Montebello: un certain mépris

Les trois leaders réunis à Montebello tiennent les opposants au PSB en piètre estime

Sommet de Montebello - 20 et 21 août 2007



Montebello -- Les trois leaders réunis jusqu'à hier à Montebello ont démontré à quel point ils n'accordaient pas d'importance aux critiques citoyennes formulées à l'endroit du Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP) qu'ils s'efforcent de bâtir, assimilant ces critiques à des «mythes sympathiques», à des «conspirations» ou encore à de «grands complots» à leurs yeux sans fondement. Ils se sont toutefois engagés à plus de transparence, promettant de faire rapport régulièrement à la population sur l'état d'avancement de leurs travaux.

Le sommet de deux jours réunissant le premier ministre Stephen Harper et ses homologues des États-Unis et du Mexique, George W. Bush et Felipe Calderón, s'est terminé hier midi, plus tôt que prévu, le président mexicain désirant retourner chez lui pour le passage de l'ouragan Dean. Les leaders se sont entendus sur un certain nombre de dossiers, quoiqu'en des termes très flous et généraux. Ils ont toutefois mis de côté les formules creuses pour manifester tout leur mépris envers les opposants du PSP.
Les critiques envers le PSP se sont multipliées au cours des dernières semaines. Elles s'articulent autour d'une crainte que le Canada (ou le Mexique ou les États-Unis, selon le pays où l'on habite) ne perde sa souveraineté en consentant à une harmonisation de sa réglementation avec ses deux autres partenaires pour faciliter le commerce transfrontalier. Certains soupçonnent le Canada de discuter en douce l'exportation d'eau canadienne en vrac avec les États assoiffés américains. D'autres croient à la construction, planifiée en secret, d'une gigantesque autoroute en partance du nord du Mexique jusqu'au Manitoba. Les leaders, loin de tenter d'apaiserles craintes, les ont tournées en ridicule.
Harper rigole
Le premier ministre Harper a d'abord rigolé au sujet de cette autoroute, «peut-être interplanétaire, je ne sais pas», pour ensuite raconter le cas du confiseur canadien Ganong. Le président, David Ganong, faisait partie du club sélect des 30 entrepreneurs invités hier matin à faire rapport aux trois leaders sur la compétitivité nord-américaine.
«Cet homme d'affaires nous a raconté que les règles pour les fèves à la gelée [jelly beans] sont différentes au Canada et aux États-Unis et qu'il devait donc garder deux inventaires séparés, a raconté M. Harper. La souveraineté du Canada est-elle compromise si nous uniformisons les fèves à la gelée? Je ne le crois pas. Peut-être [le chef libéral Stéphane] Dion le croit-il, mais je ne le crois pas. Il s'agit de discussions pragmatiques, pratiques.» Plus tard, M. Harper a tenu à répéter certains de ses commentaires en français, parlant cette fois de «grands complots envisagés par les chefs de l'opposition».
Le président mexicain, Felipe Calderón, a parlé de «mythes» à propos du PSP, qu'il trouve «sympathiques», et le président américain a ajouté qu'il «y a des gens qui veulent effrayer nos concitoyens en leur faisant croire que les discussions entre nous sont dommageables pour nos populations. Je crois qu'ils ont tort». Il a continué en condamnant ceux qui utilisent une tactique politique vieille comme la terre, «tactique consistant à bâtir une conspiration et à forcer les autres à prouver qu'elle n'existe pas».
Rapport annuel à l'horizon
Quoi qu'en disent les leaders, toutefois, ils ont consenti hier à rendre leurs travaux un peu plus transparents en promettant des rapports d'étape. Les trois politiciens ont donné leur accord à un «cadre de coopération en matière de réglementation», qui vise à poursuivre l'uniformisation entre les trois pays, en particulier dans les domaines des produits chimiques, de l'automobile, des transports et des technologies de l'information et des communications.
Un des objectifs du PSP est en effet d'harmoniser le plus possible la réglementation nord-américaine afin de faciliter l'échange de biens. Cette harmonisation a déjà débuté, non pas en confiserie, mais dans le domaine des pesticides, le Canada et les États-Unis s'étant par exemple entendus pour graduellement standardiser les niveaux tolérés de résidus de pesticides sur les fruits et légumes mis en vente. Cette décision n'a jamais fait l'objet d'un projet de loi à la Chambre des communes, d'où les critiques.
C'est en réponse à ces critiques que le «cadre de coopération» prévoit la mise en place d'un «comité» qui «suivra les progrès accomplis et présentera des rapports aux dirigeants, aux ministres et à la population». Ce comité sera composé de fonctionnaires provenant des ministères discutant des changements et des agences réglementaires. «Le comité fera rapport sur une base annuelle», explique la directrice des communications du premier ministre, Sandra Buckler. «Cela augmentera la transparence et la responsabilité du processus.»
Dion insatisfait
Stéphane Dion, qui réclamait la semaine dernière de tels rapports d'étape, s'en dit aujourd'hui insatisfait. «Il faut que ce soit les institutions démocratiques qui soient saisies» de ces rapports, explique-t-il, sans quoi leur divulgation reste soumise au bon vouloir du premier ministre. «Cela doit être systématique.» Il a de manière générale critiqué le premier ministre pour ne pas avoir abordé certains sujets qui lui tenaient à coeur, notamment le sort d'Omar Khadr, ce Canadien emprisonné à Guantánamo depuis cinq ans et que les États-Unis n'ont toujours pas jugé.
Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, réagira aujourd'hui aux conclusions du sommet. Le NPD a quant à lui reproché à M. Harper son manque de respect envers les opposants au PSP. «Le premier ministre a déshonoré son poste et insulté l'ensemble des Canadiens, a dit la députée Libby Davies. Il devrait s'excuser auprès des manifestants pacifistes qui ont assisté aux manifestations au sommet [...]. Les Canadiens qui expriment leurs inquiétudes n'ont pas à être abaissés ni mis de côté.»
Influenza et autres pandémies
Les trois chefs d'État et de gouvernement se sont aussi entendus pour se doter d'un plan d'action commun contre la grippe aviaire ou une pandémie de grippe. Ils ont demandé à leurs ministres de «supprimer tout obstacle qui pourrait empêcher le déploiement rapide d'équipement, de fournitures et de personnel essentiels n'importe où en Amérique du Nord en cas de besoin».
Ils ont aussi demandé à leurs ministres respectifs d'harmoniser les normes d'efficacité énergétique, notamment pour les voitures. Les leaders ont accouché d'une stratégie pour la protection de la propriété intellectuelle, qui se résume à la mise en commun de pratiques exemplaires pour dissuader et sensibiliser la population. Enfin, faisant écho aux nombreux cas de produits chinois contaminés, les dirigeants entendent poursuivre les discussions sur les moyens de resserrer la sécurité des produits importés.


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