« Oh mon Dieu! Qu’ai-je dit? » ou comment Trudeau a appris à traiter avec Trump

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Chrystia Freeland, proche des réseaux de George Soros, est détestée par l'administration Trump


Lorsque Donald Trump a imposé des tarifs douaniers sur les importations d'acier du Canada, Justin Trudeau s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas prendre le président américain au mot. Cette leçon, tirée de la nouvelle réalité des relations entre le Canada et les États-Unis, est décrite dans un livre de l'auteur Aaron Wherry, de CBC.




Le livre Promise and Peril: Justin Trudeau in Power relate notamment la relation tumultueuse entre Justin Trudeau et Donald Trump. L’œuvre rappelle un appel personnel du président Trump – qui s'était plaint de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland – et la stupéfaction de M. Trudeau à la suite de l'attaque sur Twitter du chef de la Maison-Blanche quelques heures après qu'il lui eut serré la main lors du sommet du G7 à Charlevoix, en 2018.


Comme beaucoup de personnes, M. Trudeau a été pris au dépourvu par la victoire de Donald Trump en 2016. Pourtant, le premier ministre a décidé de travailler d'arrache-pied pour établir une relation particulière avec le nouveau président américain : critiquer les commentaires de Donald Trump, pas Donald Trump lui-même.



Il y a une discipline que je me suis imposée très tôt.


Justin Trudeau, premier ministre du Canada


Grâce à de longues conversations officielles avec le premier ministre et ses principaux conseillers, mais également à l'aide de nombreuses sources anonymes, l'auteur Aaron Wherry décrit comment Justin Trudeau s'est rapidement aperçu qu'il allait être incapable de contrôler l'administration Trump, mais surtout à quel point le Canada allait avoir besoin d'alliés à la Maison-Blanche et à l'extérieur.



Les amitiés diplomatiques du gouvernement libéral découlent des nombreux contacts de Chrystia Freeland aux États-Unis, où cette dernière a travaillé pendant plusieurs années : des amis communs à New York ont permis au gouvernement Trudeau de se rapprocher de Jared Kushner, le gendre du président.


Contrairement à tant d'autres conseillers de M. Trump, Jared Kushner aura un pouvoir durable au sein de l'administration américaine. Lui et la chef de cabinet de Justin Trudeau, Katie Telford, ont rapidement établi une relation après une première rencontre à New York. Cette relation s'est avérée essentielle à l'obtention d'une entente établie dans le cadre de la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).


L'entente est arrivée plus tard, mais le premier ministre canadien devait d'abord survivre à une poignée de main.


La première visite de Justin Trudeau à Washington, après l'élection présidentielle, a eu lieu en février 2017. La réunion a été soigneusement coordonnée des deux côtés de la frontière afin de s'assurer qu'aucun problème ne surgisse pour l'un ou l'autre des gouvernements.


Elle a été orchestrée de près par l'équipe de M. Trudeau, pleinement consciente que les poignées de main agressives et dominantes du président Trump représentaient un intérêt pour les médias, écrit Aaron Wherry.


La ligne de [Gerald Butts, ancien secrétaire principal de Justin Trudeau] était la suivante : "Pensez à son aspect physique", a déclaré M. Trudeau à l'auteur. L'idée de base était de rester en équilibre. C'était un sujet de discussion sur le vol à destination de Washington. C'est un peu ridicule de faire cela, mais [le but était] de s'assurer que ce ne soit pas une chose.


Au final, lors de cette visite, cette poignée de main n'a pas eu d'importance. Toutefois, cette victoire de Justin Trudeau a été de courte durée.


Justin Trudeau et Donald Trump

Justin Trudeau lors de sa première rencontre avec le président des États-Unis Donald Trump, à Washington, en 2017


Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick




Un président à prendre « avec un grain de sel »


Le gouvernement Trudeau était sur le point d'entreprendre une très longue campagne afin de renégocier un accord avec le plus important partenaire commercial du Canada.


Donald Trump avait rapidement indiqué que les droits de douane feraient partie de sa stratégie avec tous les pays; il a commencé à songer à les imposer aux importations d'acier et d'aluminium au printemps 2017.


Le premier ministre canadien a d'abord tenté d'user de persuasion afin d'exclure le Canada de ces tarifs douaniers, notamment lorsqu'il a rencontré Donald Trump au sommet du G7 en Italie, en 2017. Il a abordé directement cet enjeu avec le président, qui s'est ensuite tourné vers l'un de ses principaux conseillers économiques, Gary Cohn, pour insister sur le fait que le Canada devait être exclu des pays pour lesquels des tarifs allaient être imposés.


D'abord rassuré par cet échange, le sentiment de Justin Trudeau ne s'est pas prolongé dans le temps, écrit Aaron Wherry.



M. Trump est arrivé à un moment où tout ce qu'il dit, je dois le prendre avec un grain de sel, peu importe la poignée de main, l'engagement et le regard dans les yeux.


