1759-2009

Notre conditionnement

Nous pensons politiquement en bénéficiaires. La société est complètement fractionnée. Nous sommes domptés comme une bête, nous sommes domestiqués.

Tribune libre

Encore un texte débordant de frustrations, désolé. Notre comportement collectif des dernières semaines m’est insupportable. Maudit que nous n’avons pas de dignité. Si je reviens encore avec ce discours, c’est pour dénoncer l’inexistence d’un leadership indépendantiste, l’inexistence d’un contre-discours permanent pourtant tellement nécessaire. Les fédéralistes diront que bien des opinions souverainistes sont diffusées publiquement, mais l’encadrement, la manière de présenter les événements, persiste : toutes les nouvelles de la SRC ou de Power Corp. transpirent l’omnipotence du Canada et l’invalidité du discours dissident. Et ce discours n’est plus porté par ceux dont c’est le mandat. Sans s’en rendre compte, le PQ a favorisé ce conditionnement qui nous fait disparaître.
Nous ne comptons plus, nous qui pensons que la liberté politique est nécessaire. Les gens ordinaires (des consommateurs non politisés) sourient poliment tout en pensant que voilà des rêveurs futiles. Depuis longtemps le discours politique souverainiste n’a pas d’argument dans la bouche de ses messagers officiels, il est donc devenu insignifiant dans le discours public. La souveraineté, franchement, tout le monde est rendu ailleurs! Nous sommes des nostalgiques parfois divertissants mais jamais à prendre au sérieux. Notre discours est du folklore.
43% de gens qui voteraient Oui, ça ne me rassure pas du tout. Il faudrait être plus de 60%.
On se laisse dire quoi penser, sans y attacher d’importance. Quand il le faudra, on raisonnera là-dessus mais pour l’instant, ça ne dérange pas. Sauf que le moment de raisonner ne vient jamais. N’ayant pas l’habitude de rationaliser les événements politiques, nous sommes malléables collectivement, nous sommes vulnérables plus que d’autres peuples au conditionnement médiatique. Par mimétisme, les gens en général réfléchissent comme on le leur montre. Quand ils y sont obligés, leur discours politique reproduit les schèmes de pensée qui sont les plus véhiculés.
Je ne suis pas un expert mais ça me semble évident. Quand on nous insulte, quand on nous vole, quand on nous tue à petit feu, ce n’est jamais un acte politique, ça ne compte jamais vraiment. Les québécois en général ne font pas les liens, ils ne voient pas la trame de l’époque, ils ne se voient pas disparaître. Pire peut-être, ils le sentent mais se sentent en même temps bien incapables d’y changer quoi que ce soit. Il leur faut alors défendre l’ordre établi, dans une fuite en avant vers l’abattoir.
De plus en plus de gens souffrent du syndrome Labeaume, la tête heureuse pour qui, ce qui le dépasse est sans intérêt. Et ceux qui ont l’intelligence de ces choses qui le dépassent, ce sont des niais qui perdent leur temps. C’est ainsi que dégénère l’esprit quand il est contraint pendant des siècles. Colonisé.
C’est ce que je sens, ce que je vois, ce que j’endure quotidiennement (télé, radio, journaux). Je hais notre médiocrité toute québécoise. Sur le plan politique, nous sommes collectivement renfermés, nous vivons comme dans une bulle. Nous comptons sur les autres, ceux qui nous entourent, ceux dont nos vies dépendent, nous comptons sur les autres pour régler les grands problèmes. On est bien comme ça, on est confortable.
Nous pensons politiquement en bénéficiaires. La société est complètement fractionnée. Nous sommes domptés comme une bête, nous sommes domestiqués.
Tandis qu'on accepte tout ce que le reste du Canada nous impose (la Constitution, la loi de la "Clarté", Meech, la Cour Suprême, l’amenuisement de notre poids politique, le façonnement de nos valeurs à droite, la canalisation des richesses en Ontario et dans l’Ouest, ou le support inconditionnel de l’hégémonie états-unienne), tandis que rien n'est jamais assez grave pour se choquer et défendre enfin nos intérêts (nous venons de donner 4 ou 5 autres années aux saboteurs du PLQ), tandis qu'on accepte le mensonge du plus fort, on se retourne et on peste contre les nôtres qui refusent cette domestication de l’esprit, ceux-là sont les cibles les plus proches, celles qu’on connaît le mieux, alors on argumente, on se passionne même, à justifier l’ordre transcendant canadian tout en niant son rôle.
Je suppose que ce réflexe se vérifie dans bien des sociétés mais ce n’est pas une raison de continuer à alimenter notre conditionnement, surtout qu’il est mortel pour le peuple du Québec. Nous nous qualifions de nation, mais il n’est pas question de déranger les vraies nations qui dirigent le monde, encore moins celle qui nous incorpore. Nous sommes encore bien petits, les québécois. Nos représentants souverainistes sont petits aussi. Ce conditionnement de la pensée politique de la majorité, c’est ce à quoi il faut s’attaquer en priorité. Mais sérieusement. Pas des campagnes ponctuelles de sensibilisation, un discours permanent, porté par des élites élues et présenté honnêtement à la population par des médias majeurs non inféodés à l’ordre canadian.
Ce n’est pas le PQ des dernières années qui y changera quoi que ce soit.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2009

