Chantiers Davie : Une victoire contre le fédéral

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De l'utilité du Bloc

Alors que les Chantiers Davie ont été délibérément exclus par les Conservateurs fédéraux de la Stratégie de construction navale du Canada, les Libéraux canadiens viennent d'annoncer une «correction des erreurs du passé» en offrant aux Chantiers une espèce d'opportunité de se porter volontaire comme troisième chantier pouvant soumissionner sur la Stratégie canadienne.


Une façon de sauver la face sans admettre que cela reste une annonce, à l'approche des élections, qui ne serait jamais arrivée sans la pression de toute la «classe politique» du Québec. En plus de s'éviter les reproches de l'Ouest de plier devant les revendications du Québec en le reconnaissant.


Reste que c'est une victoire sans contredit du mouvement national québécois, du Bloc, du PQ, de QS et de tous ceux qui se sont associés de près ou de loin à ce mouvement. C'est le Bloc qui a parti le bal directement à la Chambre des Communes sous l'impulsion de Michel Boudrias auquel les Chantiers Davie doivent une fière chandelle.


À la fin, le maire Lehouillier de la Ville de Lévis, le député conservateur Blaney qui a attrapé la balle au bond, Sol Zanetti de QS, le représentant de l'Association des fournisseurs des Chantiers, le délégué du PQ de Lévis pour l'occasion, Yves Garneau, la présidente du Conseil Central de la CSN, Ann Gingras, tous et toutes s'étaient réunis dans un dernier effort pour appuyer la pétition que Boudrias présentait à la Chambre des Communes à notre initiative. Le front uni a fonctionné.


Nous suivons le dossier depuis des années, i.e. après la demande de la compagnie de rapatrier le Diefenbaker de Seaspan qui n'arrivait pas à livrer la marchandise dans les coûts requis et aussi grâce à la recherche initiale de mon camarade André Parizeau sur les monopoles canadiens et américains qui obtenaient les contrats. L'Assemblée nationale unanime s'est alors  prononcée à l'initiative d'Amir Khadir et à notre demande pour le rapatriement. J'étais tout fier d'apporter au syndicat une copie de cette résolution dont Amir m'avait procuré un extrait.


Nous ne pouvons revendiquer à nous seuls toute la mise en place de ce front uni. Tout au plus avons-nous continuellement accompagné les ouvriers dans leurs démarches d'unité la plus large avec le mouvement national. Nous ne pouvons revendiquer la responsabilité unique de la riposte des ouvriers et de leurs alliés, même si nous en avons fait partie d'une manière ou d'une autre, reconnue ou non.


En fait c'est le fédéral qui a provoqué cette riposte. On lui doit d'avoir uni toute la nation derrière l'objectif commun de sortir la Davie de la crise qu'elle traversait. Ainsi nos adversaires politiques ont-ils contribué sans le vouloir, mais en essayant toujours de récupérer le mouvement à leur profit, à nous unir puisque nous avons su quand et comment mettre l'épaule à la roue tous ensemble dans l'unité la plus large. C'est le rôle fondamental des alliances dont les communistes et d'autres font la promotion.


Le travail des ouvriers est sans doute assuré pour quelques années. Ils devront par ailleurs apprendre avec la compagnie à moins compter sur le fédéral qui doit à chaque fois être mis au pied du mur de perdre des comtés au Québec pour céder quoique ce soit. C'est ce que m'a appris un ancien député du Bloc, Paul Crête, à qui je suis redevable de cette leçon politique. C'est une leçon que je ne suis pas près d'oublier comme militant communiste.


L'acharnement de la CSN, particulièrement de sa présidente dans la région, Ann Gingras, que j'ai malheureusement insultée par mon inexpérience, a été de tous les instants aux côtés des ouvriers. Elle a relancé constamment le fédéral avec des communiqués de presse et des lettres ouvertes reprises dans les journaux. Je ne suis pas sûr qu'elle n'ait pas été non plus responsable de la stratégie des ouvriers de harceler Duclos et le Congrès libéral à Québec. Elle était de la visite de Trudeau à Québec. Les ouvriers lui doivent sans doute beaucoup plus qu'il n'y parait.


Le président du syndicat qui a conduit des manifestations indépendantes de la compagnie n'est pas en reste. Resté passif, le résultat n'aurait pas été le même. Il a mené les ouvriers les premiers au front.


Moi-même j'ai toujours eu confiance, même que j'ai appelé à l'indépendance devant la passivité effrayante du fédéral. C'est dire que la menace porte toujours et sans le mouvement indépendantiste du Québec tout entier cette lutte n'aurait pas abouti. Elle se complétait par une confiance tranquille que la justice devait prévaloir. Le fédéral et les Libéraux peuvent bien se gargariser des fruits de notre victoire, nous, nous savons les efforts que nous avons mis à la tâche depuis les premières diffusions à une assemblée de l'aut'journal à Montréal jusqu'au déploiement des drapeaux du PQ, sous l'oeil amusé d'un ami anarchiste, à la grande manifestation de Lévis où tous ont pris la parole pour revendiquer des contrats et du travail devant une assemblée de citoyens et d'ouvriers. C'est là que le PQ de Lévis, sa présidente, Andrée Sylvain, et ses membres réunis ont fait connaître, par des autocollants diffusés dans la foule, la revendication de la «juste part» qui devrait nous être acquise si le fédéral tient ses promesses ambiguës.


Je suis terriblement fier de mes lettres aux lecteurs et de mes articles persévérants pour le site qui ont fini par constituer un dossier photocopié que les ouvriers ont reçu avec intérêt. Cela m'a permis par la suite d'offrir notre programme au président du syndicat pour son exécutif.


Tout ce travail de solidarité est récompensé par la reconnaissance de mes camarades (une victoire du parti en fait) et de quelques ouvriers qui me connaissent pour n'avoir jamais lâché. Je dois dire qu'à certains moments, je n'y croyais plus devant l'indifférence crasse du fédéral, mais il me restait le gouvernement du Québec qui pouvait poser un geste d'indépendance en attribuant des traversiers nécessaires aux Chantiers.


Mais par-dessus tout il y avait, à chaque instant, le mouvement mis en marche et son aboutissement logique, l'indépendance du Québec elle-même qui se construisait dans la lutte unie. Certains laisseront tomber en cours de route, mais quel exemple pourrons-nous désormais citer d'une victoire ouvrière et nationale que nous avons accompagnée tout au long de son déploiement et dans son aboutissement ! Nous avons qu'elle est celle du Québec et de son coeur militant, la classe ouvrière.



Photo : Archives Chantier Davie Canada Inc.