Des petits gains sans renoncer au grand large

Nouvelle course à la chefferie

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Hausser le niveau du débat

À la veille d'une autre course à la chefferie rappelons quelques fondamentaux : L'indépendance c'est l'armée, les frontières, la monnaie et la banque. Voilà un point de départ incontournable. Tout indépendantiste sérieux ne peut éviter de traiter de ces questions, ce qui fut pourtant le cas lors de la dernière course à la chefferie où ces sujets sont demeurés tabous. Reconnaissons que le PQ traîne avec lui une longue tradition de «souveraineté association». Même si celle-ci est maintenant officiellement écartée du discours, l'«option» traditionnelle ambiguë n'aura pas péri au glaive d'une nette clarification des objectifs. Le malaise persiste. Il se voit comme une tache d'encre dans l'application avec laquelle on évite de parler du noyau dur de l'indépendance. Mais l'auto-censure du discours indépendantiste, qui s'arrête juste avant le grand large, ne s'explique pas seulement par la survivance d'une option politique ambiguë qui n'en finit pas de mourir.

Ce que j'appelle le discours indépendantiste tronqué a d'autres causes. Il s'explique également du fait que le Parti québécois est sous forte influence de l'idéologie mondialiste. M. Bernard Landry, dans une chronique qui précède la mienne de quelques jours [1], vient de nous fournir un exemple éloquent de la pensée qui anime bon nombre de leaders d'opinion du Parti québécois, auquel on peut ajouter Option nationale d'ailleurs. Comme ils sont tout à fait en phase avec cette idéologie de l'abandon graduel des pouvoirs souverains, au profit de structures supra-nationales non élues et non imputables, ils préfèrent ne pas parler des «gros sujets». À la dernière course à la chefferie, on a délaissé les grosses compétences sur lesquelles notre absence de souveraineté serait apparemment chose faite, le sujet serait clos. Même si ces compétences, ces poids lourds, ces locomotives sont de toute première importance pour assurer l'indépendance de toute nation.

Rappelons qu'une course à la chefferie n'est pas une élection provinciale. Comme je le soulignais dans une chronique précédente [2], les candidats n'ont pas à policer leurs discours comme ils le feraient par stratégie dans le cas d'une élection. C'est le temps de se dire les choses en face, savoir où l'on s'en va en se défiant de la superficialité et des lieux communs! Ma crainte, se contentera-t-on encore une fois de manoeuvrer dans un perpétuel flou artistique, comme si l'on voulait laisser aux autres le soin de définir pour nous l'étendue des plus importants pouvoirs de notre éventuelle souveraineté? Les autres étant le Canada, les États-Unis et tout le poids de l'oligarchie mondialiste nous contraignant au «prêt à porter» du nouveau pays «souverain», qui vient avec : OTAN, NORAD, ALENA, TTIP... Et qui vient sans monnaie, sans armée, sans banque centrale, sans politique étrangère indépendante, sans agence de renseignements... Le Parti québécois, est-il prêt à se laisser dicter à ce point les limites de son rêve?

Il me semble qu'il est vrai que de statuer sans complexe sur les questions de politique extérieure, les questions militaires, bancaires et monétaires permettrait de considérer l'indépendance dans toutes ses facettes et non seulement dans un carré de sable. S'essayer à outrepasser les interdits mentaux des colonisés à qui le grand large est interdit permettrait de poser pour une fois la relation entre puissance et indépendance. Une question qui est bien réelle et qui a été très peu abordée dans les cercles indépendantistes.

À l'aube d'une nouvelle course à la chefferie, il faudra voir si l'ambition indépendantiste s'interdira de franchir le champ de l'ordinaire et du prévisible. La dernière fois, il faut l'avouer, la profondeur de vues et la maîtrise des concepts de l'indépendance chez les candidats en lice n'avaient rien d'impressionnant. Plus souvent qu'autrement ça volait au ras des pâquerettes. Aurons-nous droit à plus de hauteur cette fois-ci? Il faut le souhaiter.

