Pierre-Paul Sénéchal - Il y a tellement d’émotion et de démesure dans le texte de monsieur Pierre Cloutier (Guerre à l’intolérance et à la censure, 2 février), que je me dois d’y apporter un commentaire. Ce que je ne fais jamais en pareille circonstance. D’abord une précision: le texte publié sous ma signature était une brève réflexion adressée à monsieur Frappier à titre confidentiel (une chose que j’ai d’ailleurs fait par le passé) À sa face même, ce commentaire n’était pas libellé ni conçu pour publication. Je ne me suis jamais en effet permis de crucifier un souverainiste sur la place publique. Faire connaître privément son appréciation à l’éditeur sur le sujet est toutefois un droit. Je m’en suis prévalu. Il est malheureux que le tout ait été «échappé».
Le retour à «la grande noirceur» et au diktat de l’Église catholique», c’est gros comme procès d’intention. Prenons le temps de respirer par le nez. Ma préoccupation a des visées beaucoup moins sournoises. Depuis le fatidique 2 mai dernier, le mouvement souverainiste est en état de crise. Les raisons de la débâcle sont multiples et prennent racines assez loin dans le temps. Il faut faire un retour sur la puissante et ingénieuse offensive médiatique et identitaire menée par l’adversaire depuis le référendum de 1995 pour se saisir de la réalité. Il y a aussi bien d’autres facteurs que plusieurs contributions à Vigile ont bien cernés et sur lesquels je ne veux pas revenir ici. Mais ce qui apparaît également dramatique, c’est l’état actuel du front souverainiste. O combien il est fragmenté pour affronter un adversaire qui, lui, sait faire preuve de retenue et de cohésion quand il s’agit de l’enjeu de l’unité canadienne.
Face à un tel état de choses quelle attitude peut adopter un intervenant aussi stratégique que Vigile? Tenter de favoriser un climat de non-agression mutuelle ou bien cultiver encore davantage les antagonismes? La réponse m’apparaît évidente. Au fil des ans, Vigile s’est avéré un outil d’information et de communication de premier plan pour le camp souverainiste. À l’origine, comme son nom l’exprime d’ailleurs très adéquatement, il a su exercer une veille constante de l’activité politique. Cette veille a permis d’outiller les militants souverainistes dans leur combat sur le terrain. On y trouvait même, si ma mémoire est fidèle, des informations régionales. Le volet analyse qui s’est par la suite renforcé autour de cette mission fondamentale de veille politique s’est avéré tout autant profitable. Vigile a permis que soient publiées des analyses de haut calibre sur la situation politique et la conjoncture économique du Québec, analyses qui n’auraient jamais pu être publiées ailleurs.
Au cours de la dernière année, les choses se sont malheureusement gâtées au chapitre de la Tribune. Je ne suis pas le seul à en faire le constat. Et je pense que cela n’augure rien de très bon pour l’avenir du site, un outil qui appartient un peu à tous ceux et celles qui, au cours des années, y ont apporté un formidable soutien financier.
Cette brève note que j’avais adressée à la direction, n’était rien d’autre qu’une invitation à regarder comment on pourrait se saisir de la situation. J’ai avancé une ou deux hypothèses peut-être gauchement formulées dans l’empressement, mais c’était pour considération dans le cadre d’une réflexion plus approfondie. Une réflexion qui m’apparaît comme étant absolument incontournable.
Pierre-Paul Sénéchal