Moyen-Orient: nouvelle guerre froide entre la Chine et les États-Unis

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La Chine prend pied en Israël


Le Moyen-Orient va-t-il devenir un nouveau terrain d’affrontements entre la Chine et les États-Unis? Alors qu’Israël est mis sous pression par Washington à cause de son rapprochement avec Pékin, Désalliances l’Entretien a posé cette question à Pierre Picquart, docteur en géopolitique et spécialiste de la Chine.




Face à la montée en puissance exponentielle de la Chine, les États-Unis, et notamment l’Administration de Donald Trump, pourraient utiliser le Moyen-Orient comme nouveau théâtre d’affrontement pour la domination mondiale.


De l’Iran à l’Égypte, de la péninsule arabique à l’Anatolie, Pékin place ses pions et semble contester l’hégémonie américaine affaiblie et dont l’image est fortement décrédibilisée.


Alors, le Moyen-Orient, nouveau centre de la rivalité entre les États-Unis et la Chine?


Pierre Picquart, docteur en géopolitique et géographie, auditeur associé à l’IHEDN 75 (Institut des hautes études de la défense nationale), est le nouvel invité de Désalliances l’Entretien. Auteur de La renaissance de la route de la soie –L’incroyable défi du XXIe siècle (Éd. Favre), ce spécialiste du monde chinois a récemment parcouru le Moyen-Orient. Il dresse pour Sputnik une esquisse de la stratégie chinoise dans cette région en pleine tourmente.


Comment Pékin s’invite en Israël


Le cas d’Israël en est sûrement le meilleur exemple. En effet, les États-Unis, par l’intermédiaire de leur Secrétaire d’État Mike Pompeo, ont récemment tancé leur fidèle allié au Moyen-Orient. La raison principale serait le développement de la relation économique entre Tel-Aviv et Pékin et leur rapprochement stratégique. Pierre Picquart explique que la Chine tente de combler l’écart avec son rival:


«La Chine rattrape peu à peu sa part du marché au regard des États-Unis; ces derniers sont à 12% et aujourd’hui la Chine est à un peu plus de 7%. La Chine est donc le deuxième pays le plus important dans les relations bilatérales avec Israël. Et qui l’eut cru, parce que c’est relativement nouveau et aujourd’hui, la Chine a des relations privilégiées avec Israël.»

La gestion d’infrastructures constitue l’un de ses axes d’investissements privilégiés. Ainsi, le port d’Haïfa, qui ravitaille les navires américains en Méditerranée, a-t-il été confié par le gouvernement de Netanyahou à Pékin à partir de 2021. Et c’est une réelle difficulté pour Washington.


De plus, la première puissance mondiale doit aussi composer avec la toile tissée par la Chine, magnifiquement illustrée par les nouvelles routes de la soie. En effet, Pierre Picquart rappelle que l’empire du Milieu investit considérablement et pour de nombreuses années encore dans la région, développant et solidifiant ainsi ses relations avec l’ensemble des pays du Moyen-Orient: l’Iran, l’Irak, la Syrie ou encore la Turquie et l’Égypte.


Pékin intervient, mais ne s’ingère pas


Israël est aussi un exemple représentatif de l’ambition chinoise au Moyen-Orient. Pierre Picquart rappelle que, contrairement à l’approche américaine, la Chine défend la neutralité et la non-ingérence: «la Chine va à la fois défendre les intérêts des uns et les intérêts des autres». Cependant, cette politique n’est pas synonyme de faiblesse. En effet, dans le conflit israélo-palestinien ou celui qui se déroule en Syrie ou contre l’Iran, Netanyahou veut connaître la position de son partenaire en se rendant parfois même à Pékin.


À la question de savoir si la Chine pourrait adopter les techniques invasives dont les États-Unis sont familiers, Pierre rappelle que cela ne correspond pas à la stratégie chinoise, Pékin n’ayant pas comme ambition d’imposer son modèle, contrairement à la puissance interventionniste américaine. Il rappelle que la politique étrangère chinoise a été modelée par son histoire:


«La Chine est un grand territoire et elle a eu du mal pendant de nombreux siècles à maintenir l’unité nationale. Donc elle n’avait pas besoin fondamentalement, à part quelques guerres frontalières, de mener des conflits lointains. De plus, les Chinois ne sont pas un peuple batailleur.»

Enfin, et c’est une dimension de premier ordre dans la gestion des affaires moyen-orientales, Pierre Picquart explique que la Chine a pris conscience du problème du terrorisme dès l’attentat des tours jumelles américaines de 2001, bien que cela n’ait pas empêché de nombreuses attaques sur le sol chinois, et notamment celle de la gare de Kunming de 2014.