Justin Trudeau


Justin Trudeau et Donald Trump en discussion sur le balcon du chalet Black Bear.

Justin Trudeau et Donald Trump en discussion au chalet Black Bear lors du sommet du G7 à Charlevoix, en 2018


Photo : Photo Facebook de la Maison Blanche, Shealah Craighead / SHEALAH CRAIGHEAD




Ce n'était que le premier de plusieurs soubresauts dans la relation entre Justin Trudeau et Donald Trump.


Lors du seul voyage de Donald Trump au Canada, à l'occasion de la réunion du G7 à Charlevoix, le premier ministre Trudeau s'est efforcé de maintenir une unité entre les dirigeants des pays afin qu'ils signent une déclaration commune.


Dans son livre, Aaron Wherry décrit les négociations en coulisse à propos de l'Iran et du multilatéralisme qui ont conduit à la publication d'un communiqué conjoint des membres du G7.


Pendant que M. Trump et les autres dirigeants mondiaux souriaient devant les caméras, Justin Trudeau et son personnel ont célébré ce qui semblait être une victoire. Puis, alors que le président Trump se rendait à Singapour, il aurait regardé à la télé la conférence de presse de clôture du sommet, où le premier ministre a confirmé que le Canada imposerait des tarifs de rétorsion aux États-Unis.


Sur la base des fausses déclarations de Justin lors de sa conférence de presse et du fait que le Canada impose des tarifs douaniers massifs à nos agriculteurs, travailleurs et entreprises américains, j'ai demandé à nos représentants américains de ne pas appuyer le communiqué final, a alors tweeté Donald Trump.


M. Wherry rapporte que la première réaction de Justin Trudeau n'a pas été de remettre en question la déclaration ou de se demander à quoi faisait référence Donald Trump, mais plutôt de se demander ce qu'il avait fait de mal.



Ma première pensée a été : "Oh mon Dieu! Qu'ai-je dit lors de la conférence de presse? À quel moment ai-je dit plus de choses qu'avant? Qu'est-ce que c'était?" Parce que je pensais que je m'en sortais bien; je pensais que j'étais dans le bon chemin.


Justin Trudeau


Selon les faits, le premier ministre n'avait rien dit de nouveau. Les Canadiens, nous sommes polis, nous sommes raisonnables [...] Mais nous ne serons pas non plus bousculés, a-t-il déclaré à la conférence de presse de clôture du G7.


Pour M. Trudeau, c'était une preuve de plus que croire Donald Trump sur parole pouvait être une erreur tactique.


Chrystia Freeland, une « femme très méchante »


Une autre complication imprévue au cours des négociations commerciales a été le mépris de Donald Trump à l'égard de la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.


Nous sommes très mécontents des négociations et du style de négociation du Canada [...] Nous n'aimons pas beaucoup leur représentant, a déclaré M. Trump publiquement le 26 septembre 2018.


Après l'imposition des tarifs douaniers, MM. Trudeau et Trump ont eu une conversation téléphonique. Aaron Wherry rapporte que le président américain aurait traité Chrystia Freeland de « femme très méchante » (nasty woman, en anglais), l'accusant de parler de lui à d'autres dirigeants dans le monde.


La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland répond aux questions des journalistes lors d'une conférence de presse.

La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland répond aux questions des journalistes lors d'une conférence de presse.


Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld




Les libéraux se sont efforcés de faire connaître très clairement leur position à la Maison-Blanche en utilisant tous les outils à leur disposition. En septembre 2018, M. Trudeau et son équipe ont décidé qu'ils devaient tracer une ligne rouge concernant le chapitre 19 des négociations sur l'ALENA [qui traite du règlement des différends commerciaux] , écrit Aaron Wherry.


Le premier ministre a profité d'une entrevue radiophonique pour déclarer que le Canada insisterait pour que le chapitre demeure intact.


L'administration Trump était à l'écoute. Ils ont remarqué à quel point notre déclaration était piquante à ce sujet et compris que le premier ministre ne centrerait pas la conversation sur cette question, à moins qu'il y ait des raisons stratégiques de le faire, raconte Gerald Butts, ancien secrétaire principal de M. Trudeau.


Le livre décrit comment la relation entre Jared Kushner et Katie Telford a gagné en importance au fil de l'intensification des négociations.


L'ouvrage révèle que Jared Kushner a suggéré la production d'un document sur « l'état des négociations », qui déterminerait les positions des deux parties et ce qui resterait à accomplir pour en arriver à un accord.


Mme Telford a envoyé le document à Washington. C'est cette analyse ainsi que sa relation de travail avec M. Kushner qui ont mis la table à plusieurs journées intenses de discussions, lesquelles ont permis d'accoucher de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique le 30 septembre 2018.


Avec les informations de Rosemary Barton, de CBC


 




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