Meilleur avant trois mandats?

IDÉES - la polis


Sur la scène politique québécoise, l'annus horribilis 2010 se terminera comme elle a commencé. Avec le gouvernement Charest condamné à payer le prix pour son refus entêté d'instituer une commission d'enquête sur les cinq "C" - corruption, collusion, construction, contrats publics et collecte de fonds.
Résultat: une forte majorité de la population n'écoute plus ce gouvernement qui ne l'écoute pas. Il n'y a plus de service au numéro que vous avez composé.
Comme me le disait un bon ami: "Que de belles conversations politiques en perspective pour les repas du temps des Fêtes. La dinde va être pimentée ce Noël." En effet.
Dans un tel contexte, les partis d'opposition cherchent à occuper le terrain de l'éthique laissé vacant par le gouvernement. Et ils le feront, c'est certain, jusqu'à la prochaine élection.
Armée d'un document intitulé Pour rétablir la confiance et l'intégrité. Faisons tous ensemble le ménage, Pauline Marois y est donc allée de 16 propositions pour, dit-elle, assainir les moeurs politiques.
La première était déjà connue: créer la fameuse commission d'enquête refusée par M. Charest.
Mais aussi, entre autres, nommer un procureur indépendant pour en rédiger le mandat et choisir les commissaires, étendre le pouvoir du Vérificateur général à Hydro-Québec, ramener une masse critique d'experts dans la fonction publique pour éloigner le processus d'octroi des contrats de certaines influences indues, etc...
S'inspirant surtout de l'exemple américain où, depuis un amendement constitutionnel adopté en 1951, aucun président ne peut gouverner plus de deux mandats, le PQ propose aussi d'imposer la même limite aux premiers ministres. Avec un maximum de dix ans, selon la plus longue échéance au pouvoir.
Est-ce un bon remède?
La liste de Noël du PQ a sûrement le mérite d'ouvrir le débat. Mais encore faudrait-il le faire de manière plus cohérente et mûrement réfléchie. Quant à cette question des deux mandats, est-ce même le bon débat à faire? Est-ce un bon remède pour redonner confiance aux Québécois? Pas vraiment.
Les présidents sont élus directement au suffrage universel. Par contre, dans notre système parlementaire, devient premier ministre le chef du parti qui obtient le plus de sièges à l'élection. Ce qui est fort différent.
Selon Louis Massicotte, professeur de science politique à l'Université Laval, le changement serait néanmoins possible par l'adoption d'une loi dite ordinaire.
Or, une loi ordinaire peut également être abrogée par la suite pas mal plus facilement qu'un amendement constitutionnel...
L'important est toutefois de savoir si une telle limite aiderait à combattre le favoritisme partisan, la corruption ou le détournement de fonds publics dans de mauvaises mains, dont celles de la mafia. Donc, d'"assainir" les moeurs politiques.
Franchement, le lien de cause à effet est loin d'être évident.
Qui plus est, de toute manière, les premiers ministres ayant obtenu plus de deux mandats majoritaires consécutifs demeurent de véritables cas d'exception.
Quant à Jean Charest, note Louis Massicotte, même son ingérence alléguée dans la nomination de juges, si fondée, aurait eu lieu dès son premier mandat. Ce qui veut dire que même si la date de péremption de dix ans proposée par le PQ lui avait été appliquée, cela n'y aurait rien changé.
Et au fait, en démocratie, le temps passé au pouvoir change-t-il vraiment la nature profonde d'un homme ou d'une femme? L'Histoire nous enseigne pourtant que non. Un chef de gouvernement a la fibre éthique élastique, ou il ne l'a pas. Point à la ligne.
On dit que le pouvoir absolu corrompt absolument, mais les années?
En entrevue, le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard, explique que c'est plutôt le "renouvellement" politique que cette proposition vise. Comme dans renouveler le PM et donc, la "vision" d'un gouvernement.
M. Bédard donne comme exemple messieurs Parizeau, Bouchard et Landry - trois PM consécutifs et chefs d'un même parti, mais aux idées radicalement opposées sur certaines questions de fond. Très vrai.
Sauf que ces changements furent en fait précipités par la conjoncture de l'époque, soit la démission de M. Parizeau après le référendum en début de premier mandat. Et nul besoin de préciser que ce "renouvellement" ne fut pas pour le mieux.
Pour ce qui est de Jean Charest, s'il est vrai qu'il en est à son troisième mandat et que ça craque de partout, la réalité est qu'il n'est au pouvoir que depuis sept ans et demi. À peine l'équivalent de deux mandats "normaux".
Pardon? Vous dites que ça vous a semblé nettement plus long? Peut-être, mais ça, c'est une autre histoire...
Et même lorsqu'un pourcentage suffisant d'électeurs viennent à vouloir garder un PM plus de deux mandats, ce qu'ils font très rarement, n'est-ce pas leur choix de le faire? Que ce soit pour le meilleur ou pour le pire?
Allez demander à une majorité d'Américains s'ils n'auraient pas préféré conserver Bill Clinton au lieu de se taper George W. Bush pour cause d'obligation de tout président de ne pas faire plus de deux mandats...
Il existe pourtant déjà des outils en démocratie pour renouveler la direction d'un État: s'exprimer haut et fort entre les élections et voter lorsqu'elles ont lieu.
Des outils efficaces. Parfois même redoutables. Bien sûr, lorsqu'on s'en sert.


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