    Vous avez entendu Harper, aujourd'hui, accuser le Bloc et le PQ de faire preuve d'intolérance par leur lettre à Sarkozy ?
    Cette propagande de conditionnement est maintenant dans tous les pays d'occident.
    Regardez bien ce site:
    http://www.tolerance.ca/
    Vous connaissez son auteur?
    Victor Teboul
    Écrivain, membre de l'UNEQ et de l'IPSO, l'auteur est professeur dans un collège. Ancien directeur du bureau de Montréal du Comité Canada-Israël, il a été le responsable des communications du Parti québécois dans le comté d'Outremont-Côte-des-Neiges aux élections de 1994.
    M. Teboul a défendu la liberté de parole de M. Michaud, mais ce ne l'a pas empêché de condamner ses propos.
    C'est comme ça qu'ils fonctionnent. Tout comme Julius Grey qui fait le militant en faveur d'une école unique pour tous en même temps qu'ils défend en tant qu'avocat le droit des juifs à des écoles séparées.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 février 2009

    Bonjour M. Bousquet, vous dites « Faut commencer à mieux apprécier son peuple "même avec ses défauts" si on veut le « libérer » sinon, pourquoi libérer un peuple considéré médiocre ? ». Il y a un malentendu : je ne cherche pas à mépriser la population que je considère médiocre sur le plan citoyen, je cherche à détromper les militants, ceux à qui je m’adresse sur Vigile, ceux qui pensent que beaucoup de québécois pensent comme nous et qu’il suffit de forcer fort pour arriver à l’indépendance. Vous comprenez, j’espère, que jamais je ne cherche à insulter qui que ce soit, malgré les apparences. Je m’inclus dans la population, j’essaie de décrire son comportement afin de mieux agir en conséquence.
    ***
    Bonjour Mme Vallée, comme je le disais, je ne cherche pas à culpabiliser les gens de chez nous, j’en suis et je ne suis pas meilleur que les autres, je veux dessiller les yeux de ceux qui sont en position d’agir. Et il me semble que nous les militants, nous appréhendons mal la réalité. Mme Vallée, vous vous trompez, il n’y a pas 45% d’irréductibles indépendantistes, il y en a beaucoup moins. Je ne vois nulle part, sauf dans certains milieux politisés, des volontés d’émancipation, de liberté. Les gens sont des producteurs/consommateurs/bénéficiaires. Nous sommes des enfants citoyens. On ne parle pas de la bonne façon aux gens, voilà ce que je dis. On s’y prend mal, jamais on y arrivera de cette façon. Avant d’essayer de convaincre, il faudrait faire grandir les citoyens, les politiser minimalement.
    Le cynisme envers les politiciens a entrainé le cynisme envers toute chose politique. Nous sommes conditionnés à penser que ce n’est pas important. La plupart des gens sont assez fiers de déclarer se tenir loin de la politique, ils croient vraiment que c’est là l’attitude la plus sage étant donné les circonstances. Tout va bien, pourquoi se casser la tête ?
    ***
    Bonjour M. Le-Québécois, le vent de droite a soufflé un peu partout en Occident mais il semble s’atténuer depuis quelques temps. Je crois bien que la solidarité a dû s’amenuiser un peu partout, l’individualisme s’est ancré solidement. Les gens sont confortables, ici, mais ailleurs aussi. Tout cela concourre à stabiliser les structures politiques existantes. Les nations les plus solidement installées deviennent plus conservatrices. Ça donne des actes comme celui de Sarkosi envers les Québécois, et notre inertie habituelle.
    Vous demandez pourquoi les québécois cherchent la stabilité à tout prix. D’abord à cause de ce que je disais précédemment, c’est une tendance lourde. Mais aussi parce qu’en fait, il n’y a jamais eu de projet sérieux présenté à la population. On laisse entendre qu’après l’avènement de l’indépendance, quand nous serons un pays, tout sera comme avant. On fera les choses comme nous le voulons, oui, mais on ne changera pas grand-chose en fait. Ce n’est pas très intéressant. Le risque est beaucoup trop grand par rapport aux bénéfices.
    Comment les toucher alors ? On pourrait commencer par s’exprimer publiquement, mondialement je veux dire. Pas publiquement dans notre petite province, mais en une déclaration formelle d’un peuple souverain. Comportons-nous comme une nation, bon sens, en tout temps. Nos représentants devraient se prononcer sur la barbarie d’Israël, et l’odieuse complicité de l’anglosphère. Nous aurions dû dénoncer haut et fort tous les coups fourrés d’Ottawa, et réagir. Jamais jamais un gouvernement québécois ne s’est levé contre le fédéral. Le jour où, fort d’un appel à la population, le Québec dit non au fédéral (comme ce changement unilatéral de la péréquation), on commencera à grandir, à se politiser. Donc forcément à comprendre à quel point nous nous faisons avoir constamment dans ce Canada. Un autre appel à la population pour que seul le Québec perçoive tous les impôts et remette dans un deuxième temps ce qui revient au fédéral. Les sommes que ce dernier retient depuis des années (depuis l’ajustement de la TVQ et de la TPS par exemple), nous pourrions les retenir unilatéralement. C’est cela agir en nation souveraine. Je parlais de la péréquation : nous garderons la différence tant qu’il n’y aura pas de discussion, voilà. On dira que ce n’est pas possible, constitutionellement, etc. : quand la population dit OUI à 60-70%, tout est possible.
    Nous parlons tout croche aux gens, nous ne captons pas leur attention.
    ***
    Bonjour M. Tremblay, l’action du PQ ne serait pas inconsciente selon vous ? Très bien, j’en serais étonné mais je ne veux pas m’obstiner là-dessus.
    Vous vous trompez à moitié, je dirais, sans vouloir vous bousculer. Il n’y a pas 40% d’indépendantistes, je ne crois pas cela. Mais leur nombre plus restreint est quand même une grande force, vous avez raison.
    Mais vous ajoutez « À 20$ par an chacun pour des fonds de mobilisation, c’est 40 million$ par an. Après dix ans, c’est un fond accumulé qui fait de ce groupe un incontournable électoral. » Vraiment, vraiment, vous appréhendez mal la réalité, c’est mon avis. Je ne dis pas que mon discours vaut mieux que le vôtre, cependant. Le PQ est un éteignoir, je suis bien d’accord.
    ***
    Bonjour M. Haché, suis-je démissionnaire ? Il m’apparaît que sur aucun des actes politiques agressifs que nous subissons, il n’y a d’indignation minimale. Nous sommes des spectateurs. Quand je dis 60%, je ne parle pas d’un résultat référendaire, la logique démocratique est formelle, c’est 50% +1. Je dis qu’on y arrivera jamais en se comportant comme on le fait.
    Une volonté politique nationale, exactement, c’est ce qui nous manque. L’indépendance politique est possible, oui.
    Vous dites « Qu’ont donc à craindre les leaders souverainistes et indépendantistes ? L’apathie du peuple québécois ? Cela me semblerait, M.Bouchard, une mauvaise lecture de la situation. » C’est bien ce que je dis.

