s'étendrait alors à une Union européenne jusqu'ici plutôt silencieuse et observatrice d'une crise qu'elle croyait confinée aux pays partageant la même monnaie.
Il y a 18 mois, lorsque la crise de la dette souveraine débordait l'Irlande pour s'étendre à la Grèce, l'on disait que l'économie de ce pays ne comptait que pour 3 % du PIB de la zone euro. D'où le peu d'empressement à lui venir en aide et ce réflexe de vouloir faire en un exemple du mauvais élève. Depuis, les tergiversations politiques persistent, avec une Allemagne maniant le bâton et la carotte, condamnant la Grèce dans une impossible austérité budgétaire. La crise de la dette s'est étendue depuis au Portugal pour menacer l'Italie et l'Espagne. Dans l'intervalle, la contagion s'est propagée aux banques exposées à la dette souveraine. Résultats: un problème qui, au départ, pesait 3 % du PIB de la zone euro est devenu six fois plus gros depuis, devenant un risque potentiel qui équivaut à 18 % du PIB cumulé par les 17 pays membres de l'union économique et monétaire.
Vue différemment, l'aide refusée à la Grèce, sous la forme d'une mutualisation de la dette, est en train de rattraper la France et l'Allemagne, par leurs institutions financières qui, elles, sont exposées au risque de défaut de la Grèce. Selon les données de la Banque des règlements internationaux, les banques allemandes sont exposées à la Grèce à hauteur de 23 milliards $US. Celles de la France, à hauteur de 57 milliards. L'exposition des banques allemandes aux cinq pays fragilisés de la zone se chiffre à 522 milliards $US, soit 15 % du PIB de ce pays. Celle des banques françaises à ces pays formant l'acronyme anglais PIIGS est plus élevée, atteignant les 672 milliards, ou plus de 24 % du PIB français. Avec ces agences ayant la décote facile, il ne faudrait pas s'étonner de voir la France perdre son triple A!
Hors euro, le risque des banques britanniques face à la Grèce se chiffre à 15 milliards $US. Face aux cinq pays du PIIGS, il frôle les 350 milliards, soit 14 % du PIB du Royaume-Uni. En résumé, l'Union européenne ne pourra demeurer longtemps indifférente à cette crise qui n'est plus confinée à la zone euro.
Mais sur ce continent, on pense encore que l'austérité budgétaire est la seule réponse à la crise de la dette. Au Royaume-Uni, pays champion de l'austérité, les résultats sont plutôt édifiants, avec une économie en Grande-Bretagne désormais au point mort. Selon l'Agence France-Presse, «la croissance britannique au deuxième trimestre a été revue à la baisse hier, à un modeste +0,1 %, signe d'une économie quasi à l'arrêt qui multiplie les mauvaises performances en pleine crise de la zone euro. [...] La plupart des experts tablent désormais sur une croissance annuelle inférieure ou égale à 1 %, loin du 1,7 % espéré par le gouvernement au printemps dernier lors de la présentation de son budget de rigueur. Mais certains évoquent de manière de plus en plus insistante la possibilité d'un retour du pays dans la récession.»
Peu avant, on apprenait que le nombre de chômeurs britanniques avait dépassé cet été le seuil des 2,5 millions, et que le nombre de demandeurs d'emploi en juillet avait fait un saut jamais vu depuis la récession de 2008-2009. Et malgré un plan de rigueur qualifié de plus dur des pays industrialisés, le déficit britannique a été creusé à 13,8 milliards de livres en août, soit 2 milliards de plus qu'il y a un an. Ce qui n'a pas empêché, mardi, le premier ministre britannique, David Cameron, de renouveler sa foi en l'austérité budgétaire.
Pendant ce temps, sur le continent de l'austérité, l'activité industrielle chute partout en Europe sous les niveaux signalant l'avènement d'une récession.
Et dire que le problème était une affaire de «club Med» et qu'il ne pesait, à l'origine, qu'à peine 3 % du PIB de la zone euro!


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