Nouvelle autonomie pour le Nunavik

Nunavik - un gouvernement territorial


Croteau, Martin - La création d'un gouvernement autonome au Nunavik permettra-t-elle à la région de venir à bout de ses écrasants problèmes sociaux? Cette question demeure en suspens après que Québec, Ottawa et les représentants des 14 communautés inuites eurent signé jeudi dernier une entente de principe ouvrant la voie à plus d'autonomie pour cet immense territoire.
L'accord, dont la ratification pourrait être officialisée dans quelques jours, prévoit la fusion de l'unique commission scolaire du Nunavik, de la régie régionale de santé et de services sociaux, et de l'administration régionale Kativik. Ces institutions seront placées sous l'autorité d'une assemblée et d'un conseil exécutif élus par les 11 627 habitants de la région.
Les élus administreront l'argent que les gouvernements fédéral et provincial consacrent déjà aux dépenses en santé et en éducation. Ils pourront également lever des taxes et prélever des redevances sur l'exploitation des ressources naturelles.
"Ils vont pouvoir allouer de l'argent selon leurs priorités. Par exemple, s'ils décident de construire plus d'habitations, ils pourront le faire et décider de couper dans d'autres programmes", résume l'avocat Jean-François Arteau, négociateur de la Société Kativik, qui représente les communautés inuites.
L'entente de principe doit d'abord être entérinée par Québec et Ottawa. De nouvelles négociations préciseront ensuite les pouvoirs de la nouvelle assemblée. Les premières élections pourraient être organisées d'ici 2010.
Mais s'agira-t-il d'une province à l'intérieur du Québec? Non, répondent les experts. "Québec conserve la propriété des ressources naturelles et leur gestion, dit Sébastien Grammond, spécialiste du droit autochtone à l'Université d'Ottawa. Les lois du Québec continuent de s'appliquer en général."
"Ça va dans l'esprit de la paix des Braves. Personne ne dit ceci est mon territoire exclusif'", renchérit l'ex-premier ministre Bernard Landry, qui se dit favorable à l'entente.
Si l'accord précise que le nouveau gouvernement relèvera de l'Assemblée nationale, il ouvre néanmoins la porte à la négociation d'une "approche progressiste et innovatrice" en matière de gouvernance régionale. Selon Ghislain Otis, professeur de droit à l'Université Laval, cela pourrait un jour donner des maux de tête aux dirigeants.
"Il existe des techniques qui permettraient de donner à la loi créant ce gouvernement régional un statut supérieur ou particulier par rapport aux autres lois du Québec, explique-t-il. Par exemple, en cas de conflit entre une loi du Québec et une loi du gouvernement du Nunavik, la seconde pourrait l'emporter sur les autres."
Une région estropiée
Chose est certaine, l'accord ne réglera pas demain les écrasants problèmes du Nunavik, une région estropiée par les problèmes sociaux. Le taux de suicide chez les jeunes y est l'un des plus élevés au monde. La moitié de ses enfants subissent l'alcoolisme et la violence en famille. Le taux de décrochage frise les 95%. Cette situation a été dévoilée fin juin, dans un rapport explosif de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
La directrice de la régie de la santé et des services sociaux, Jeannie May, espère que la réforme administrative l'aidera à mieux faire son travail. Car trop souvent, les problèmes de sa grande région, à la population si petite, sont ignorés par les gouvernements.
"Pour commencer, l'argent sera dans la région. Et comme les décideurs seront dans la région aussi, ils seront beaucoup plus sensibles à nos besoins", se réjouit-elle.
Mais d'autres sont beaucoup moins optimistes. Le psychologue Philippe Jodouin, qui a travaillé huit ans au Nunavik, estime que les leaders locaux ne méritent pas de nouveaux pouvoirs. "Que les dirigeants ne soient pas intervenus auparavant par rapport à la détresse de leurs jeunes, ça soulève des questions."


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