Où est le problème?

L'intégration, assise de l'interculturalisme propre au Québec, a livré ses fruits

Accommodements - Commission Bouchard-Taylor

Le ton est donné. S'il faut se fier au premier forum national de la commission Bouchard-Taylor, qui avait lieu vendredi à l'École d'été de l'Institut du Nouveau Monde, les débats ne seront pas hauts en couleur, mais leur niveau sera élevé. Les enfants de la loi 101 s'accommodent bien des accommodements raisonnables. Faut-il s'en étonner?

Gérard Bouchard et Charles Taylor, coprésidents de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, craignaient les dérapages et redoutaient les coups bas. Pour inaugurer leur consultation publique, ils ont plutôt eu droit à des échanges courtois et intelligents, traduisant une ouverture à la diversité et un esprit critique aiguisé. Les deux hommes étaient ravis.
Après avoir entendu les 18-35 ans débattre d'accommodements raisonnables, de laïcité et de cohésion sociale, M. Bouchard s'est dit «émerveillé». M. Taylor a confié que ce premier forum citoyen avait «fait monter son niveau d'optimisme de plusieurs crans».
Il est vrai qu'un avant-midi écoulé en compagnie des participants avait de quoi rassurer le plus inquiet des commissaires. Sur un terrain aussi friable que l'identité québécoise, cette génération se tient solidement. Elle sait dans quelle complexe mosaïque sociale elle baigne. Elle ne perçoit pas la différence comme une menace. «On a l'impression que le problème des accommodements raisonnables pour eux n'est pas si fondamental, et qu'ils sont prêts à passer à autre chose», confiait Gérard Bouchard au terme de l'exercice.
Vendredi, en effet, les jeunes appelaient à une identité qui s'articulerait davantage autour des ressemblances que des oppositions. À les entendre, il serait possible de rallier toute une population autour de valeurs communes, peu importe l'héritage religieux ou culturel que l'on porte dans son baluchon.
Invités à se prononcer sur de réelles situations d'accommodements raisonnables, les participants ont rejeté sans ambages l'idée de réaménager les horaires des piscines en fonction du sexe des clients, de manière à respecter les croyances religieuses. Avec la même assurance, ils ont accueilli l'idée de respecter des interdictions alimentaires dans les cafétérias d'hôpitaux, en accord avec la religion de certains groupes.
Ils ont débattu calmement, exprimant avec respect des divergences d'opinion. Avec sagesse et franchise, ils ont aussi exprimé -- avec raison! -- un malaise devant le sondage éclair mené par les organisateurs au cours de la consultation. Comment cocher oui ou non devant l'affirmation «Les pratiques d'accommodement peuvent nuire à la cohésion sociale» lorsque la Commission elle-même a posé comme prémisses à ses travaux que rien n'était à trancher au couteau dans les méandres de ce questionnement?
Il n'y a rien de bien étonnant à leur maturité politique et culturelle, qui éblouit spontanément. Ces jeunes sont issus de la loi 101: à l'école, ils ont côtoyé l'Algérie et le Liban. Pour cette audience singulière, qui semblait majoritairement venue de Montréal, la diversité culturelle ne rime pas avec une définition inscrite dans le glossaire d'un document de consultation. Elle correspond au quotidien de la rue.
L'intégration, assise de l'interculturalisme propre au Québec, a livré ses fruits. Tant pour les Québécois d'origine canadienne-française que pour les Québécois issus de l'immigration, ce vivre-ensemble leur permet de tracer d'une poigne assurée la ligne entre culture et religion.
Pour l'avenir du Québec, il est vrai que ce premier contact n'a rien d'alarmant. Si ce petit groupe est le miroir d'une génération, il renvoie un reflet agréable, qui ne correspond pas à l'icône malingre que l'on a dépeinte au moment de justifier la tenue de cette consultation élargie. Hélas, trois fois hélas! Il faudrait être naïf pour croire que ce clan sélect est représentatif de ce que seront les audiences de la Commission. MM. Bouchard et Taylor ne conserveront peut-être pas longtemps leur air ébahi.


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