L’annonce a été soudaine. Comme un secret bien gardé qu’on révèle tout à coup. Ce qui choque le plus, en même temps, est la réponse froide, mesquine, et complètement irresponsable des Conservateurs qui, ce matin même, et en bout de ligne, ont décidé qu'ils s'entêteront à mettre la tête dans le sable. Au diable, en même temps, pour ce qui est de l'avenir des Chantiers de la Davie, en banlieue sud de Québec.
Aux nouvelles du souper, hier, une surprise attendait les ouvriers des Chantiers Davie. Il n’y a vraiment rien de garanti pour l’ouvrier dans une société fondée sur la compétition acharnée. Tous les jours, apparaissent des nécessités de la vie pour lesquelles le combat est requis. Même pour vivre de son travail, on est parfois obligé de se battre. Aussi bien le faire collectivement. Ou mieux, en cherchant l’appui unitaire de toute la classe. Ou encore avec la solidarité de ceux ou celles qui ne se défilent pas devant le combat national.
Et puis, ce matin, le couperet tombait. Une fois encore. Une fois de plus, les ouvriers de la Davie se retrouvent finalement avec rien. Ou presque.
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La compagnie, à la tête des Chantiers Davie, avait pourtant fait ses devoirs et paraissait être bien préparée. Pour une fois, les " boss " semblaient avoir fait une bonne " job ". Pendant une courte période, l'espoir pouvait paraître à porter de main.
La veille, les propriétaires avaient en effet annoncé qu’ils étaient prêts à prendre la relève des chantiers de l’ouest, dans le contrat du fameux brise-glace polaire, qu’on appelait le Polar Sea, et qui sera le plus gros bateau jamais construit au Canada; il serait destiné à l’Arctique.
Les Conservateurs avaient tranché en accordant, il y a de cela déjà quelques années, le contrat aux chantiers de Colombie-Britannique et d'Halifax. Pressions électorales obligent. Sous la couverture de la nécessité des appels d’offres, on avait du même coup exclus le plus grand chantier du Canada, situé de surcroît au Québec . Soit celui de la Davie.
Entre temps, les ressources immenses en main-d’œuvre et en technologies d’avant-garde des Chantiers Davie végètent sur de petits contrats. Plutôt que de se résigner à perdre du temps sur de tels contrats, les propriétaires avait lancé leur surprenante manœuvre de relations publiques hier, créant un espoir nouveau chez les ouvriers de Lévis.
Mais c'est maintenant peine perdue, puisqu'on qu'on vient d'apprendre, de la bouche de la ministre des Travaux Publics et des Services Gouvernementaux, madame Diane Finley, que la décision d'écarter les chantiers de la Davie était et demeurera irrévocable.
Après des années de luttes pour tenter de préserver l'avenir de ces chantiers, c'est une fois de plus un retour plutôt amer vers la case départ. Comme si cette bataille ne devait jamais prendre fin.
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On aurait beau essayer, encore et encore, de mettre au défi les Conservateurs, que cela ne changerait sans doute rien. C'est comme si toutes les cartes étaient pipées du côté d'Ottawa. En surplus de tous les aléas causés par la mondialisation, une telle attitude, de la part du Fédéral, n'a évidemment rien pour faciliter les choses.
Ces mêmes Conservateurs ont beau voir leurs propres plans s’effondrer sous le poids des limites technologiques des autres chantiers canadiens, mais ils ne reviendront pas sur leur décision. Pas question donc de ramener ici, à Lévis, le gros brise-glace qui poireauterait, entre temps, dans les cales sèches de l'Ouest. Quitte à ce que cela fasse doubler les coûts initialement prévus et que cela rajoute des années de plus aux échéanciers. Pas grave, de dire maintenant nos politiciens à Ottawa.
Autre constat tout aussi éclairant; je me réfère ici au relatif silence du NPD dans cette affaire, eux qui sont normalement si prompts à monter aux créneaux, surtout quand cela peut leur permettre de marquer des points contre les Conservateurs. Mais non. Pas un mot. Tout au moins jusqu'ici.