L'indépendance étant un concept relatif et non absolu, on peut tout de même considérer que les pays qui satisfont le mieux aux critères de l'indépendance ne sont pas très nombreux : États-Unis, Russie, Chine, Inde, Cuba, Pakistan, Suisse, Islande, etc. Pour tous les pays, l'indépendance n'est pas donnée une fois pour toutes. Pour les plus petits elle est aujourd'hui plus difficile à acquérir formellement (lorsqu'ils ne l'ont pas) et plus difficile à maintenir et à défendre lorsqu'ils l'ont.

La force d'attraction du «droit des peuples à disposer d'eux-mêmes», qui a connu ses belles années autour de 1960, n'a cessé de reculer au cours des cinquante dernières années. En partie formellement, (introduction du R2P – Right to protect, etc.), mais aussi, subtilement, et de façon détournée, plus perverse. Ce recul s'explique par la succession d'arrangements internationaux négociés en catimini, défavorables au plein exercice de ce droit, qui dépouillent progressivement les nations des attributs de leur souveraineté. La coopération de tout ordre entre les pays est souhaitable, mais l'affaiblissement des souverainetés nationales est un prix inutilement payé. Car il n'y a aucun besoin de perdre l'un pour gagner l'autre.

Au terme d'une discussion plus ouverte sur ces questions, on pourra peut-être réduire l'émotivité qui entoure un éventuel rapprochement entre le PQ et la CAQ. La pureté «indépendantiste» du PQ n'étant peut-être pas finalement celle qu'on pense. Le Québec ne peut devenir indépendant, en tout cas pas d'un coup et pas immédiatement, et le PQ ne propose pas une indépendance au sens plein. En tout cas, si vous m'avez lu, il n'en a jamais parlé.

Se payer de mots ne fait pas l'indépendance. Ce que réclame le PQ ressemble à la souveraineté culturelle, c'est peut-être le sujet qui revient le plus souvent car les Québécois l'ont dans les tripes. C'est aussi le rapatriement des pouvoirs économiques à Québec, en gros la pleine autonomie dans les champs de compétence du Québec. Mis à part l'enflure verbale, mis à part les égos des uns et des autres, qu'est-ce qui sépare tant le PQ de la CAQ du point de vue des intérêts du Québec pour 2016-2018 ? Qui de la CAQ n'a jamais été péquiste ou n'a jamais voté PQ, en commençant par son chef François Legault? Je pose la question sans y répondre, tout en pensant qu'une prochaine course à la chefferie qui mettrait tout à plat de façon plus décomplexée permettrait de hiérarchiser les enjeux. Réaliser des petits gains sans renoncer au grand large. Un grand large qu'il faudrait avec un peu de courage arrêter de s'interdire de nommer.

1- http://vigile.quebec/Le-partenariat-transpacifique
2- http://vigile.quebec/Course-a-la-chefferie

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Gilles Verrier140 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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7 commentaires

  • Robert J. Lachance Répondre

    12 mai 2016

    J’imagine pour avoir lu que la « belle-mère » de M. Perrier soit Bernard Landry,
    La prochaine direction serait de conscience collective, professionnelle ou politique, économique : penser globalement, agir localement.
    Dans ce contexte, Martine, Véronique ou Alexandre ?
    - Martine aurait une longueur d’avance; elle a ressurgi le 1 mai après disparition des tracés le 21 janvier et remontée substantiellement le 9 mai. Il (au sens de Réjean Pinard de La Petite Vie), n’a pas « signeté » le lien web qui serait à l’origine de cet achalandage inhabituel.
    Mon index sur ma barre de favoris me suggère Martine, elle a ressurgi le 1 mai. Véronique n’est pas déjà là et Alexandre a disparu. Quant à l’autre présumé, toujours sur les tracés mais beaucoup moins haut qu’après avril 2014 où il a jusqu’à fait mieux que le PQ et le PLQ, c’est dire; il est présentement enlisée dans une réflexion augmentée invitant à collaborer à sa réflexion, à « l’enlarged », si vous voyez ce que je veux évoquer.
    Écrivant de lui, on s’entends-tu sur le fait qu’il serait avant-gardiste ? Fin janvier 2015, il a terminé la course avant tous les autres quand il a tout compris, à l'impossible nul n'est tenu.
    Et par la suite, démocrate, comme le décrit Robert Dutil dans La Juste Inégalité : Essai sur la liberté, l’égalité et la démocratie, 1995, l’année du deuxième, page 192 et une ou deux suivantes : ralliement obligatoire, solidarité au groupe, solidarité à la doctrine, il s’est affairé avec coeur et créativité à cette tâche à l’Assemblée nationale comme péquiste, sur son blogue comme élu et à sa famille, comme tout politicien qui se respecte.
    M. Verrier, à l’impossible nul n’est tenu mais en écrire peut être productif.

