Où souffle l’esprit?

Chronique d'André Savard


Il y a de quoi garder un goût déplaisant de cette campagne électorale. Les candidats de l’Action Démocratique paraissent avoir été pêchés en eau trouble. L’un est contre l’équité salariale et prêchait la diminution de l’Etat sur les ondes de la radio poubelle. L’autre annonce une première ponction de cinquante millions dans l’aide sociale pour mettre sur pied le programme d’allocations auprès de jeunes familles. Quant à Jean Charest, celui-là même que les sondages se plaisent à désigner comme le plus apte à gouverner, il semble avoir oublié qu’il a occupé le poste de premier ministre.
Jean Charest tranche par son discours d’aspirant sans passé. Les experts dans l’analyse de l’opinion publique lui ont déjà dit qu’il montait en grâce quand il réussissait à ne rien faire ou du moins quand il réussissait à le faire croire. Au lieu d’en être à l’heure des bilans, Jean Charest a décidé d’agir comme si rien ne s’était passé au cours des quatre dernières années. Il a dû méditer Saint-Augustin qui écrivait que «L’homme a été créé pour le commencement».
Le site web du parti Libéral, dans la même veine qu’il y a quatre ans, expose une satire facile du gouvernement Landry intitulé L’Opaqueur qui montre quelqu’un raturant une feuille où se trouvent inscrites les réalisations jugées compromettantes du gouvernement qui l’a précédé. Le Parti Libéral veut signifier ainsi que le gouvernement Landry fuit la reddition de comptes après son exercice du pouvoir. Hé Ho! Charest est en train de raconter, re-raconter, et encore raconter que le gouvernement Landry est injustement populaire! Y a-t-il des molécules de drogues qui flottent quelque part ou Charest oublie-t-il le passage du temps par une bienheureuse inconscience naturelle?
On savait que Jean Charest désirait rejouer le plan de sa dernière campagne. En tenant responsable d’abord le dernier référendum du débordement des salles d’urgences dans les hôpitaux, il nous ressort un propos qui retourne à son vieux slogan «La Santé ou la Souveraineté».
En somme, la souveraineté du Québec a dilapidé les possibilités de Charest de réaliser des progrès en santé même si elle n’a pas eu lieu. Enfin… On dit du sens du ridicule qu’il est le début de la sagesse mais que ne pas craindre l’excès du ridicule signale parfois le génie. Espérons que le dicton s’applique dans le cas de monsieur Charest… Hier 5 mars, en conférence de presse, Jean Charest a expliqué qu’il faisait «le bilan de ce qui est rendu possible»!

Pour Mario Dumont, ce sont aussi les éternels commencements. Après des décennies de duel entre les options politiques, il vient d’en découvrir une troisième : l’autonomie! Plus il prétend avoir la capacité de résoudre la quadrature du cercle grâce à la médiation d’une troisième voie, mieux il se porte dans les sondages. Il désire une Constitution où le Québec, au lieu de se déclarer attaché à la souveraineté nationale, va plutôt se déclarer province autonome : une sorte de province en permission. Ceci finira par passer au Canada, dira Dumont, le miracle de la troisième voie, comme l’amour d’une chèvre avec un serpent.
Heureusement que le vent de l’esprit souffle où il veut, parfois même chez des gens dont le jugement peut avoir passablement manqué en d’autres occasions. Dans mon classeur des meilleurs commentaires des dernières semaines figurent celui de Liza Frulla à l’égard de la position constitutionnelle de Dumont. « Comment, a-t-elle dit à Radio-Canada, peut-il espérer construire un tel pouvoir pour le Québec au sein du Canada? Et elle ajoute : Nous avons bien pu voir l’état d’esprit au Canada si on considère que celui qui a voulu faire admettre la notion de nation sociologique pour le Québec a chèrement payé en perdant la course à la chefferie.»
Une frange croissante de l’électorat nationaliste se laisse prendre au jeu. Elle croit avoir le choix entre le gouvernement Charest qui se conforte dans une position passive et Dumont qui défend une plateforme si irréalisable qu’elle équivaut à une absence de conséquence. Ils ont si peur du référendum qu’ils se disent oui! Oui pour l’absence de conséquences. Ils croient voter ainsi pour la liquidation des conséquences néfastes.
Souvent, invité comme analyste, vous avez à la télé le représentant des indécis, l’anonyme qui partage l’opinion des hésitants, un raisonnement dont la conclusion est indécise. Le représentant des indécis dit voir trop haut, planer trop loin pour les partis politiques. Il demande un projet rassembleur, une vision de la société.
Comme sa qualification télévisuelle est d’être indécis, le projet rassembleur ne concerne pas la souveraineté.
Le coup de théâtre de cette campagne alors, c’est de mal aimer Boisclair, l’accuser, lui, de faire des choses finalement minimes. Qu’il soit bon troisième, cela fait un bon thème qui fait partie du jeu, entre tout ce que l’on montre, qu’est-ce qu’il y a à montrer, peut-être ce n’est pas ce qu’on croit, ou ce qu’on nous fait croire, ou ce qu’on veut faire croire. Dumont va chiffrer ses coupures à l’aide sociale d’ici la fin de la campagne. Charest en appelle à l’union sacrée de tous les fédéralistes derrière lui.
André Savard


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