Les propriétaires des chantiers de la Davie s'étaient pourtant engagés à produire le navire aux coûts prévus au départ, ainsi que dans les délais planifiés, quitte à absorber les frais de tout retard ou dépassement de coûts éventuels. L'offre aurait pu faire sauver des centaines de millions de dollars à Ottawa. Mais c'était peine perdue. Quand on fait face aux Conservateurs de Stephen Harper, il y a parfois des choses que même la raison ne saurait ... comprendre.
Le projet de la compagnie, propriétaire des chantiers de la Davie, ne semblait pourtant pas improvisé. Elle avait même, selon les révélations de Radio-Canada, ouvert un bureau à Ottawa, sans doute destiné aux relations publiques. Le plan de communication avait l’air tout autant sérieux. Mais tout cela n'aurait finalement pesé que bien peu dans la balance.
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Tout aussi éclairant est cet autre silence en provenance du gouvernement libéral de Philippe Couillard. Lui qui disait être d'abord et avant tout préoccupé par les " vraies affaires ". Entendre par là, les questions d'emplois. Bien sûr ...
Du côté des forces souverainistes et syndicales, on devrait, en réaction à ce qui vient de se passer, être capable de déployer notre propre plan, en toute indépendance, fort de notre propre expérience, ainsi que de nos facultés à mettre en action nos propres ressources pour faire valoir les intérêts du Québec ainsi que de ses salariés.
Québec solidaire, mais aussi le PQ, ainsi que le Bloc Québécois, devraient tous prendre position.
Mieux que bien d'autres exemples, ce qui vient de se passer avec ce dossier du futur brise-glace Diefenbaker, illustre on ne peut mieux le fait que le Canada continue encore d'être une voie de cul de sac pour le Québec. Cela montre une fois de plus toute l'urgence qu'il y aurait à relancer le combat pour l'indépendance du Québec.
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Faudrait-il voir dans l'entêtement des Conservateurs une incapacité quasi-maladive de faire la moindre autocritique ? Faudrait-il y voir une fois de plus ce que d'autres appellent le " braquage idéologique " des Conservateurs ? Quoiqu'il en soit, c'est tout le Québec qui devrait se soulever comme un seul homme devant un tel refus d'appliquer ne serait-ce que le gros bon sens.
Rarement aura-t-on vu, en même temps, pareille obstination devant le peu de perspective pour « sauver de l’argent aux contribuables » qui est pourtant une marotte de l’idéologie des Conservateurs ?
Le rapatriement à Lévis de ce brise-glace aurait pu remettre tout Lévis au travail. De quoi faire prospérer du même coup toute une ville qui était déjà au 8e rang du Québec, de part sa taille, mais qui peine toujours autant à offrir des perspectives plus intéressantes, en matière d'emploi, à sa population.
Devrons-nous nous en même temps nous résigner à considérer encore une fois le Canada et ses institutions politiques comme les plus inaptes à satisfaire les intérêts et les besoins des Québécois ? Et surtout de ses travailleurs salariés ?
On nous réduit au statut de « porteurs d’eau » avec des projets comme celui des pipelines de Trans-Canada Pipeline, mais on se refuse en même temps à mettre à la disposition des Québécois salariés les moyens de rendre plus productifs des équipements industriels que même les adversaires soumissionnaires des Chantiers Davie admettaient être les plus appropriés afin de réaliser la construction d’une réussite technologique majeure de l’industrie navale québécoise. Cherchez l'erreur.
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Le Parti communiste du Québec (PCQ) s’engage, pour sa part, à consacrer ses ressources et ses moyens modestes au suivi de ce dossier éminemment important pour tout le Québec.
Nous le ferons, non pas, comme le penseraient déjà quelques-uns, dans le seul but de défendre les intérêts " corporatifs " des ouvriers du Chantier, ce qui serait déjà quelque chose d'important, cela dit. Nous le ferons aussi parce que ce dossier déborde très largement, de par ses impacts, la seule région de Lévis, et concerne finalement l'ensemble du Québec.
Si nous relevons ce défi, c’est aussi pour mettre en contradiction le discours fédéraliste et de droite, qui consiste trop souvent à dénigrer le Québec, et qui voudraient en même temps que devenions tout à la fois d’éternels assistés-sociaux, au sein de leur " plus beau et grand pays ", mais aussi que nous devenions des gens soumis. Cela, nous ne le serons jamais.
