George qui ?

Ottawa réécrit l'histoire pour cacher le vrai « Père » de la Confédération

Quand l'impératif du contrôle de la narration politique l'emporte sur la vérité historique

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Ce suprématiste anglo-saxon anti-français n'est tout simplement pas montrable !

Note liminaire de l'auteur

Cet article avait originellement été écrit avec l'idée de l'offrir au Devoir. Mon intention était de susciter une interrogation sur George Brown, cet acteur majeur du jeu politique qui avait conduit au « Pacte de 1867 ». J'ai donc offert mon texte au Devoir, sans recevoir de réponse.

Par pure curiosité, je l'ai aussi envoyé à La Presse, mais je n'ai eu aucune surprise de ce côté.

Le 13 avril dernier, le chroniqueur Andrew Coyne, du National Post, a tenté de percer le mur du silence qui pèse sur ce père caché. Il s'est questionné à savoir pourquoi un personnage d'une telle importance a été tenu si fermement à l'écart, sur la face cachée de l'histoire.

Plus encore, l'affligeante série « The story of us », décriée de toutes parts y compris au Canada anglais, qui ne cesse de faire l'éloge des oubliés et des inconnus, n'a pas
encore dit un mot sur notre méprisé de l'histoire.

Pour ma part, j'ai déjà abordé ce personnage dans quelques uns de mes articles déjà parus sur Vigile, et je le ferai dans quelques uns de mes douze prochains articles sur la Confédération à paraître sur ce site.

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Bien qu’elle soit née d’un coup de force il y a 150 ans, la Confédération a pu se maintenir, et se construire une réputation, grâce à la ténacité du pouvoir en place à entretenir dans les esprits des mythes et des légendes sur l’époque – glorieuse ! – de ses origines.

Cette année, avec un budget estimé à un demi- milliard $, la campagne de publicité de Patrimoine Canada met plus que jamais l’accent sur John A. Macdonald – son héros contrefait et « washingtonisé » – présenté comme le père et principal artisan de la Confédération.

Avec un tel budget pour la publicité, les autorités fédérales vont plus que jamais chercher à subjuguer les esprits et à exalter la fierté des Canadiens sur les origines – fort mal connues d’ailleurs – du « plusse meilleur pays du monde ». Il faut en effet beaucoup d'argent pour établir la noblesse des origines du Canada et la légitimité de son existence, et il n'est même pas sûr que l'argent suffise.

Précisons tout d’abord qu’il y a une différence entre un mythe et une légende. Un mythe est davantage un récit populaire, ou popularisé, qui met en scène des personnages d’exception à l’origine d’événements remarquables, alors qu’une légende est une histoire délibérément déformée ou embellie par le régime en place pour justifier son existence à l’aide d’un passé qui le met en valeur, ou d’une idéologie qui le rend indispensable.

En ce qui concerne le John A. Macdonald de la propagande fédérale, s’il est vrai qu’il a été l’un des Pères de la Confédération, il n’en a toutefois pas été l’instigateur ni le principal artisan. Plus encore, il n’a donné naissance à aucune nation et n’a fondé aucun pays.

Si la propagande fédérale insiste tant pour faire de ce soûlon sympathique le plus grand héros de la Confédération et le fondateur du Canada moderne, c’est d’abord et avant tout pour détourner l’attention de la population d’un autre personnage – d’une sobriété redoutable celui-là – qui a forcé et dominé les évènements, qui a joué un rôle éminent et déterminant dans la naissance de la Confédération.

Ce premier et véritable héros de la Confédération, son concepteur, instigateur et maître d’oeuvre, le seul qui peut en revendiquer la paternité ainsi que le titre de fondateur du Canada moderne, c’est George Brown. Le rôle que ce personnage a joué pour la Confédération et le Canada moderne a été tout aussi prépondérant et remarquable que celui de George Washington pour l’indépendance américaine.

Si George Brown n’avait préparé le terrain, provoqué les évènements et posé les gestes décisifs au bon moment, il n’y aurait pas eu de Confédération en 1867, alors que si John A. Macdonald n’avait rien fait, ou même s’il n’avait pas existé, la Confédération aurait eu lieu quand même.

Bref, George Brown a été la « cause efficiente » d’un enchaînement d’évènements qui ont conduit à la Confédération, alors que Macdonald ne s’était joint au projet qu’à contrecoeur. C'est donc à Brown que les autorités fédérales devraient, en toute justice, reconnaître la paternité du Canada et rendre les plus grands honneurs.

