Le plus important syndicat de professeurs britanniques reçoit d'innombrables critiques parce qu'il envisage le boycottage des universités israéliennes. Ici même, les recteurs de trois des quatre universités montréalaises (McGill, Concordia et UdeM) ont pris la peine de publier des déclarations officielles pour condamner la décision au nom de la liberté universitaire.
Ce serait «une violation flagrante des valeurs qui sous-tendent la société civile et qui témoignent de son évolution», résume Heater Munroe-Blum, principale et vice-chancelière de l'université McGill dans son propre communiqué.
La controverse découle de la décision de la University and College Union (UCU) de soutenir les appels au boycottage «de toutes les universités israéliennes» en raison de la «complicité du monde universitaire israélien dans l'occupation de la Palestine». La résolution a été adoptée lors du congrès annuel du principal syndicat britannique de l'enseignement supérieur à la fin mai. Les délégués ont adopté la mesure par 158 voix contre 99.
La motion a été proposée par Tom Hickey, un professeur radicalement à gauche de l'université de Brighton. Elle précise que la possibilité de la mise à l'index des savants israéliens sera débattue au sien des différentes branches du syndicat. Outre ses effets politiques, symboliques et éthiques, la mise en application de la mesure pourrait à terme compliquer les recherches internationales ou l'organisation de colloques.
«Ce n'est pas un appel au boycottage, dit Dan Ashley, porte-parole de la UCU, interviewé hier par Le Devoir. La motion accorde aux membres la possibilité de débattre. Nous offrons une sorte de forum officiel. Il m'apparaît contradictoire de favoriser la liberté universitaire d'un côté et de s'opposer au débat de l'autre.»
La présidente du syndicat, Sally Hunt, a clairement pris position contre l'ostracisation. Les instances syndicales régionales et nationales devraient se prononcer après les débats qui n'auront vraisemblablement pas lieu avant l'automne.
Néanmoins, les condamnations de la décision syndicale n'ont pas tardé. Le ministre de l'Éducation Lord Adonis a répété la semaine dernière que le gouvernement britannique déplorait «toutes les propositions de boycottage universitaire». Sa collègue israélienne, Youli Tamir, a minimisé l'impact de la démarche. «Ce boycottage ne sera ni entériné ni effectif, a déclaré Mme Tamir, elle-même professeure. Dans le passé, il y a déjà eu des appels similaires en Grande-Bretagne, qui n'ont pas eu de suite.»
Le gouvernement israélien a convoqué l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Tel-Aviv pour lui exprimer son profond mécontentement. Au moment de la rencontre, le premier ministre, Tony Blair, avait déjà invité le syndicat de l'enseignement supérieur à revenir sur son appel.
Condamnation
Plus de 250 universitaires britanniques ont publié une page entière dans le Times pour condamner la UCU. Le texte de l'annonce parue la semaine dernière décrit le geste d'exclusion potentielle comme «mauvais pour la Grande-Bretagne, mauvais pour la liberté universitaire, mauvais pour les Palestiniens, mauvais pour la paix».
Environ 2000 universitaires américains, dont neuf Prix Nobel, ont aussi fait paraître une déclaration commune. Ils y annoncent leur intention de boycotter à leur tour toutes les activités dont les Israéliens seraient exclus. «Si la UCU va de l'avant, nous allons isoler les savants britanniques du reste du monde», a menacé un professeur de droit de Harvard, fort de l'appui d'une centaine de collègues des deux cotés de l'Atlantique Nord.
Le recteur de Concordia ne menace pas, il condamne. «Il faut toujours combattre toute forme de discrimination, dit Claude Lajeunesse, qui a diffusé une déclaration officielle jeudi dernier. Je pense que de condamner un ou des individus parce qu'ils font partie d'un groupe c'est totalement inacceptable. Voir quelqu'un jugé pour sa couleur, sa race ou son pays d'origine m'a toujours répugné. C'est une question de principe.»
Dans un communiqué diffusé vendredi, son collègue de l'UdeM, Luc Vinet, ajoute que la décision britannique «propose la rupture du dialogue entre intellectuels [et] représente, dans son essence même, la négation des valeurs universitaires les plus fondamentales que sont la liberté d'expression et la valorisation de la circulation des idées.»
La UCU est née de la fusion l'été dernier de deux syndicats de l'enseignement supérieur en Grande-Bretagne, la National Association of Teachers in Further and Higher Education (NATFHE) et l'Association of University Teachers (AUT), qui tous deux avaient adopté des positions similaires. Le NATFHE avait appelé en mai 2006 ses membres à «envisager le boycottage» des universitaires israéliens qui ne se démarqueraient pas de la «politique d'apartheid» d'Israël. De son côté, l'AUT avait provoqué un tollé un an auparavant en décidant de boycotter deux universités, celle d'Haïfa et celle de Bar Ilan près de Tel Aviv, aux motifs qu'elles violaient la liberté des enseignants sur le dossier palestinien.
Boycottage des universités israéliennes
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