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8 commentaires
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
6 juin 2014M. Jacques Bergeron,
"Étouffer le Québec", c'est le coeur de votre commentaire. Et c'est tellement capital, qu'il vous faut le développer et en faire un billet par lui-même: si percutant que l'équipe éditoriale de Vigile le mettra en exergue des Actualités.
En n'oubliant pas de faire ressortir la perversité de Harper dans ses subtiles coupures de la Recherche scientifique. Et pas n'importe quelle Recherche, mais celle touchant l'environnement du St-Laurent! Quelle perversion, préméditation là-dedans? C'est évidemment pour "clairer" la voie aux innombrables déversions de pétrole sale qu'il prévoit par les fuites de pipelines, bien sûr, mais surtout par les accidents maritimes qui surviendront dans ces convois de tankers méga-post-panamax qui viendront s'emplir de "bitumineux" à Cacouna pour l'exportation jusqu'en Asie, par la voie du nouveau canal de Panama.
Ce Canada impérialiste plaide déjà que le Québec n'a aucune juridiction sur la construction de ce port en plein parc marin de l'estuaire du St-Laurent. Et le mensonge pour museler nos gouvernements "provinciaux", c'est de prétendre que ces oléoducs viennent desservir les raffineries de Montréal (désormais presque éliminées à l'avance). Pour nous ridiculiser aussi, on nous traite de complotistes... Facile puisqu'il n'y a pas de médias libres pour crier les injustices des investissements fédéraux (de notre argent) qui sont honteusement écartés de notre territoire. Brise-glace, ponts, aéroports, transport ferroviaire, voie maritime, Postes, douanes...
Le Québec faisait cavalier seul (à part les Premières Nations) pour dénoncer les gaz à effet de serre de cette industrie du dix-neuvième siècle et la réponse qu'on nous a concoctée: Passer de bord en bord, gratis, sur Notre terre distincte avec le tuyau pour venir éclabousser nos eaux que nous pourrions sauver qu'en créant un droit de passage quand nous nous serons levés de debout: "On ne passe pas!"
Jacques Bergeron Répondre
4 juin 2014Après avoir dépossédé le Québec de ses outils économiques, (deux bourses accompagnées de sièges sociaux) et industriels par la canalisation du Saint-Laurent qui a vu les industries de Montréal se diriger hors Québec, pour la plupart au profit de Toronto et de l'Ontario et du Canada, Harper et consorts prennent tous les moyens à leur disposition pour étouffer le Québec. Si on ajoute les 125 milliards «$» ( 5 milliards X 20 ans + les intérêts)dus au Québec par l'abandon d'une partie de sa participation dans le financement de l'assurance maladie on comprendra que les fédéralistes veulent étouffer le Québec de toutes les façons, comme celle de refuser d'accorder à Lévis un contrat pour la construction d'un brise-glace et cette autre pour la construction de bateaux dont le contrat fut accordé à une société des Maritimes. Si nous souhaitons obtenir justice il n'y a qu'un seul moyen, c'est de se donner un pays indépendant de langue française; mais on doit agir rapidement si nous ne voulons pas être noyés dans un tout anglophone par l'assimilation de ces 50,000 immigrants/année à l'anglais. Nous devons agir rapidement si nous ne voulons pas qu'un jour on dise; que des descendants de France ont habité ce pays mais qu'ils sont disparus sans laisser de traces de leur passage sur cette terre du Canada et d'Amérique devenue inhospitalière pour le Français et les autres langues qu'on y parlait jadis!
Jean-Jacques Nantel Répondre
2 juin 2014Les plus récentes manoeuvres du Canada anglais pour affaiblir l'économie du Québec sont la mise au chômage des ouvriers de la Davie, auxquels on refuse tout contrat fédéral, le récent refus d'Air Canada d'acheter des avions de la C-série de Bombardier et la décision fédérale de faire payer aux Québécois la totalité du coût du nouveau pont Champlain par voie de péages (alors que 90% des coûts proviennent du fait que des bateaux ontariens passent gratuitement sous le pont).
Avec l'apparente déroute du mouvement souverainiste, nos fédéralistes n'ont plus leur traditionnel outil de chantage pour obtenir des bonbons d'Ottawa. Cette bande de pleutres va couler avec nous!
Je ne sais pas pour vous mais moi, je trouve ça plutôt consolant!