Mais le devoir de rendre justice ne semble toutefois pas la plus belle vertu du Canada et des Canadiens. Ainsi, à Ottawa même, pas un édifice ! pas une bibliothèque ! pas un parc ! pas une rue ! pas une ruelle ! ne commémore le nom de George Brown.

Dans le Canada tout entier – à l’exception du Collège George-Brown fondé en 1961 et d’une statue n’affichant que distraitement le patronyme « Brown » –, c’est partout la même indécence à l’endroit de la mémoire de l’architecte de la Confédération et du Canada moderne. Bref, la première gloire du Canada tout entier est tenue résolument cachée, traitée comme un paria de l’Histoire.

Au États-Unis, la mémoire du premier architecte de l’indépendance a été honorée de toutes les façons possibles. Les noms d’édifices et de lieux se dénombrent par dizaines de milliers. Dans nombre de pays autour du monde, le nom de George Washington a également été honoré. Mais au Canada, la population doit souffrir l’occultation du nom de son premier héros national. Pourquoi tant d’énergie à cacher celui dont tout le monde devrait être fier au suprême degré ?

Êtes-vous curieux d’en savoir un peu plus sur celui qui a été le bâtisseur du plus beau pays du monde ? Eh bien, empressez-vous de poser la question à Justin Trudeau ou à Mélanie Joly ! Ils viennent tout juste de recevoir un demi- milliard $ pour nous dire toute la vérité sur les origines de la Confédération. Le simple bon sens nous dit qu’il est absurde de dépenser tant d’argent à cacher la mémoire d’un géant que tous les Canadiens devraient porter aux nues.

Christian Néron
Membre du Barreau du Québec
Constitutionnaliste,
Historien du droit et des institutions.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 avril 2017

    Dans ce texte, Me Néron se demande pourquoi tant d'importance accordée à John A. Macdonald et si peu George Brown ? Pour attirer l'attention, il va jusqu'à comparer Brown à Washington, question d'enquiquiner les historiens du Canada autant pour leur négligence que pour leur préférence.
    Je ne vois pas les choses ainsi.
    Brown, s'il a conçu une révision de l'Union, fut invité par le gouverneur général Monck, qui devint son ami, de la faire valoir au sein du gouvernement d'Union après s'être associé au parti de Macdonald. C'est ce qu'il fit, ce qui lui permit d'obtenir l'aval de Georges-Étienne Cartier, le chef des bleus du Bas-Canada.
    Leur association au sein du gouvernement d'Union, réussie grâce au soutien de Monck à Brown, devait, selon Monck, intégrer les Maritimes, aussi les territoires à l'ouest du Haut-Canada de l'avis de Brown, question de fonder une structure coloniale viable économiquement différente de celle, non-coloniale, des États-Unis. Au demeurant, une structure économico-politique qui contrebalancerait les effets de l'abandon du Traité de réciprocité par les États-Unis à la suite des appuis de la Grande-Bretagne et de dirigeants coloniaux de l'Union, du Nouveau-Brusnwick et de la Nouvelle-Écosse, aux sudistes en guerre contre les États-Unis de Lincoln.
    Peu après les conférences de Charlottetown et de Québec, Brown convainquit les dirigeants britanniques de l'intégration des territoires à l'ouest de la section-ouest de l'Union. Il apprit aussi qu'il était important, pour la Grnde-Bretagne, qu'il ait l'aval des élus de la section-est à l'aide d'un décompte des votes de ces derniers au sein du gouvernement d'Union, une approche qui lui valut la bénédiction de Georges-Étienne Cartier.
    Ces précisions faites, revenons à la question de Me Néron. Pourquoi Macdonald plutôt que Brown pour Père chéri du Dominion of Canada ?
    Brown n'avait pas d'atome crochu avec les bleus de Cartier alors que Macdonald s'en accommodait. En faire le Père des pères fondateurs pouvait vexer ces derniers, surtout le clergé catholique du Bas-Canada dont il avait critiqué la main-mise sur les choix politiques des bleus. Mieux valait miser sur Macdonald, qui avait su composer avec ces bleus, question de ne pas soulever de vagues dans l'ex-section-est de l'Union devenue la Province de Québec en 1867.
    Il y a plus. Comme Brown fut piloté par le gouverneur général Monck, l'image des pères fondateurs risquait d'être ridiculisée à la faveur du vrai paternel que fut la Grande-Bretagne via son gouverneur général Monck, membre de l'élite irlandaise à la tête des colonies d'Amérique du nord et des gouverneurs de ses diverses colonies.
    Me Néron néglige ce point, fondamental à mes yeux, en cherchant à faire de Brown le Washington du Canada.
    Washington n'aurait pas été le Père des États-Unis sans l'appui des délégués des colonies de la Nouvelle-Angleterre, de la France à la bataille décisive de Yorktown (1781), de « canayens » ayant rejoint les Patriots américains venus chasser les Britanniques de la Province of Quebec et demeurés au sein de l'armée américaine mais aussi de noirs américains qui se sont joints aux soldats de Washington.
    Parallèlement, Brown n'aurait pas joué le rôle qui fut le sien sans l'appui de Monck et de la Grande-Bretagne, ce que les historiens du Canada, désireux d'inventer un Père des pères du Dominion of Canada, ne pouvaient reconnaître car, le faisant, ils auraient miné le mythe qu'ils se sont investis à créer.
    Aussi ont-il élevé un soulon qui détourna des fonds, investit ses associés à faire élire des promoteurs du projet de Dominion au Nouveau-Brunswick, chargea les Métis et fit pendre Louis Riel, des faits connus, au titre de Père des pères. Voilà qui en dit long sur les historiens canadiens, ce que révèle « The Story of us ».
    En guise de complément, je me permets de rappeler que le Canada n'est pas né pays en 1867. Le fut seulement un dominion colonial dénommé Dominion of Canada par la Grande-Bretagne. Ce n'est qu'en 1931 que ce Dominion fut reconnu pays souverain par la Grande-Bretagne, douze ans après que les représentants de ce Dominion aient signé le Traité de Versailles de 1919 à la demande expresse des représentants des États-Unis.
    Par cette demande, les Américains réitérèrent leur reconnaissance de ce Dominion contenue dans le Traité de Washington de 1871 entre les États-unis et la Grande-Bretagne, année aussi marquée par le retrait des troupes britanniques de ce Dominion à l'exception d'une base navale à Halifax.
    De cette histoire, il ressort que les dirigeants américains, qui connaissaient le rôle de la Grande-Bretagne dans la naissance du Dominion of Canada, se sont appliqués à enlever à la Grande-Bretagne toute autorité militaire sur leur nouvelle colonie, faisant d'elle leur allié politique quasiment à leur merci, ce qu'est devenu par la suite le Canada après la Première Guerre mondiale.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 avril 2017