  • Gilles Verrier Répondre

    11 mai 2016

    Patrice-Hans Perrier 
«La prochaine direction sera altermondialiste et pratiquera la politique de la langue de bois des tenants du souverainisme culturel.»
    James A. Wilkins«Continuons à reléguer l’identitaire après le nationalisme civique et le mondialisme et le projet d’indépendance perdera tout sa pertinence.



»
    Marcel Haché 

«Après que P.K.P. lui-même n’aura pas réussi à faire décoller le P.Q. dans les sondages, la prochaine course à la chefferie pourrait bien ne pas être le regain politique espéré, mais plutôt un formidable aveu de faiblesse.»



    Normand Paiement 

«À présent que PKP a abandonné le navire, il est permis de douter que son successeur, quel qu’il ou qu’elle soit, ait la vision, l’intelligence, la détermination et le courage nécessaires pour mener le bateau à bon port. Il est plutôt à craindre que le PQ retombe rapidement dans les ornières de la gouvernance souverainiste.»
    Selon moi, il y a de très fortes possibilités que le / la prochain chef soit un «chef de transition» car aucun des candidats pressenti n'a la vision qu'il faudrait. Ils ont l'esprit égaré par le mondialisme qui est à la source du multiculturalisme et de l'immigrationnisme. Il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils en appellent aux Nous. Car ils sont des anti-identitaires. N'oublions pas que l'affaire Michaud, que l'on réduit désormais à une bévue de l'Assemblée nationale, est le révélateur de bien d'autres choses. Cette affaire peut être comprise comme la victoire du nationalisme civique, proclamée par l'ensemble des parlementaires de tous les partis politiques réunis, contre le mal nommé nationalisme identitaire-ethnique qui est, en fait, un nationalisme organique, c'est-à-dire enraciné et opposé à la rupture d'avec la tradition et l'histoire. C'est là, entre autres, où se trouve l'acharnement contre Yves Michaud qui perdure dans la forme du refus de réparer et de refus de s'excuser. Bref, nous sommes dans un Québec dominé par le nationalisme civique désincarné, parfaite émanation du mondialisme.
    Alors que la France est elle même subjuguée par des forces apatrides qui sont hostiles à son identité profonde, le petit Québec aura fort à faire pour éviter sa disparition. Les candidats à la direction du PQ ne semblent avoir aucune idée du péril qui Nous guette.
    _________________
    M. Lachance,

    On ne peut féliciter Monsieur Lisée d'avoir parlé de monnaie et des forces armées d'un Québec souverain car c'est le minimum qu'on peut attendre de ceux qui se proposent à la direction d'un parti qui a pour projet de faire du Québec un pays. Ne pensez-vous pas ? Par ailleurs, son propos sur les forces armées d'un Québec indépendant rappelle ce que je lisais dans le programme du RIN dans les années 1965-1966. La similitude témoigne de l'absence de réflexions et de délibérations du parti sur le sujet... depuis toujours. À quand des états généraux sur la politique de défense d'un Québec souverain ?
    Pour les casques bleus de Lisée, il faut se demander si c'est le Québec qui en enverra ailleurs où si c'est lui qui en recevra. Une force d'interposition face à l'hostilité du West Island à l'égard du nouveau pays, ses financements de Toronto et de l'étranger, ses agents instrumentalisés au sein des communautés ethniques et la presse internationale qui, en partie, nous accusera de racisme. Ce scénario pourrait ne jamais voir le jour, on le souhaite, mais face à l'histoire ne pas l'anticiper serait irresponsable. Qui ne voit pas ce portrait est un bisounours au pays des cyclopes.
    Sur la question militaire, le Québec qui veut devenir un pays libéré des anglos-saxons en Amérique du Nord, pour devenir un égal à leur coté, devra se préparer à livrer un rude combat. Il lui faudra aussi se demander qui dans le monde, en remplacement d'une France affaiblie, pourra se porter garant de son indépendance. Pour ma part, en ce moment, je ne vois que la Russie ou d'autres pays neutres - et disposant de la puissance nécessaire - par rapport à notre situation pour le faire. Sur cette question le débat est naturellement ouvert...

