J’avais 28 ans quand, le 8 novembre 1989, le Mur de Berlin est tombé.
Deux ans plus tard, le 26 décembre 1991, ce fut la dissolution officielle de l’URSS.
Nous pensions que la démocratie allait s’imposer partout.
Certains régimes autoritaires dureraient encore, mais tous seraient, éventuellement, emportés par le vent de la liberté.
Reculs
Aujourd’hui, on voit plutôt se multiplier les « démocratures », c’est-à-dire les régimes qui ont des apparences de démocratie, mais aussi des traits propres aux dictatures : droit travesti, élections truquées, liberté d’expression muselée, etc.
Le leader y est souvent un narcissique autour duquel se déploie un culte de la personnalité. Le mot « démocrature » entrera d’ailleurs dans le Larousse de 2019.
Voyez Poutine en Russie, Erdogan en Turquie, Maduro au Venezuela, Duterte aux Philippines, Orban en Hongrie, Kaczynski en Pologne.
Voyez ce qui arrive en Biélorussie, au Kazakhstan, en Ouzbékistan, en Slovaquie et ailleurs.
En Chine, le régime, loin de se libéraliser, serre la vis et confie le pouvoir à vie à Xi Jinping.
En Afrique, 34 des 54 pays sont des « démocratures ». Au Moyen-Orient, le « printemps arabe » a complètement échoué.
Les États-Unis sont indiscutablement une démocratie, mais voyez l’autoritarisme et le népotisme de Trump.
Il interdit l’accès à la Maison-Blanche aux médias trop critiques, et sa famille utilise son pouvoir politique pour faire avancer ses intérêts commerciaux.
Plus inquiétant encore, nos jeunes, qui détestent paradoxalement toute contrainte dans leur vie quotidienne, valorisent moins la démocratie que leurs aînés.
En octobre 2017, Pew Research révélait que 46 % des Américains de 18 à 29 ans préféreraient être gouvernés par des « experts » plutôt que par des élus, comparativement à 36 % chez les plus de 50 ans.
Les chercheurs Mounk et Foa ont trouvé que seulement 19 % des milléniaux américains sont d’accord avec l’énoncé : « un coup d’État militaire n’est pas légitime dans une démocratie ».
Un quart d’entre eux estime « que choisir des dirigeants au moyen d’élections libres n’est pas important », comparativement à 14 % chez les baby-boomers.
On observe ce moindre attachement à la démocratie chez les jeunes comparativement à leurs aînés dans beaucoup d’autres sociétés occidentales.
Voyez la montée fulgurante, sur les campus universitaires, de la censure à l’encontre des discours que les jeunes désapprouvent.
Pouvez-vous les imaginer acceptant d’aller combattre pour sauver la démocratie, comme nos grands-pères en 1939-1945 ?
Pourquoi ?
Est-ce parce qu’il n’y a plus – hormis l’islamisme – de menaces existentielles, comme le furent jadis le communisme et le fascisme ?
Devient-on alors plus sévères envers nos propres sociétés et moins capables d’imaginer une vie privée de nos libertés démocratiques ?
Nous avons tort de croire que la démocratie est l’avenir radieux vers lequel nous cheminons inévitablement.