    J'ai eu pendant plusieurs années un ami psychiatre qui avait pour prénom et nom George-Étienne Cartier.
    (Les prénoms des enfants sont souvent ceux des ancêtres.)
    Cet ami est maintenant décédé et ne peut corroborer ce que je dis.
    Son message était clair : le prétendu père de la Confédération avait trahi.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 avril 2017

    Que penser du rôle de Cartier dans ce feuilleton?
    En 1840, quoique le Bas-Canada était bien plus peuplé que le Haut-Canada, l'Acte d'Union donnait aux deux communautés la même représentativité au Gouvernement. Ce que le bas-Canada réclamait depuis bien avant 1837, c'était un gouvernement responsable, par et pour les canadiens (la communauté francophone). Nos élites du temps, ont accepté de laisser tomber cette revendication en échange d'une garantie de proportionnalité. C'était le principe des deux peuples fondateurs
    En 1867, la population du Haut-Canada était devenue bien supérieure à celle du Bas-Canada. Cela irritait au plus haut point George Brown, qui réclamait maintenant une représentativité au parlement proportionnelle à la population.
    Cartier a accepté d'abandonner l'avantage que nous conférait l'Acte d'Union pour appuyer le projet de George Brown, et consacrer la minorisation de la communauté francophone dans ce Canada uni. Évidemment, un référendum sur une telle réforme constitutionnelle était hors de question. On s'est donc entendu entre "gentlemen"
    Comment ne pas penser que Cartier a été littéralement acheter par George Brown, qui en avait bien les moyens d'ailleurs?

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    21 avril 2017

    Complément d'informations confirmant le rôle primordial joué par George Brown dans le Pacte de 1867 :