  • Marcel Haché Répondre

    4 février 2009

    Vous avancez 60 %.Il y aura toujours un démissionnaire quelque part pour réclamer 62-63 %.La vérité est que le pouvoir politique du Québec n'a rien à voir avec des pourcentages, mais avec une volonté politique nationale.Des députés décidés et inspirés pourraient suffire.L'indépendance du Québec est possible.
    Mme Mance Vallée a bien raison:faut cesser de tourner autour du pot.Très certainement,Il faudrait que la députation du P.Q.se
    branche sur la réalité de la nation, et non pas seulement sur sa position, sur la"position" du parti,et cesse d'appeler elle-même,cette députation, à ce que Mme Vallée nomme la "quadrature du cercle".
    Notre nation peut se passer,enfin, de la reconnaissance du président de la France.Le mouvement souverainiste n'en serait que plus adulte, et moins "bénéficiaire",pour reprendre votre mot,moins à la remorque de tout le "jaspinage" franco-québécois. Et puis,Sarkozi n'est quand même pas la France.Pas plus que Desmarais n'est le Québec !
    Nos élites, cependant,pourraient s'intéresser au sort de la nation.Notre nation ne va pas disparaître de sitôt.En fait,ce sont les élites actuelles,bien avant le peuple québécois,qui pourraient être remplacées par le phénomène que plusieurs appellent ici,sur Vigile,la canadianisation,qui ressemble a une forme ultime de colonialisme.Me semble que des intérêts bien compris...ne peuvent pas passer par le P.L.Q.
    Tout cela arrive à point maintenant : la faible majorité libérale fait bien ressortir qu'il s'agit d'un gouvernement faible(petite majorité).Qu'ont donc à craindre les leaders souverainistes et indépendantistes ?L'apathie du peuple québécois ?Cela me semblerait,M.Bouchard, une mauvaise lecture de la situation.
    Les récentes déclarations du président français pourraient bien précipiter les choses.Et les précipiter bien plus loin, et dans une toute autre direction,que ne l'aurait souhaité Jean Charest lui-même.
    Il n'en tient qu'à la majorité au Québec,c'est-à-dire la majorité nationaliste.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 février 2009

