Retraites dorées

Les municipalités sonnent l'alarme

Réforme des retraites - Sécurité de la vieillesse



Jean-François Cloutier - Les retraites offertes aux employés de la fonction publique municipale, à un âge de plus en plus précoce, risquent d’entraîner des hausses de taxes salées pour les contribuables.
La retraite des cadres, des cols blancs, des cols bleus, des pompiers et des policiers du secteur municipal coûtera tellement cher que l’Union des municipalités du Québec (UMQ) estime devoir sonner l’alarme.
Dans le document, publié au début novembre, on souligne que les déficits des régimes de retraite des employés municipaux se sont creusés de façon importante, dans les dernières années, en raison des rendements faméliques offerts sur les marchés.
Problème d’équité
Les régimes à prestations déterminées sont bâtis sur des hypothèses de rendement de 6,5 % par année, un niveau qui ne peut que faire rêver les investisseurs par les temps qui courent.
Autre tendance alarmante: la propension des employés des villes à prendre leur retraite de plus en plus tôt et à vivre de plus en plus vieux. L’employé moyen des villes quitte son emploi à l’âge de 58 ans, alors que son espérance de vie dépasse les 80 ans.
Les régimes sont bâtis pour une retraite à 62 ans en moyenne.
Pour Éric Forest, président de l’UMQ et maire de Rimouski, ce n’est qu’une question de temps avant que les maires soient forcés d’augmenter les taxes pour éponger les déficits énormes des régimes.
« On devrait en venir à demander un effort supplémentaire aux citoyens alors que les deux tiers d’entre eux n’ont même pas de régime de retraite ! Il y a un problème d’équité au niveau de notre propre communauté », soutient-il.
Pris en otage
M. Forest souligne que contrairement aux entreprises, qui ont toujours le choix de fermer boutique ou de délocaliser leur production, les villes peuvent être prises en otage par leurs employés.
« Je ne peux pas déménager Rimouski au Mexique pour réduire la facture de déneigement », argue-t-il.
La Ville de Montréal représente un cas à part, en raison de sa taille. Entre 2008 et 2012, l’administration Tremblay prévoit tripler sa contribution aux divers régimes de retraite de ses employés, en la faisant passer de 198 M$ à 578 M$.
De cette somme, plus de la moitié ira à des employés qui ont déjà pris leur retraite.
À ce niveau, c’est 10 % du budget de la Ville qui sera englouti dans les retraites de son personnel, soit plus que la contribution totale de Montréal au transport en commun, souligne M. Forest.
Québec bouge
Alors que les déficits des régimes de retraite à prestations déterminées se creusent, le gouvernement du Québec a annoncé la prolongation, jusqu’à la fin 2013, des mesures d’assouplissement temporaires introduites, en 2009.
Ces mesures concernent les régimes à prestations déterminées offertes dans le secteur privé et reporte notamment dans l’avenir le moment où l’employeur a l’obligation d’éponger leur déficit actuariel.
Comité d’experts
Québec a aussi nommé l’ancien président du Mouvement Desjardins, Alban D’Amours, à la tête d’un comité d’experts pour étudier l’avenir de ces régimes, de plus en plus remis en question en raison de la crise financière.
La ministre de l’Emploi, Julie Boulet, en a fait l’annonce cet après-midi en Chambre.
« Le gouvernement mettra cette période d'allègement à profit pour revoir la Loi sur les régimes complémentaires de retraite de façon à tenir compte des nouvelles réalités économiques et démographiques auxquelles sont confrontés ces régimes », a-t-elle dit.
Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) a rapidement salué l’initiative de la ministre.
« On peut affirmer sans se tromper que cette mesure était urgente et essentielle. Il s’agit du résultat des représentations constantes et répétées menées par le Conseil du patronat et les employeurs du Québec, au cours des derniers mois, auprès des décideurs gouvernementaux afin d’éviter l’effet catastrophique sur le plan financier du manque de solvabilité », a-t-on indiqué par voie de communiqué.
Le CPQ invite du même souffle Québec à revoir les règles relatives aux régimes à prestations déterminées offerts au sein des fonctions publiques provinciale et municipale, considérant la situation actuelle des finances publiques.
DEUX ANS DE SURSIS
Comme l’annonçait le Journal, lundi, la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Julie Boulet a déposé, hier, un projet de loi visant le prolongement des mesures destinées à soutenir le refinancement des régimes de retraite complémentaires. Ce projet de loi assure le prolongement de deux ans des « mesures d'atténuation des effets de la crise financière de 2008 ».
Le Conseil du patronat a applaudi à la décision du gouvernement. « Cette mesure était urgente et essentielle », a-t-il fait savoir, hier.
115 000$ POUR UN POMPIER?
Le maire de Westmount, Peter Trent, dénonce, depuis plusieurs années, les régimes de retraite bétonnés offerts aux employés des municipalités.
Q: Vous dites que les employés des villes sont les chouchous de la fonction publique.
R: Absolument. À cause des régimes de retraite très généreux, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a calculé que la rémunération globale des employés municipaux était supérieure de 30 % à celle du secteur privé. À Montréal, l’écart atteint 40 % en leur faveur. Environ 72 % des coûts de ces régimes sont assumés par la Ville, contre 50 % dans la fonction publique provinciale. C’est injuste pour les contribuables.
Q: Comment expliquer que les Villes aient consenti des avantages aussi importants?
R: Une ville ne peut pas faire faillite, contrairement à une entreprise.
Le gouvernement du Québec a tous les outils pour négocier avec ses employés, en pouvant émettre des décrets. Une ville n’a pas cette possibilité.
: Avez-vous l’impression que Québec a conscience du problème?
R: Non, il y a très peu de choses qui se font. Quand on va en arbitrage, les arbitres donnent souvent raison à la partie syndicale.
Ce serait le temps du côté de Québec d’envoyer le message de mettre le frein.
Q: Parmi tous les régimes de retraites à la Ville de Montréal, celui offert aux pompiers vous semble particulièrement généreux.
R: Ce régime illustre bien les difficultés auxquelles nous faisons face. Un pompier à Montréal coûte en moyenne 115 000 $ par année aux contribuables, en incluant les avantages sociaux. Il peut prendre sa retraite à 52 ans en touchant une pleine pension, qui représente les trois quarts de son salaire. C’est inéquitable pour tous les autres travailleurs.
***
Une ville peut-elle faire faillite comme aux États-Unis?
Contrairement aux États-Unis, les villes sont considérées au Canada comme des créatures des provinces.
C’est donc dire qu’en cas d’incapacité à payer, les responsabilités de la ville incomberaient à la province où elle se trouve.


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