Obama et Nétanyahou hors jeu?

Netanyahu aux USA - mai 2011


Toute une image que cette scène où, regardant Barack Obama dans les yeux, à la sortie d'un tête-à-tête privé, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, lui dit — contrairement à ce que venait officiellement de préconiser, la veille, le président américain — qu'il n'est absolument pas question, pour Israël, de négocier la paix avec les Palestiniens sur la base des frontières de 1967!
Pour mémoire, les «frontières de 1967», ce sont celles qui avaient résulté de la guerre des Six Jours, au cours de laquelle Israël avait conquis militairement Jérusalem-Est, la Cisjordanie, Gaza et le plateau du Golan. Israël s'était ensuite engagé dans une opération de peuplement qui fait qu'aujourd'hui, la Cisjordanie — en plus de ses 2 millions de Palestiniens — est peuplée d'un demi-million de colons juifs. La majorité de ces colons occupent des zones adjacentes à Israël, qui empiètent de plusieurs kilomètres à l'intérieur de la Cisjordanie de 1967... mais une forte minorité de ces colons sont disséminés un peu partout dans le territoire palestinien occupé.
Ce qui fait qu'à la fin, la «Palestine arabe» restante est une espèce d'archipel de petites collectivités discontinues, isolées, encerclées de zones israéliennes militarisées... Certains ont parlé de fromage gruyère, d'autres de bantoustans.
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Cette scène de vendredi dernier ainsi que la déclaration de la veille, lors d'un discours-fleuve de M. Obama sur l'avenir du Proche-Orient et du monde arabe, sont intéressantes à plus d'un titre:

- L'affront au président est un signe de plus selon lequel, dans cette relation très singulière entre Israël et les États-Unis, ce ne sont pas ces derniers qui décident... mais plutôt Israël. Israël: sans doute le seul pays au monde qui peut se vanter d'occuper le haut du pavé dans sa relation bilatérale avec les États-Unis d'Amérique! (non: il y a peut-être aussi, désormais, la Chine...)
- C'est la première fois qu'un président américain se réfère explicitement aux frontières de 1967... «moyennant des échanges de territoire», a précisé M. Obama. Échanges en vertu desquels les gros blocs de population juive, dans les zones contiguës à Israël, ne seraient pas évacués, mais plutôt intégrés à l'État juif, en échange de morceaux d'Israël qui deviendraient en revanche palestiniens. Cela ne réglerait pas le problème des centaines d'implantations juives profondément installées en Cisjordanie (des dizaines de milliers de personnes au bas mot), et qu'il faudrait vraisemblablement évacuer... grosse commande en perspective!
- Il y a manifestement un froid entre Barack Obama et l'actuel gouvernement israélien. Jusqu'à quel point? Cela reste à voir, car Washington demeure tout de même aligné sur Jérusalem, s'il s'agit du statut du Hamas dans les futures négociations (c'est «non»), ou encore de cette nouvelle initiative palestinienne qui consiste à se rendre à l'ONU, cet automne, pour tenter d'y obtenir une admission comme État indépendant... abstraction faite de la situation sur le terrain (c'est «non» également). Mais ce blocage obstiné par Jérusalem ainsi que l'émergence à la Maison-Blanche d'une perspective qui n'est plus totalement alignée — comme à l'époque de George W. Bush — sur les positions israéliennes sont peut-être secondaires, à côté de l'autre nouveauté, à savoir:
- Le couple Washington-Jérusalem n'a plus l'initiative absolue dans la conduite du drame israélo-palestinien. Trop longtemps, en effet, on a eu l'impression d'une tragi-comédie qui se décidait, pour l'essentiel, entre Américains et Israéliens, avec les Européens comme figurants et les Palestiniens comme dindons de la farce.

Mais, depuis quelque temps, la direction palestinienne, y compris le bon Mahmoud Abbas souvent considéré comme une marionnette, a décidé de prendre acte de l'inanité de cette comédie des «négociations». Et en conséquence, de délaisser cette voie... et de chercher ailleurs.
Ce qui donne, au grand effroi d'Israël et des États-Unis: la réconciliation Hamas-Fatah, encore à vérifier dans les actes et à confirmer par l'émergence d'une aile pragmatique au Hamas; l'initiative de l'admission à l'ONU, symbolique et risquée, mais jouable; et enfin une reconstruction économique, embryonnaire et peut-être trompeuse, visible notamment à Ramallah, la «capitale» provisoire des Palestiniens.
Sérieux rebrassage de cartes sur le front israélo-palestinien: le Printemps arabe est passé par là.
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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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