«Mon père va me tuer!»

Le juge a envoyé un message clair en parlant des « motivations répugnantes » de cet assassinat.

« motivations répugnantes »



Quel ado n'a jamais lancé cette phrase dramatique? Aqsa Parvez, hélas, n'exagérait pas. Le père et le frère de cette Ontarienne d'origine pakistanaise viennent d'être condamnés à la prison à vie pour meurtre, sans possibilité de libération avant 18 ans. Ce crime nous interpelle tous. Il est temps de réaliser que certains jeunes mettent littéralement leur vie en danger lorsqu'ils défient l'autorité familiale.
Aqsa Parvez, 16 ans, a été étranglée à mains nues en décembre 2007, dans la résidence familiale de Mississauga. Crime d'honneur? Il faut aller au-delà de cette formule spectaculaire. L'exposé des faits déposé en cour devrait être une lecture obligatoire dans les milieux des services sociaux et de l'éducation. En fait, le plus de gens possible devraient en prendre connaissance*. Il a fallu des décennies de sensibilisation pour qu'on développe, collectivement, le réflexe de s'en mêler lorsqu'on soupçonne un enfant d'être maltraité. La même prise de conscience s'impose pour les jeunes de certaines communautés culturelles.
Aqsa était la plus jeune de huit enfants, tous nés au Pakistan. Elle et ses quatre soeurs avaient toutes été unies ou promises à des cousins pakistanais par mariage arrangé. Aucune des femmes de la famille n'avait jamais eu d'emploi. Aqsa était la première à refuser l'hijab, à s'habiller à l'occidentale et à vouloir travailler à temps partiel.
Ses conversations téléphoniques et ses déplacements étaient strictement contrôlés. Les autorités scolaires ont dû évoquer la loi de l'éducation pour empêcher son père de la retirer de l'école. Lui et d'autres membres de la famille rôdaient autour de l'établissement pour voir si elle portait son hijab. Elle avait confié à une amie que son père avait juré sur le Coran de la tuer si elle s'enfuyait de la maison une deuxième fois. Deux semaines plus tard, Aqsa était morte.
La jeune femme n'a pas été totalement abandonnée à son sort. Des responsables de l'école ont rencontré sa famille et lui ont trouvé une place dans un refuge la première fois où elle a eu peur de rentrer chez elle. Des amis l'ont aussi hébergée. Mais jamais il n'y a eu de plainte à la police. Sa famille a toujours pu l'approcher librement. Et lorsque son frère Waqas a dit à un collègue qu'il cherchait un pistolet pour tuer sa soeur, et que son père s'accuserait du meurtre, celui-ci n'a rien fait. Il ne l'a dénoncé qu'après le crime.
Le juge a envoyé un message clair en parlant des « motivations répugnantes » de cet assassinat. Mais d'autres devront s'interroger. A-t-on fait tout ce qu'il fallait pour protéger cette jeune Canadienne de sa famille? Il faudra aussi se poser la question au sujet des quatre femmes de la famille Shafia, de Montréal, retrouvées noyées dans une voiture à Kingston.
Ne laissons pas la religion ou l'origine culturelle fausser notre jugement. Une menace de mort et un projet de meurtre devraient toujours être pris au sérieux, peu importe de qui ils viennent, et pourquoi.
* http://www.scribd.com/doc/33096133/Parvez-case-Agreed-Statement-of-Facts


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