François Ricard Répondre
1 juin 2014À Québec, notre capitale provinciale, la population ne se déplace pas pour des emplois. Rien que pour un club de hockey. Là, 50 000 personnes prennent la rue pour obtenir que des joueurs venant de l'étranger viennent faire fortune à Québec.
Une capitale provinciale....
Archives de Vigile Répondre
1 juin 2014Je me dois de poser une question :
Comment déménage-t-on une carcasse gigantesque de brise-glace d'un océan à l'autre quand celle-ci ne peut prendre la mer ?
Aussi, je m'interroge sur les activités réelles de relations publiques de la Davie. Je crains que ce soit essentiellement des opérations de corruption des mandarins fédéraux pour faire changer une décision politique d'un "non" ferme à un "peut-être bien".
Le sort des ouvriers de la Davie qui chôment ou qui vivotent sur les petits contrats est affligeant, mais ce n'est pas la solidarité de classe qui compte ici. On doit parler de solidarité nationale. Pour le NPD, ce sont des emplois déménagés en Colombie-Britannique, où le NPD a des fiefs et un historique de régime provincial NPD. En termes d'emplois, c'est équivalent, donc pas de problèmes de conscience pour le NPD.
C'est affligeant de voir Ottawa s'attaquer à l'expertise de construction navale au Québec, laquelle pourrait nous servir une fois indépendants. Je suppose que c'est de bonne guerre pour Ottawa de se retirer d'une dépendance envers le Québec en la développant ailleurs, tout en réduisant le flux de capitaux au Québec.
Il faut savoir que les chantiers maritimes Davie de Lauzon furent acquis par Canada Steamship Line en 1937, pour équiper la flotte des Grands Lacs. Elles ont profité de la Deuxième Guerre Mondiale avec la construction de 35 vaisseaux de guerre. Il faut dire que le Québec était la base du régime Libéral de Mackenzie-King, en opposition à celui de Bennett (Ouest du Canada et Maritimes). Power Corporation a acquis la Davie via son acquisition de CSL en 1963.
La famille Simard de Sorel n'était pas en reste durant la Seconde Guerre Mondiale avec ses chantiers de Sorel-Tracy. La famille Simard, c'est le clan de Robert Bourassa. Faut-il s'étonner que les administrations de Marine Industries Limité soient des nids de Libéraux ?
Stephen Harper ne veux pas nourrir l'Adversaire. À voir les manœuvres de relations publiques, je me doute bien d'une cabale médiatique accompagnée d'une campagne pour soudoyer les mandarins. C'est le propre de la culture Libérale, ainsi que de ce milieu des affaires pour les grosses commandes gouvernementales.
Je me rassurerais bien de savoir que Harper ne veuille pas se mouiller dans une autre cabale en refusant d'altérer une décision politique. Il y perdrait la face.
Mais s'il fallait qu'il perde la face, il est libre d'y mettre son prix. Son refus peut n'être que du "red tape" pour forcer les enchères. Après tout, Bennett est son aïeul spirituel.
Les travailleurs de ces chantiers doivent réaliser qu'un Québec indépendant ne pourra pas jouer une région contre l'autre pour développer une industrie navale.
Ce n'est plus à leur avantage de rester Canadiens.
Hugo Girard Répondre
31 mai 2014Sans une réforme radicale du PQ dans ses structures même pour le rapprocher du peuple, du mouvement séparatiste, la dissolution de ce parti trop complaisant sera une excellente nouvelle.
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
31 mai 2014Le Parti Québécois terrassé, souvent reconnu comme un vieux parti aussi corrompu que le PLQ, n'a plus le poids démocratique pour piloter un tel dossier.
Toutes les forces indépendantistes du Québec encore intègres ont le devoir de se réunir en un nouveau parti sans tache de collusion. Cette tâche destinée à remettre au travail ce pays bafoué revient comme une obligation aux générations montantes qui croient en une économie propre à leur nature exclusive de nation d'origine française en Amérique.
Archives de Vigile Répondre
31 mai 2014Si le Fédéral dépensait au Québec la quote-part qui lui revient de droit, en investissement structurant, cela aurait comme effet probable de réduire les paiement de péréquations. Donc réduire notre dépendance économique apparente au système actuel.