  • Robert J. Lachance Répondre

    10 mai 2016

    « Tout indépendantiste sérieux ne peut éviter de traiter de ces questions, (l’armée, les frontières, la monnaie et la banque) ce qui fut pourtant le cas lors de la dernière course à la chefferie où ces sujets sont demeurés tabous. »
    Jean-François Lisée en a traité en pré-course en octobre 2014 mais ça n’a pas été repris une fois la course commencée sans lui en février 2015, comme vous écrivez.
    La défense d’un Québec souverain.
    Monnaie et citoyenneté québécoises

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2016

    La meilleure analyse de Gilles Verrier depuis des lustres.
    Toutefois, l'appel du pieds d'une certaine " belle - mère " du PQ a été entendu:
    La prochaine direction sera altermondialiste et pratiquera la politique de la langue de bois des tenants du souverainisme culturel.
    C'est déjà plié ... il suffit d'ouvrir les yeux !

  • James A. Wilkins Répondre

    9 mai 2016

    Excellente analyse Monsieur Verrier. La prochaine course devra nous donner un débat d'idées sur les sujets qui préoccupent les Québécois vis-à-vis le projet d'indépendance. Pour mener le Québec à son indépendance politique il faudra avoir le courage de faire nos devoirs avant d'aller au peuple et le faire voter sur du concret et sur un projet enthousiamant. On ne changera pas de régime politique sur du flou artistisque.
    Celui ou celle qui veut devenir chef doit démontrer un leadership à proposer une feuille de route crédible et qui impose aux indépendantistes une démonstration hors de tous doutes des avantages de leur option. Jouons franc jeu tel que proposé dans la stratégie du choix que j'ai proposé précédemment. Continuons à reléguer l'identitaire après le nationalisme civique et le mondialisme et le projet d'indépendance perdera tout sa pertinence.
    http://vigile.quebec/Nouvel-article-No-73649

  • Marcel Haché Répondre

    9 mai 2016

    Souvent, derrière les fameux « intérêts du Québec » se cachent les intérêts les plus mesquins de la province de Québec, la prison institutionnelle de notre nation.

    Évidemment, les péquistes sont bien obligés de parler de ce qui intéresse les électeurs, les affaires provinciales,( et c’est tant mieux), mais s’ils ne font jamais référence à cette nation engluée dans cette maudite guimauve fédéraliste, surtout… s’ils ne se réclament jamais de Nous- la Nation, c’est Nous- sous le prétexte débile que l’Identité n’est plus un thème porteur, non seulement l’Indépendance va devenir rapidement obsolète, le P.Q. connaîtra bientôt le même sort que le Bloc, et pour la même raison.
    Après que P.K.P. lui-même n’aura pas réussi à faire décoller le P.Q. dans les sondages, la prochaine course à la chefferie pourrait bien ne pas être le regain politique espéré, mais plutôt un formidable aveu de faiblesse.

  • Normand Paiement Répondre

    9 mai 2016

    Monsieur Verrier,
    Le projet d'indépendance du Québec reste un beau rêve que les péquistes eux-mêmes – y compris René Lévesque et Jacques Parizeau – n'ont jamais vraiment pris la peine de définir concrètement.
    La réalisation de ce grand rêve ne sera possible que le jour où les indépendantistes s'attelleront sérieusement à la tâche de définir les objectifs à atteindre à court, moyen et long termes, et à élaborer les stratégies à mettre en place pour y arriver.
    À présent que PKP a abandonné le navire, il est permis de douter que son successeur, quel qu'il ou qu'elle soit, ait la vision, l'intelligence, la détermination et le courage nécessaires pour mener le bateau à bon port. Il est plutôt à craindre que le PQ retombe rapidement dans les ornières de la «gouvernance souverainiste» et de l'ambiguïté qui le caractérisent depuis au moins vingt ans.
    Mais peut-être voyez-vous une lumière poindre à l'horizon?...
    Cordialement,
    Normand Paiement