Cette crise qui perdure attaque la santé des régimes de retraite à prestations déterminées sur deux fronts. Sur l'actif, au numérateur, par l'absence prolongée de rendement. Sur les engagements, au dénominateur, par la faiblesse historique persistante des taux d'intérêt de long terme. Ces régimes sont plus que jamais en voie de disparition dans le secteur privé.
À quelques heures du lancement des nouveaux régimes de pension agréés collectifs au fédéral, et de son pendant québécois appelé «régime volontaire d'épargne-retraite», la question de la survie des régimes à prestations déterminées est relancée. Avec cette croissance économique sans cesse repoussée, avec cette longue disette pressentie s'accompagnant d'une panne de rendement et de taux d'intérêt de long terme historiquement faibles, c'est tout le modèle d'affaires de ces régimes qui ne tient plus la route. Des régimes conçus lors d'années de rendements dans les deux chiffres, où dominait l'inflation, avec une espérance de vie d'à peine 65 ans. La crise financière de 2008, et celle de l'endettement public qu'elle a engendrée, ramènent employés, entreprises et gouvernements à l'heure des choix.
Mardi, le gouvernement québécois a dû prolonger de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2013, les mesures d'allégement pour les employeurs aux prises avec des déficits actuariels allant en grandissant. Dans la foulée, Québec a annoncé le lancement d'une autre révision de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite avec une réflexion encore plus fine sur l'avenir des régimes à prestations déterminées. L'on retient que la baisse des taux d'intérêt et l'évolution défavorable des marchés financiers ont entraîné une détérioration de la situation financière des régimes. Et qu'il faut tenir compte des nouvelles réalités économiques et démographiques auxquelles ils sont confrontés. En d'autres termes, aux tendances structurelles déjà pressenties se greffe une paralysie économique persistante.
Et ici, Québec est d'autant plus intéressé à cette réflexion que les régimes à prestations déterminées se raréfient de plus en plus pour se concentrer dans les secteurs public et parapublic. Qu'en tant qu'employeur, il doit répondre à des déficits actuariels allant en grossissant, un problème amplifié par les congés de cotisations qu'il s'est octroyés. Qu'en tant que gouvernement, il doit se montrer sensible au fait qu'il n'est probablement plus loin le jour où les seuls bénéficiaires de ces régimes à prestations déterminées seront les politiciens et les fonctionnaires. Cette allusion a été faite en 2009 par Claude Lamoureux, ex-président du régime de retraite des enseignants de l'Ontario (Teachers). «Il s'agit d'une situation intenable pour les contribuables et les électeurs, qui n'accepteront vraisemblablement pas que leurs impôts servent à financer des régimes auxquels ils n'ont pas droit», avait-il alors prévenu.
Dans le privé, ce mouvement de transformation vers la formule des régimes à cotisations déterminées va en s'accélérant. Lorsque l'on voit la plus grande banque au pays, la Royale, s'en remettre à ces régimes pour les nouveaux employés, ou le plus gros des transporteurs aériens au pays en faire une pièce maîtresse dans l'actuelle ronde de négociations avec ses employés, il est difficile de croire en une mode passagère ou conjoncturelle.
Étonnant, donc, les résultats d'un sondage dévoilés hier par RBC Dexia et le cabinet Raymond Chabot Grant Thornton faisant ressortir une myopie ou une vision rosée chez les Canadiens. Il appert que «83 % des membres/participants à des régimes à prestations déterminées croient que, au moment de leur retraite, les régimes mis en place par leur entreprise disposeront de suffisamment de fonds pour leur verser les prestations attendues». Et les auteurs de l'étude de poser la question: «Confiance excessive ou manque d'information?»
Taux de cotisation à revoir, avec une capacité de payer toujours plus limitée, paramètres servant à mesurer l'insolvabilité et à combler les déficits actuariels à revisiter, départs hâtifs à décourager et mise sur pied de régimes hybrides à envisager. Voilà quelques avenues que le comité d'experts indépendants mandaté par Québec, et présidé par l'ex-président du Mouvement Desjardins Alban D'Amours, aura à emprunter.
Il est à espérer, cependant, que cette réflexion n'évacuera pas l'effet fragilisant d'un transfert, au retraité et au futur bénéficiaire, du risque de placement inhérent à des régimes sans prestations déterminées. Cette fragilité, accrue en cette conjoncture où les rendements sont plutôt absents, n'est pas sans être susceptible d'accroître la pression sur les régimes publics, avec leurs programmes de sécurité de vieillesse et de supplément de revenu garanti. S'ajoutent ces comparaisons faites avec les principaux pays industrialisés, plaçant l'actuel système de retraite au Canada (et au Québec) parmi les meilleurs au monde.
Perspectives
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