    Dictionnaire biographique du Canada
    ...
    Pourtant, c’est cette affirmation qui permit de trouver une issue lorsque, le jour même où parut ce rapport, le gouvernement Macdonald-Taché tomba. Brown sut immédiatement mettre à profit cette nouvelle crise ; il fit savoir aux chefs conservateurs qu’il était prêt à leur accorder son appui, comme à tout autre ministère, s’ils étaient décidés à prendre les mesures voulues pour résoudre la question constitutionnelle. Ils étaient maintenant prêts à l’écouter. Le 17 juin, John A. Macdonald et Alexander Galt*, un des principaux partisans d’une fédération de l’Amérique du Nord britannique, eurent un entretien avec Brown dans sa chambre de l’hôtel Saint-Louis. Cartier se joignit un peu plus tard à la discussion. On en arriva bientôt à la conclusion que la seule solution était « le principe d’une fédération, suggéré dans le rapport du comité de M. Brown », et qu’il faudrait commencer par pressentir les provinces de l’Atlantique, pour tenter d’arriver à une union générale de l’Amérique britannique. Brown avait bien envisagé cette vaste union comme but final, mais il estimait que les recommandations faites plus tôt à ce sujet par les conservateurs étaient prématurées, et ne servaient qu’à détourner l’attention du public afin d’éviter d’avoir à prendre des mesures sur les problèmes constitutionnels internes du Canada. Mais, puisque les conservateurs avaient maintenant accepté l’idée de constituer en fédération l’union canadienne, il ne voyait qu’avantages à y inclure les autres colonies si c’était possible. Il accepta, mais à contrecœur, de faire partie du gouvernement avec deux partisans réformistes. La nouvelle coalition, formée dans le but de créer une confédération, jouirait d’un pouvoir remarquable au parlement, puisqu’elle aurait l’appui des Grits de Brown, qui avaient la majorité dans le Haut-Canada, et celui des bleus de Cartier, qui avaient la majorité dans le Bas-Canada. On était enfin sorti de l’impasse. George Brown avait été l’instigateur des pourparlers et du mouvement en faveur d’une forme d’union totalement nouvelle.

    ...
    En octobre eut lieu la conférence de Québec, qui réunit un plus grand nombre de délégués, afin de mettre au point la Confédération dans tous les détails. Là encore, Brown joua un rôle primordial au cours de cette assemblée d’une importance toute particulière ; il était, après tout, le plus éminent représentant des intérêts provinciaux les plus puissants : ceux de la future province d’Ontario.
    ...
    Et il voulait que les autorités provinciales jouent un rôle simple et apolitique, puisque leur juridiction s’exercerait sur des sujets « insignifiants ». Brown estimait qu’établir la représentation basée sur la population au gouvernement central (autre proposition qu’il soumit) suffirait à donner au Haut-Canada la voix qui lui revenait sur les sujets d’intérêt national importants et que les régimes provinciaux s’occuperaient des questions régionales, qui divisaient la population mais étaient essentiellement locales, en dehors des hautes sphères de la politique. C’était là une vision confuse, mais du moins cela trahissait-il d’excellentes intentions de la part d’un homme politique « régional » devenu homme d’état de la Confédération.

    ....
    Après la clôture de la conférence, Brown fut l’un des premiers à présenter au peuple canadien le projet véritable de confédération tel qu’il est contenu dans les 72 Résolutions de Québec. Dans son cas, ce fut par le truchement d’un important discours qu’il prononça à Toronto le 3 novembre. Un peu plus tard, il s’embarqua pour l’Angleterre. On l’avait choisi pour entamer les pourparlers relatifs à la Confédération avec le gouvernement impérial, et pour traiter du transfert des terres du Nord-Ouest, qu’exploitait la Hudson’s Bay Company, afin de les intégrer dans ce grand projet de confédération. Au cours du mois de décembre, il traita de ces questions avec le gouvernement britannique et avec les chefs de l’opposition, à Londres. On discuta également de la défense de l’Amérique du Nord britannique, question rendue pressante par le raidissement des rapports avec les États-Unis, consécutif à la guerre de Sécession qui allait bientôt se terminer par victoire du Nord. Il revint au début de 1865, assuré de l’approbation britannique au projet de confédération, plein d’espoir au sujet du transfert des terres du Nord-Ouest, mais inquiet devant la façon dont l’Angleterre semblait toute prête à laisser des colonies encore faibles « se débrouiller » en face de la menace possible des États-Unis.
    ...
    Pendant son séjour en Angleterre, Brown avait pris une part active à l’élaboration des solutions à ces problèmes si importants pour le mouvement de la Confédération. L’essentiel, maintenant, était de s’assurer de nouveau de l’appui des provinces maritimes et, là encore, après le retour de la mission au Canada, Brown eut un rôle décisif à jouer.
    ....
    . On se souvient par-dessus tout de la réussite de Brown dans le domaine du journalisme et du rôle qu’il joua au sein du parti libéral et dans l’avènement de la Confédération. Lord Monck*, qui était gouverneur général à l’époque de la Confédération, l’avait appelé « l’homme qui, en 1864, avait rendu possible le projet de confédération ».

    http://www.biographi.ca/fr/bio/brown_george_10F.html