Encore une fois, l’île de Montréal montera au front pour combattre toute velléité d’imposer la laïcité institutionnelle.
Septembre 2013, en plein débat sur le projet de loi 60 du Parti québécois – la Charte des valeurs -, «l’île de Montréal se rebiffe», apprend-on dans La Presse :
«Les municipalités de l'île de Montréal, où vivent 1,8 million de personnes, demanderont à l'unanimité au ministre Bernard Drainville d'être soustraites à la Charte des valeurs rendue publique»...
À cette époque, des conseillers municipaux avaient clairement laissé entendre que jamais ils ne respecteraient une loi sur la laïcité :
«À la Ville de Hampstead, on avait déjà adopté une résolution au conseil municipal qui condamnait la Charte avant même qu'elle soit rendue publique officiellement.
Le conseiller Jack Edery, lui-même un juif orthodoxe qui porte la kippa, avait présenté la résolution à ses collègues du conseil municipal la semaine dernière. «Il ne faut pas confondre séparation de l'Église et de l'État et persécution de la religion par l'État», stipule la résolution.
M. Edery ne mâche pas ses mots pour fustiger la future Charte. «À notre avis, c'est une loi raciste, tranche-t-il. Moi, je ne vais pas enlever ma kippa et je ne dirai jamais à un employé municipal de l'enlever. Mme Marois, envoyez la police au prochain conseil de ville, et arrêtez-moi!»
«Nous ne respecterons pas la loi sur les symboles religieux»
Cette fois-ci, encore, certains n’auront pas attendu le dépôt du projet de loi ou encore d’en savoir davantage sur les détails du projet de laïcité de la CAQ. C’est que vu du West Island de Montréal, quelconque entrave à l’esprit du multiculturalisme canadien est insoutenable.
Ainsi, sans que cela ne fasse de vagues, le conseil de l’agglomération de Côte-Saint-Luc «a adopté à l’unanimité une résolution lundi soir dans laquelle il a déclaré qu’il ne respecterait pas la loi «illégitime et inconstitutionnelle» proposée par le gouvernement de la CAQ, qui interdit aux personnes en position d'autorité (police, juges, enseignants, etc.) de porter des symboles religieux.»
Le tout a été rapporté par le journal The Suburban la semaine dernière. Une motion soutenue, sans réserve, par le maire Mitchell Brownstein au nom de la «tolérance et de l’ouverture à la diversité». Ce dernier a insisté sur le fait que «pour ceux qui postulent à un emploi dans notre ville, nous ne tiendrons jamais compte de la tenue religieuse ou des symboles qu'ils portent, même s'ils postulent à des postes d'autorité».
Voilà qui a le mérite d’être clair. Légiférez tant que vous le voulez, dans l’esprit du partitionnisme bien ancré au sein ces collectivités, nous ne tiendrons pas compte de vos lois. Aussi, on remarquera cette posture de supériorité morale; multiculturalisme = tolérance alors que laïcité = racisme et intolérance... On connaît la chanson.
Je veux bien que d’ex-élus de l’île de Montréal comme Françoise David et Geoffrey Kelley en appellent au compromis et au dialogue, mais quand des élus municipaux se rebiffent de cette façon, quelle espace reste-t-il pour négocier?
Nous revoilà exactement au même point que lors des débats sur la «charte raciste» du PQ telle qu’on la nommait, sans ambages, dans le West Island et chez les opposants à la laïcité en général.
La CAQ n’échappera pas à ce traitement. Il y a des limites au dialogue et aux compromis. Un arbitrage démocratique est nécessaire, certains ne le reconnaitront pas et un affrontement paraît inévitable. Devant les tribunaux, nous le savons déjà, et par désobéissance civile, n’en doutons pas.
En 2013, le PQ n’avait été élu que par une faible minorité, mais la CAQ jouit d’une majorité parlementaire franche – oui, en dépit du fait qu’il n’a reçu que 37% du vote, incongruité de notre mode de scrutin désuet qui n’a pas empêché le PLQ de gouverner sans majorité du vote lui non plus.
Surtout, le gouvernement de François Legault sera placé devant ce fait indéniable, cette réalité déplaisante, que Montréal s’est détachée du «reste du Québec». Les opposants au projet de laïcité ne manqueront pas de lui rappeler que ses assises sont inexistantes à Montréal, hormis la Pointe de l’île, francophone.
Un vent de face en vue...