Bonne sortie, dimanche, d'André Boisclair à la défense de Montréal, la métropole en butte à sa puissante rivale Toronto (qui gagne à tout coup, même dans le domaine culturel, qui devrait être l'une des forces de Montréal), à la méfiance des "régions" et à l'hostilité ouverte de Québec, où les bloquistes locaux l'ont désignée comme bouc émissaire du recul de leur parti dans la vieille capitale.
(Ces derniers, aveuglés par le chauvinisme, ont écarté l'explication la plus plausible : les électeurs de Québec ont voté conservateur parce que ce parti correspondait mieux à leurs valeurs et parce que, peut-être, ils en avaient assez de se voir enfoncés, avec le Bloc, dans l'opposition perpétuelle. Quoiqu'il en soit, il est franchement loufoque de voir les bloquistes de la ville de Québec attribuer leurs malheurs à la " montréalisation " du Bloc, ce parti ayant, comme tous les autres, le regard rivé sur les régions.)
Aussi était-il rafraîchissant de voir le chef péquiste prendre fait et cause pour Montréal, en s'engageant à donner à la ville des sources de revenus susceptibles de permettre à la métropole de sortir de la crise financière. On devine que s'il n'en tenait qu'à lui, André Boisclair, Montréalais de toujours et urbain jusqu'au bout des ongles, ferait du relèvement de Montréal sa grande priorité personnelle. Hélas, il n'aura pas le choix, car la politique obéit à d'autres lois...
Rien n'a changé, rien ne changera : les libéraux ignorent Montréal parce qu'ils y ont des châteaux forts qu'ils tiennent pour acquis, et les péquistes ignorent Montréal parce que leur grande force est en région. Ne parlons pas de l'ADQ, qui n'a aucun intérêt à gaspiller ses maigres ressources dans la métropole.
Cela, évidemment, est exacerbé par les distorsions de la carte électorale, qui privilégie les électeurs des régions rurales. Le vote d'un Gaspésien pèse au moins deux fois plus lourd que celui d'un Montréalais...
Et voilà pourquoi Jean Charest " met le paquet " sur les régions avec un zèle qui n'ira qu'en s'intensifiant, et voilà pourquoi le PQ, malgré les bonnes intentions de son chef, sera très vite ramené à son objectif ultime, qui est de conserver son avance en région. C'est ppeut-être pour cela que M. Boisclair a fait sa sortie montréalaise avant le début de la campagne. Dès l'émission des brefs, les priorités seront dans le 450, le 418 et le 819.
M. Boisclair a quand même mis le doigt sur le principal problème de Montréal : l'exode vers la banlieue de sa classe moyenne. Ces dernières années, dit-il, Montréal a perdu quelque 70 000 citoyens au profit de la périphérie, ce qui " crée des pressions sur les services publics, augmente l'usage de l'automobile et prive Montréal d'une classe moyenne dynamique dont elle a besoin pour se développer. "
Saisissante illustration de l'oubli politique dont souffre la métropole, l'un des poids lourds du gouvernement Charest, Philippe Couillard, abandonne son comté de Mont-Royal pour aller prendre la relève de Margaret Delisle dans Jean-Talon.
Le ministre a des raisons personnelles pour ce faire (sa famille vit déjà à Québec), et le PLQ gagne doublement à ce transfert : M. Couillard lui conservera probablement un comté menacé par l'ADQ, et M. Charest pourra offrir le comté très sûr de Mont-Royal à un candidat-vedette.
Pour Montréal, faut-il dire, le départ de M. Couillard ne représente pas une bien grosse perte. La seule opération marquante que ce dernier a effectuée dans la métropole est d'avoir magouillé, avec ses fonctionnaires de la Grande-Allée, pour priver Montréal de la possibilité d'avoir un hôpital universitaire de stature internationale.
Mais pour l'instant, force est de constater qu'à l'exception de Monique Jérôme-Forget, Raymond Bachand et Line Beauchamp, tous les ténors du gouvernement Charest sont en dehors de Montréal. Le premier ministre y habite, certes, mais l'on n'a jamais senti chez lui de passion particulière pour Montréal. On ne peut le lui reprocher, cependant.
Même Robert Bourassa, un natif de Montréal, même René Lévesque et Bernard Landry, qui avaient vécu toute leur vie d'adulte à Montréal, ne se sont jamais vraiment investis dans le développement de Montréal. M. Landry avait tenté de donner un statut spécial à Montréal, en créant un " ministère de la métropole ", mais il dut rapidement diluer son initiative en créant un " ministère des régions " pour apaiser la grogne des députés des régions.
En ce domaine, malheureusement, demain ressemblera probablement à la veille...
lgagnon@lapresse.ca
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