    "Sans s’en rendre compte, le PQ a favorisé ce conditionnement qui nous fait disparaître."
    Prouvez-le. Moi je n'y crois pas un seul instant.
    Le PQ est un éteignoir. C'est son rôle depuis 1996.
    40% d'indépendantistes c'est une force énorme. C'est cette force dont le PQ est mandaté pour étouffer, matter, faire rêver dans l'innaction. Tout à fait consciemment.
    Ce n'est pas compliqué. 40% c'est 2,000,000 d'indépendantistes. À 20$ par an chacun pour des fonds de mobilisation, c'est 40 million$ par an. Après dix ans, c'est un fond accumulé qui fait de ce groupe un incontournable électoral.
    Voilà pourquoi le PQ est un éteignoir. Un tel groupe d'indépendantistes peut alors choisir son parti selon ses intérêts, pas nécessairement ceux des apparatchiks du PQ.
    C'est pourquoi le PQ, même au pouvoir, ne fait jamais de campagne pour inviter les indépendantistes à donner à la SSJB. C'est en fait cette institutions qui devrait être notre institution civile de défense de nos intérêts.
    Aujourd'hui, face à cette basse oeuvre sur les Plaines, nous aurions les moyens pour des autobus afin de rassembler tout le monde et les conduire à Québec. Nous aurions des tentes géantes pour loger tout le monde et nous ferions des fêtes le soir après nos manifestations, nous contant notre histoire, chantant nos chansons, acclamant nos victoires, toute la grande famille, puis dormant côte à côte nous ferions des enfants.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    4 février 2009

    Peut-être que l'une des bases de notre problème, c'est qu'il semblerait ne pas (ou ne plus) exister de sentiment de solidarité, entre Québécois. Nous formons une nation, mais on dirait que chacun voit le monde à-travers le prisme de son petit confort personnel. Et que le Québécois moyen, recherche la stabilité à tout prix; l'incertitude, l'inconnu, voire le fait d'avoir à prendre sa responsabilité de réaliser l'indépendance (au lieu de remettre la question à plus tard), ça fait très peur, à la nation des René Lévesque et des Victor Lévy Beaulieu.
    Mais, pourquoi?
    On a déjà dit de nous, que nous souffrions d'immaturité politique...

  • Archives de Vigile Répondre

    4 février 2009

    M. Bouchard,
    Ne tournons pas autour du pot et cessons de nous culpabiliser. Il y a les irréductibles de l'indépendance et/ou de la souveraineté ( environ 45% bon an, mal an); et il y a les irréductibles du fédéralisme parmi lesquels des milliers de nouveaux arrivants qui n'ont rêvé que de l'Amérique pendant des années. À la limite, ils se contentent du Canada, bien qu'ils aient préféré les États-Unis sans doute. Qu'ont-ils à faire d'un Québec indépendant? Et de la langue française?
    50 000 immigrants par année, voilà ce que les lobbys économiques et financiers, de même que nos gouvernements ont besoin pour maintenir notre système et vendre leurs guenilles. Bien sûr à condition qu'ils trouvent de l'emploi.
    C'est la quadrature du cercle.
    Marie Mance Vallée

  • Archives de Vigile Répondre

    4 février 2009

    À M. Pierre Bouchard qui écrit : «Je hais notre médiocrité toute québécoise.»
    Je comprend notre frustration et notre désir de nous améliorer mais je ne crois pas que les Québécois soient plus médiocres que les autres peuples même s’il nous manque un peu de vocabulaire comparé à nos cousins de France. C'est vrai que nous avons réélu M. Charest mais nos voisins américains avaient bien réélu W. Bush, ce qui n’est pas mieux, vous en conviendrez.
    Faut commencer à mieux apprécier son peuple "même avec ses défauts" si on eut le « libérer » sinon, pourquoi libérer un peuple considéré médiocre ?
    Nous sommes séparés entre souverainistes et fédéralistes mais on ne se lance pas des bombes, même si on a une petite tendance à l’insulte entre les deux camps, ce qui n'est pas nécessaire. Certains pensent encore que pour convaincre plus de Québécois de notre option constitutionnelle, il faut commencer par l’insulter. Allô !
    Les Québécois ne sont pas plus conditionnés qu'ailleurs, c'est mondial. Les humains tendent à conditionner leurs voisins depuis l'âge de pierre par la parole ou la menace de lui lancer un caillou sur la boîte à poux avant d'en faire un ragoût.