Omnibus C-10 - Coûteux mirage

Québec c. Canada — le Québec entravé



En cinq minutes lundi soir, l'omnibus C-10, rassemblant en une seule neuf tentatives de resserrer les boulons de notre système de lutte contre la criminalité, fut adopté à la Chambre des communes, envers et contre les cris d'alarme lancés par le Québec.
L'objectif poursuivi par l'équipe de Stephen Harper, admirable de ténacité dans ce dossier, visait bien sûr la protection du public contre d'«omniprésents» criminels, et ce, en dépit de statistiques officielles confirmant une baisse de la criminalité. Jadis présente dans le cadre interprétatif de la loi, la notion de protection «durable» du public s'envolera.
Pour protester contre cette omission volontaire, des voix se sont élevées, dont celle, tonitruante, du ministre de la Justice Jean-Marc Fournier; en vain, il a brandi l'importance de principes tels que la réadaptation et la réhabilitation, beaucoup plus efficaces à long terme que l'illusion procurée par un coffrage immédiat. Mais les détracteurs de la justice à la dure se sont égosillés dans une arène d'indifférents.
Le Québec n'est pas penaud, il fulmine. Et dans la réaction de M. Fournier cette semaine, on sentait la frustration de celui qui parle d'expérience, alimenté par un panel d'experts convaincus que le système canadien de protection du public tel qu'on le connaît depuis le début du XXe siècle, axé autour de la réinsertion, n'a rien d'une passoire.
Que lui reste-t-il? Il lui reste la nuance. La marge de manoeuvre. Celles qui se trouvent dans les orientations édictées par le législateur, celles dont disposent aussi les tribunaux pour trancher. Le Québec veut croire que c'est dans l'administration de la justice, sa prérogative, que réside son plus grand espoir d'une justice qui continuera — lorsqu'elle le pourra — d'appliquer la bonne mesure au bon moment.
Un récent jugement ontarien lui donne raison d'espérer non pas la clémence des tribunaux, mais l'application d'un principe de proportionnalité de la peine, en fonction de la gravité de l'infraction et de la responsabilité du délinquant. La terrible erreur de jugement de Leroy Smickle, qui a placé sur Facebook une photo de lui détenant un revolver chargé trouvé chez son cousin, a d'abord valu à l'étourdi une sentence de trois ans de pénitencier, la peine minimale prévue pour possession d'une arme prohibée en vertu d'une modification au Code criminel datant de 2008. Mais une juge de la Cour supérieure de l'Ontario a jugé ce plancher inconstitutionnel et la peine «cruelle et inusitée», ordonnant plutôt une peine de prison à domicile d'un an...
Malgré les espoirs, ce C-10 adopté est une rebuffade de principe spectaculaire, il sème sur sa route un lot d'inquiétudes et entraînera des coûts qu'Ottawa n'a pas la décence de payer. Tout cela pour quoi? Le mirage d'une sécurité accrue.


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